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Le Cheylard - Aric- aménagement de la zone d'activité


L’opération archéologique réalisée sur la commune du Cheylard (Ardèche) s’inscrit dans le cadre d’un projet de zone d’activité industrielle déposé par la Communauté de communes du Pays du Cheylard. L’agglomération est localisée dans la région des Boutières, rattachée aux Monts du Vivarais, qui occupe la bordure orientale du Massif central . La ville actuelle s’est développée dans une boucle de méandre , au confluent de la Dorne et de l’Eyrieux, à environ 60 km à l’ouest de Valence.


Les plus anciens indices révélant une fréquentation du plateau se rapportent à une petite collection de silex remontant à la Préhistoire récente, et en particulier au Néolithique moyen Chasséen (4200 et 3500 avant notre ère), qui trouve des échos avec les découvertes réalisées plus en aval de la vallée à Saint-Basile et Saint-Julien-Labrousse. La mise en évidence de pièces de silex brûlées, comme d’ailleurs les produits de débitage ou les nucléus, laissent supposer une occupation pérenne du plateau d’Aric ou de ses hauteurs, malheureusement non reconnue sur l’emprise de fouille. L’occupation protohistorique est en revanche représentée par une quarantaine de structures archéologiques datées par la céramique et les datations 14C entre le Bronze final IIIa, pour les plus nombreuses, et la fin du premier Âge du fer . Les vestiges reconnus se caractérisent par leur grande diversité, avec une sépulture sous tumulus, deux bâtiments sur poteaux porteurs , quatre murets de pierres sèches, un silo enterré, cinq foyers ou vidanges en fosses, plusieurs fosses et trous de poteau, cinq chablis ou fosses de plantation, et une poutre rubéfiée. L’interprétation de bâtiments sur poteaux porteurs pourrait conforter l’hypothèse d’un petit domaine agricole, exploitant le territoire délimité par le plateau. Enfin, la période du second Âge du fer n’est plus représentée que par des pièces isolées découvertes en position résiduelle, qui attestent toutefois d’une fréquentation du secteur durant la seconde moitié du IIe siècle avant notre ère.


Après un hiatus de plusieurs siècles, le plateau est à nouveau occupé durant l’Antiquité tardive (Ve siècle de notre ère). Les vestiges reconnus sont apparus moins denses, mais régulièrement représentés, sous la forme d’un grenier surélevé sur poteau porteur, des fosses de plantation probables, des foyers ou vidanges, ainsi que plusieurs radiers identifiés à des espaces dévolus au traitement des céréales. L’identification d’un barrage maçonné installé dans le lit d’un ruisseau dévalant le versant témoigne par ailleurs d’une maîtrise des contraintes hydrologiques du site. L’ensemble peut raisonnablement être attribué à un établissement agricole de type ferme. Si la partie « habitat » n’a pu être identifiée au sein de l’emprise de fouille, on peut toutefois supposer sa présence à proximité, peut être sur les parties hautes du versant, afin de libérer les terrains les plus propices à une mise en culture. Si les questions restent encore nombreuses, ces données viennent avec bonheur compléter un maigre bilan sur l’occupation des campagnes à la fin de l’Antiquité en moyenne vallée du Rhône, et en particulier en Ardèche, et ouvrent des perspectives de recherche nouvelles pour la région.


L’essentiel des vestiges mis au jour se rapporte à la période médiévale et peut être mis en relation avec l’existence du prieuré d’Aric localisé à proximité à l’ouest. Ils se rapportent une nouvelle fois à une mise en valeur agricole du plateau, qui a pu être datée, sur la base d’une collection de céramique et de datations 14C, du bas Moyen Âge, soit aux XIVe et XVe siècles, à une période où on assiste au développement du castrum du Cheylard au dépend de celui de Brion, en raison d’une situation topographique meilleure dans la boucle de la Dorne. La mise en place du parcellaire (chemins et murs de terrasses) date de cette période, ce qui apparait relativement tardif au regard notamment de ce que l’on connait de la création du prieuré d’Aric. Signalons qu’aucune structure ou élément de mobilier archéologique ne remonte en effet antérieurement au bas Moyen Âge, malgré une occupation du territoire supposée depuis la période carolingienne. La très grande majorité des vestiges renvoie à des pratiques culturales, avec  des fossés agraires, des palissades, des fosses de plantations, des aménagements de mares... Une certaine structuration de l’espace est par ailleurs perceptible au travers de plusieurs fossés, palissades, murets et chemins, délimitant des secteurs dévolus à l’agriculture et à l’élevage, conformément aux données révélées par les Compoix de 1540 et 1636, qui nous montrent un territoire largement aménagé en pâtures et en champs. Ces découvertes sont à mettre en relation avec un ample mouvement de conquête du territoire autour des pôles de fixation des communautés agricoles que constituent les châteaux. L’appropriation de nouveaux espaces agricoles a d’ailleurs été démontrée par l’étude géomorphologique, qui a révélé une importante dégradation du versant durant le Petit Âge Glaciaire, conséquence des activités humaines (déboisement, mise en culture) qui se sont développées sur le plateau durant le bas Moyen Âge.
L’exploitation du plateau pourrait graviter autour de deux bâtiments maçonnés et un grenier sur poteaux porteurs, localisés en contre-haut des secteurs dévolus aux activités agricoles, à partir desquels s’est effectuée l’exploitation de ce territoire de pentes. Ils constituent des éléments éclairant sur la vie quotidienne, les techniques architecturales et la culture matérielle du monde rural à cette période. Le bâtiment le mieux conservé est construit en pierres sèches et montre une adaptation au relief et aux contraintes climatiques, sur le modèle de l’habitat traditionnel des Boutières. Il occupe au sol une vingtaine de mètres carrés pour la partie principale et apparaît bordé à l’est par un appentis ou une annexe, dont le statut reste difficile à préciser. La mise en valeur des terres est perceptible grâce à l’identification de traces agraires nombreuses et variées. Les plus prégnantes renvoient à des fosses de plantation au comblement pierreux, qui semblent se rapporter à des petits fruitiers et des arbres. La culture des céréales est également manifeste par le biais d’un grenier sur poteau porteur et d’une zone de traitement des céréales. On rappellera également l’identification d’une probable aspergeraie plantée en rangs parallèles, qui constitue un rare exemple de ce type de culture en France pour cette période. Bien que la fouille des espaces agraires ne livre que rarement des indices sur les cultures pratiquées, les données tirées de l’étude des compoix permettent toutefois de supposer la culture des céréales et des légumineuses, des fruitiers, de la vigne, ainsi que l’exploitation des bois ou de ses produits (châtaigne, noix…). Les parcelles dévolues au pacage et à l’élevage devaient également être nombreuses, avec des prairies bien irriguées, comme en témoigne l’identification de nombreuses sources et mares. Le souci de maîtriser les ressources hydrauliques transparait par ailleurs au travers de l’aménagement de plusieurs fossés drainants et de chemins creux destinés à canaliser les eaux de ruissellement issus du versant. Les périodes Moderne et Contemporaine sont enfin attestées de manière tout à fait minoritaire, avec toutefois des vestiges maçonnés de qualité (citerne et son canal, drain), dont la datation repose toutefois sur peu de mobilier archéologique. Une chronologie postérieure à la fin du Moyen Âge semble toutefois certaine.


En conclusion, les investigations archéologiques menées sur la vaste fenêtre constituée par le plateau d’Aric ont permis d’éclairer d’un jour nouveau des modes d’occupations humains et de mise en valeur des terres, dans un contexte rural des Boutières particulièrement méconnu jusqu’à la période du Moyen Âge. Reste à souhaiter que cette première expérience d’envergure ouvrira la porte à de prochaines opérations, afin de compléter et étoffer les enseignements déjà acquis, particulièrement importants pour ce qui concerne les occupations les plus anciennes.


Bibliographie scientifique :

  • Maza et al. 2013 : MAZA G. avec la collaboration de COLLOMBET J., DJERBI H., JACOB V., LATOUR-ARGANT C., LINTON J., SILVINO T., TEYSSONNEYRE Y., « Découvertes archéologiques récentes sur le plateau d’Aric (Cheylard, région des Boutières) », Les Cahiers du Mézenc, 25, pp. 19-32.

  • Maza, Collombet 2015 : MAZA G., COLLOMBET J., avec la collaboration de VITAL J., LATOUR C., DJERBI H., LINTON J. et BAZILLOU C. « Du nouveau sur l’occupation pré- et protohistorique des Boutières (Le Cheylard), du Néolithique moyen au second âge du Fer », Ardèche Archéologie, 32, pp. 39-48.

  • Maza et al. 2018 : MAZA G., CLEMENT B., DJERBI H., LATOUR C., SILVINO T., « Des romains dans les Hautes-Boutières. Plateau d’Aric, le Cheylard », Ardèche Archéologie, n°35, pp.47-58.


Commune : Le Cheylard

Adresse/lieu-dit : Aric- aménagement de la zone d'activité

Département/Canton : Ardèche

Année de fouille : 2011

Période principale d'occupation : Moyen Âge

Autres périodes représentées : Néolithique,Age du Bronze,Age du Fer,Antiquité,Période moderne,Epoque contemporaine

Responsable d'opération : Guillaume MAZA

Aménageur : Communauté de Communes du Pays du Cheylard

Raison de l'intervention : Aménagement de ZA ou ZI

Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)