Archives de catégorie : Antiquité

Décapage en cours à Crissey

Parties de campagnes gallo-romaines

Parties de campagnes gallo-romaines

En octobre 2020, une équipe d’Archeodunum a investi le nord-ouest de la commune de Crissey (Saône-et-Loire). Mission : réaliser une fouille archéologique de 3 600 m² prescrite par le Service régional de l’archéologie de Bourgogne-Franche-Comté, en préalable à la création d’une plateforme logistique (Aubade / Comptoir des Fers). Sous les terres agricoles d’aujourd’hui, c’est une évocation des paysages campagnards d’époque romaine qui se dégage, sur un mode impressionniste.

Des drains, des fossés et des pots

Sous les trente centimètres de terre végétale retirés en début d’opération, apparaissent les stries parallèles de drains modernes – qui ont parfois recoupé les structures anciennes.
2000 ans auparavant, c’est un autre réseau qui se développe sur l’ensemble de l’emprise. Il s’agit de plusieurs fossés, répartis en deux phases chronologiques (Ier siècle apr. J.-C. ; du milieu du IIe au IIIe siècle). Limites de parcelles ou de champs, fossés drainants, bordures de chemin, les usages sont difficiles à préciser.
Elément remarquable, l’équipe a découvert des vases brisés, mais complets, dans les comblements des fossés. Pour Marie-José Ancel, responsable de l’opération, ces dépôts visiblement intentionnels pourraient bien être liés au bornage des terres : une pratique fréquemment attestée en Gaule, également mentionnée par l’agronome latin Siculus Flaccus. C’est peut-être également à cette fonction qu’il faut rapporter les pots entiers découverts lors du diagnostic.

Plan général des vestiges
Plan général des vestiges
Le puits, vue en coupe
Le puits, vue en coupe

L’insondable profondeur du puits

Un puits a été découvert à l’ouest de l’emprise. Creusé dans l’argile, il est cuvelé de pierres dans sa moitié inférieure, en partie effondrée. Sa profondeur totale, supérieure à 2,70 m, reste inconnue, car la présence de la nappe phréatique n’a pas permis de poursuivre l’exploration. L’existence de ce puits est un indice en faveur d’une occupation de longue durée.

Patère en bronze
Patère en bronze
Bandages de roues de char en fer
Bandages de roues de char en fer

De terre, de rouille et d’os

Les vestiges antiques, principalement des négatifs de poteaux et quelques fosses, se concentrent dans la moitié ouest de la fouille. Ils sont en partie recouverts par un vaste « remblai » de près de 200 m², riche en fragments de tuiles et objets de la vie courante datés jusqu’au IIIe siècle après J.-C. Zone de dépotoir, cette couche témoigne de la proximité d’un habitat.
Parmi l’abondant mobilier, mentionnons une patère (récipient à manche pour les ablutions) et deux fibules en bronze, des bandages de roues de char et des outils agricoles en fer, ainsi que de nombreux récipients en céramique et quelques-uns en verre. Quelques fragments d’os animaux ont également été mis au jour.

Céréales killer : un grenier incendié

Si aucun habitat n’a pu être reconnu, un petit bâtiment rectangulaire se situe à l’est, à l’écart de la zone la plus dense en vestiges. Les quatre négatifs de poteau qui en révèlent l’existence dessinent le plan d’un grenier sans doute surélevé. Dans leur remplissage, des couches charbonneuses ou rubéfiées évoquent un incendie. Grâce à un tamisage très fin, on y a retrouvé des grains de blé, d’orge et de millet, ultimes restes des céréales qu’on y stockait !

Fouille en cours des trous de poteau du grenier
Fouille en cours des trous de poteau du grenier
Tombe
Tombe
Coffrage de pierre, pour une tombe d'enfant ?
Coffrage de pierre, pour une tombe d'enfant ?

Un peu d’au-delà

Outre ces traces d’organisation de l’espace et d’activités des vivants, nos archéologues ont découvert deux tombes à inhumation dans la zone la plus riche en vestiges. La première  abritait un individu adulte dont le squelette est très mal conservé – au point même qu’une tentative de datation par carbone 14 a été infructueuse ! Le corps a été enseveli dans une fosse étroite, sans aménagement ni mobilier particulier. Il est orienté la tête à l’ouest et repose sur le dos.
La seconde tombe est incertaine. Il s’agit d’un coffrage en pierres de petites dimensions, suggérant qu’il ait pu accueillir un enfant. Aucun ossement n’est toutefois conservé et il n’est pas possible d’assurer qu’il s’agisse bien d’une sépulture.

Et après ?

À l’issue du chantier, le Comptoir des Fers a repris possession des lieux pour y aménager sa plateforme. Côté archéologie, nos experts étudient l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux comment on a vécu dans ce secteur du Chalonnais durant l’époque romaine. Tous les résultats sont rassemblés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Opération d’archéologie préventive conduite en automne 2020 sur la commune de Crissey (Saône-et-Loire), en préalable à la création d’une plateforme logistique.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Bourgogne-Franche-Comté.

Maîtrise d’ouvrage : Comptoir des fers

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Marie-José Ancel)

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Recherches archéologiques en cours à l’Hôtel-Dieu

Recherches archéologiques en cours à l’Hôtel-Dieu

Avant la future Bibliothèque métropolitaine, Archeodunum écrit une nouvelle page du passé de Clermont-Ferrand

Clermont Auvergne Métropole : A livres ouverts #2 : Feuilleter la terre

Après la Place des Carmes, c’est de l’autre côté du cœur historique de Clermont-Ferrand que les archéologues d’Archeodunum ouvrent une nouvelle fenêtre sur le passé de la capitale auvergnate sous la responsabilité de Marco Zabeo.

La transformation de l’Hôtel-Dieu en Bibliothèque métropolitaine est à l’origine d’une fouille archéologique de près de 5 000 m².

Clermont Auvergne Métropole en assure la maîtrise d’ouvrage, et le contrôle scientifique est réalisé par le Service régional de l’archéologie.

La deuxième tranche de travaux est en cours, à l’emplacement du futur « jardin de lecture ». On y découvre principalement la frange ouest de la ville gallo-romaine, avec rue, portique et constructions, ainsi que des vestiges plus récents qui font le lien avec l’Hôtel-Dieu.

Le site en images

L’Hôtel-Dieu et les zones archéologiques vus du ciel. En jaune, la fouille en cours. (Google Earth et Archeodunum)
L’Hôtel-Dieu et les zones archéologiques vus du ciel. En jaune, la fouille en cours. (Google Earth et Archeodunum)
Le chantier a démarré en hiver
Le chantier a démarré en hiver
En plein décapage
En plein décapage
L’équipe au travail au pied de l’Hôtel-Dieu
L’équipe au travail au pied de l’Hôtel-Dieu
Rue antique et école ultra-moderne
Rue antique et école ultra-moderne
Canalisations en bois, dont seuls subsistent les joints en fer.
Canalisations en bois, dont seuls subsistent les joints en fer.
Canalisations en bois, dont seuls subsistent les joints en fer.
Canalisations en bois, dont seuls subsistent les joints en fer.
Une entrée de cave
Une entrée de cave
Manque de pot : d’un vase antique, seul a survécu ce décor de Bacchus
Manque de pot : d’un vase antique, seul a survécu ce décor de Bacchus
Découvert à Pâques (ou peu s’en faut), un faux œuf en terre blanche
Découvert à Pâques (ou peu s’en faut), un faux œuf en terre blanche

Opération d’archéologie préventive conduite début 2021 sur la commune de Clermont-Ferrand, sur le site de l’Hôtel-Dieu, en préalable à sa transformation en bibliothèque.

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : Clermont Auvergne Métropole

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Marco Zabeo)

Fig. 8 : Pot miniature sans doute lié à un défunt

Avant les gendarmes, des Romains !

Avant les gendarmes, des Romains !

C’est à la construction d’une nouvelle gendarmerie, et sur prescription de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes (SRA), que l’on doit la plus vaste fouille archéologique jamais ouverte sur l’agglomération antique d’Aquae Segetae (secteur de Moingt à Montbrison). Au cours de l’été 2020, non loin des fameux thermes de Sainte-Eugénie, c’est tout un pan de la cité romaine qui a émergé, sous les pioches et les truelles des archéologues d’Archeodunum, coordonnés par Camille Nouet (fig. 1).

Fig. 1 : Vue aérienne de la fouille
Fig. 1 : Vue aérienne de la fouille
Fig. 2 : Vestiges romains traversés par une canalisation moderne
Fig. 2 : Vestiges romains traversés par une canalisation moderne

Mèches, pièces détachées et mâchefer : un peu d’archéologie industrielle…

Nous nous situons à l’angle de la Rue Centrale et de la Rue du Repos. Tout au long du XXe siècle, la parcelle a vu se succéder des entreprises industrielles : fabrique de mèches et tarauds, scierie, peinture, équipement automobile, etc. Les dernières installations ont été démantelées en 2012. Si, au sol, il n’en demeure qu’une dalle de béton, les archéologues ont mis au jour toute une série de vestiges modernes : canalisations, gaines électriques, fondations en béton armé ou en mâchefer. Fort heureusement, ces constructions n’ont que partiellement détruit les vestiges antiques (fig. 2).

 

Une ville romaine qui n’est pas inconnue

La ville à laquelle a succédé Moingt s’appelait Aquae Segetae au temps des Romains. Ce nom nous est connu grâce à la célèbre Table de Peutinger, copie médiévale d’une carte routière romaine. La configuration de cette ville thermale se dessine par plusieurs monuments, découverts à partir du XVIIe siècle : un théâtre, des thermes, un probable sanctuaire, des habitations.

Fig. 3 : Plan général des vestiges
Fig. 3 : Plan général des vestiges

Une succession de bâtiments romains

Camille Nouet et son équipe ont découvert plusieurs bâtiments appartenant à différentes époques de l’antiquité romaine, entre le Ier et le IIIe siècle (fig. 3). Les murs, qui sont les premiers repères, sont pour la plupart très érodés. Certains ont conservé l’enduit et la peinture qui les recouvraient. Les sols qui dessinent les pièces des bâtiments sont faits de différentes manières. La plupart du temps, ils sont en mortier de chaux, parfois agrémentés d’éclats de tuiles ou de briques. D’autres sont simplement en terre battue : le mobilier, les poteries principalement, écrasé à leur surface, facilite leur repérage.

Une foule d’objets riches d’enseignements

Les nombreuses poteries sont déterminantes pour les archéologues, car elles permettent de dater les couches dans lesquelles elles ont été trouvées (fig. 4). Les couches de démolition et les remblais, riches en objets et en matériaux brisés, apportent de précieux renseignements sur l’architecture et la vie quotidienne (fig. 5). Une mention spéciale pour les enduits d’une colonnade décorés de motifs végétaux ! (fig. 6)

Fig. 4 : Poteries
Fig. 4 : Poteries
Fig. 5 : Spatule en bronze
Fig. 5 : Spatule en bronze
Fig. 6 : Fragments d’enduits décorés appartenant à une colonne
Fig. 6 : Fragments d’enduits décorés appartenant à une colonne

Un chauffage par le sol, emblématique du monde romain

Un élément remarquable a été dégagé au nord-est de la fouille. Il s’agit d’un hypocauste, un dispositif destiné à « chauffer par en-dessous » une pièce (fig. 7). La chaleur d’un feu dessert, grâce à un canal, un espace souterrain. Ici, des petites colonnes en briques supportent le sol de la pièce chauffée. La chaleur remonte le long des parois par des briques creuses. L’espace peut être une simple pièce chauffée, ou bien une salle de bain. Ce chauffage par le sol est bien connu à l’époque romaine et largement utilisé dans tout l’Empire romain.

Fig. 7 : Vue aérienne de l'hypocauste
Fig. 7 : Vue aérienne de l'hypocauste

Forgerons et sépultures

Au nord de la fouille, l’équipe a trouvé de nombreuses fosses remplies de déchets métallurgiques et de charbons. Cela suggère la présence d’une forge. Au sud, ce sont plusieurs petits pots intacts qui ont été découverts (fig. 8). Ils accompagnaient probablement un défunt. Plus tard, lorsque le quartier antique est abandonné, quelques sépultures sont installées ici et là, sans doute au Moyen‑Âge.

Fig. 8 : Pot miniature sans doute lié à un défunt
Fig. 8 : Pot miniature sans doute lié à un défunt

Ouverture au public : un beau succès malgré les contraintes sanitaires

L’équipe s’est largement mobilisée pour ouvrir le chantier lors des Journées Européennes du Patrimoine, dans le cadre des manifestations organisées par la mairie de Montbrison. Le vendredi 18 et le samedi 19 septembre, ce sont deux classes élémentaires et près de 190 personnes qui ont été accueillies sur le site. Au programme, visites guidées et stands thématiques, sans oublier masques, gel hydroalcoolique et un petit orage qui n’ont en rien réfréné l’enthousiasme des visiteurs…

Et la suite ?

Depuis, le terrain a été rendu à l’aménageur afin qu’il puisse édifier la nouvelle gendarmerie. Côté archéologie, c’est un long travail d’analyse des données recueillies sur le terrain (dessins, photographies, objets, prélèvements) qui démarre. Nos spécialistes vont se livrer à de minutieuses études, afin de comprendre au mieux comment on a vécu dans ce secteur de la ville romaine d’Aquae Segetae. Tous les résultats seront réunis dans un rapport final abondamment documenté et argumenté.

Opération d’archéologie préventive conduite entre juillet et octobre 2020
sur la commune de Montbrison (Loire), Rue du Repos, avant la construction d’une gendarmerie

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : SCI Caserne Montbrison

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Camille Nouet)

Fig. 2 : Restes organiques dans un paléochenal

Et au milieu coulait une rivière

Et au milieu coulait une rivière

Des Gaulois et des Romains dans la plaine des Tilles.

Au cours de l’été 2020, l’entreprise Archeodunum a réalisé une fouille archéologique au lieu-dit « les Grands Pâtis », sur la commune de Champdôtre (21). Cette opération, prescrite par le Service régional de l’archéologie de Bourgogne-Franche-Comté, était un préalable à l’extension d’une carrière de sable exploitée par la société Maggioni SA. Sur 15 000 m2 au cœur de la plaine des Tilles, Elio Polo et son équipe ont exploré les traces de communautés agricoles gauloises et romaines installées de part et d’autre d’un cours d’eau disparu.

Une rivière disparue, mine de données pour les scientifiques

Bien avant les occupations gauloises et antiques, le site est traversé par une rivière qui semble active vers 10 000 avant J.-C. (fin du Tardigalciaire / début de l’Holocène) (fig. 1). Ce cours d’eau serpentait dans le vaste couloir alluvial actuellement parcouru par la Tille et l’Ouche. Son passage a creusé de nombreux sillons entre des buttes situées au nord et au sud du site.
Une fois colmatés, les anciens chenaux sont restés très humides. Leur comblement tourbeux a piégé et conservé énormément de restes organiques, bois, graines et pollens, qui livrent de précieux renseignements sur l’environnement et le climat (fig. 2). Pour approfondir l’analyse, une collaboration a été mise en place avec le laboratoire Chrono-Environnement de l’Université de Besançon (fig. 3).

Fig. 1 : Vue aérienne de la fouille.
Fig. 1 : Vue aérienne de la fouille.
Fig. 2 : Restes organiques dans un paléochenal
Fig. 2 : Restes organiques dans un paléochenal
Fig. 3 : Le laboratoire Chrono-Environnement de Besançon au travail
Fig. 3 : Le laboratoire Chrono-Environnement de Besançon au travail

Les Gaulois puis les Romains sont dans la plaine

Hormis quelques indices du Néolithique (5000-2000 av. J.-C.), une première fréquentation des lieux semble intervenir à la fin de l’Âge du Bronze (1000-800 av. J.-C.), au sud de la fouille, sous la forme d’un fossé de plan courbe – peut-être un enclos circulaire ?
Ensuite, c’est à la fin de la période gauloise et principalement à l’époque romaine que l’on retrouve des occupants au contact de la zone humide (fig. 6) .
Au Ier siècle avant J.-C., des fosses sont ainsi creusées dans un des bras de l’ancienne rivière – peut-être pour en extraire de la tourbe ? Un fer de hache y a été trouvé (fig. 4).

Fig. 4 : Fer de hache
Fig. 4 : Fer de hache
Fig. 5 : Squelette de chien
Fig. 5 : Squelette de chien
Fig. 6 : Plan général des vestiges.
Fig. 6 : Plan général des vestiges.

Au nord, des enclos pour le bétail 

Au début de l’époque romaine (Ier siècle après J.-C.), un chemin relie le paléochenal à un réseau de fossés situés au nord de la fouille. Ceux-ci dessinent de vastes enclos, que l’on pense destinés au bétail. À l’intérieur, des empreintes de poteaux évoquent des clôtures, des palissades ou des bâtiments. Plusieurs dizaines de fosses émaillent la zone, creusées dans le sable et le gravier. L’une d’elles contenait le squelette d’un chien (fig. 5).

Franchir l’ancienne rivière

Entre la fin du Ier siècle et le début du IIe siècle de notre ère, un nouveau chemin traverse le chenal principal. Large de près de 6 mètres, il est bordé par deux grands fossés, dont l’un renvoie les eaux vers l’ouest. De nombreux objets en poterie et en métal en sont issus (fig. 7).
Plus tard, un apport massif de graviers comble les fossés et le chemin. Pour Elio et son équipe, il s’agit d’opérations d’assainissement facilitant le franchissement de la zone humide.
Ici également, le contexte est favorable à la conservation d’objets, qui ailleurs n’auraient pas résisté aux outrages du temps : éléments organiques (noisettes, glands…), ou témoins des activités humaines, tels que des fragments de pieux (fig. 8) ou une semelle en cuir encore munie de ses clous (fig. 9).

Fig. 7 : Fibule en bronze
Fig. 7 : Fibule en bronze
Fig. 8 : Fragment de pieu
Fig. 8 : Fragment de pieu
Fig. 9 : Fragment de semelle en cuir encore munie de ses clous
Fig. 9 : Fragment de semelle en cuir encore munie de ses clous

Au sud, des puits et un habitat ?

Au sud de l’ancien cours d’eau, nulle trace de chemin, mais un enclos quadrangulaire, qui s’implante sur le fossé de l’Âge du Bronze. On retrouve comme au nord des groupes de poteaux et des fosses, mais en plus grand nombre. L’équipe suppose que c’est ici, ou à proximité, qu’habitaient les gens qui exploitaient ce secteur de la plaine. Un élément qui nourrit cette hypothèse est la présence d’une vingtaine de puits, des fosses circulaires larges de 1,70 m et profondes de 1,80 m (fig. 10). Au fond d’un de ces ouvrages rudimentaires, l’équipe a trouvé un pot complet (fig. 11) et des lames de forces à tondre. Ces objets viennent compléter les éléments de vie quotidienne, mais aussi l’outillage agricole ou artisanal (ciseaux à bois, pierre à aiguiser), recueillis ailleurs sur le site.

Fig. 10 : Un puits vu en coupe
Fig. 10 : Un puits vu en coupe
Fig. 11 : Pot en cours de fouille en laboratoire
Fig. 11 : Pot en cours de fouille en laboratoire

Et maintenant ?

À l’issue du chantier, le terrain sera exploité en carrière. Côté archéologie, nos experts étudieront l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux comment on a vécu dans ce secteur de la plaine des Tilles entre le Ier siècle avant J.-C. et le IIIe siècle après J.-C. Plus particulièrement, les données paléo-environnementales alimenteront l’analyse du climat et du paysage sur le temps long. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Opération d’archéologie préventive conduite en été 2020 sur la commune de Champdôtre, en préalable à une extension de carrière

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne Franche-Comté

Maîtrise d’ouvrage : Ets L. Maggioni SA

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Elio Polo)

Fig. 3 : L’équipe de fouille au travail.

Les riches racines de Boigny-sur-Bionne

Les riches racines de Boigny-sur-Bionne

Premiers résultats des fouilles archéologiques à la ZAC de la Clairière, Tranche 1

C’est au nord de Boigny-sur-Bionne que les archéologues d’Archeodunum ont réalisé une fouille en préalable à un projet de lotissement. L’équipe est intervenue en automne 2019, sur 13 380 m². Elle a mis au jour une imposante villa gallo-romaine, à laquelle ont succédé des occupations du Moyen-Âge. Ces belles découvertes éclairent d’un jour nouveau les lointaines origines de Boigny-sur-Bionne.

Boigny-sur-Bionne et la fouille archéologique. Vue plongeante depuis le nord. En bleu, les vestiges de la villa gallo-romaine. En orange, la fouille de 2021. Fond Google Earth, plan et montage Archeodunum.
Boigny-sur-Bionne et la fouille archéologique. Vue plongeante depuis le nord. En bleu, les vestiges de la villa gallo-romaine. En orange, la fouille de 2021. Fond Google Earth, plan et montage Archeodunum.

Les raisons de l’intervention

La fouille archéologique s’inscrit dans le cadre de la future ZAC de la Clairière. Cet aménagement, piloté par Nexity, est destiné à accueillir des logements. Le projet a déclenché un diagnostic archéologique sur 7 hectares. à la suite de résultats positifs, le Service régional de l’archéologie a prescrit la fouille de 2,7 hectares.

Ce qui était attendu

Selon le diagnostic préalable, les lieux semblent fréquentés entre la fin de la période gauloise et le Moyen‑Âge. En particulier, on attribue une série de maçonneries à un domaine agricole (villa) installé dans un enclos d’environ 3 hectares. Aux alentours, de nombreux vestiges dispersés témoignent d’un ou plusieurs habitats du Moyen-Âge. Enfin, une petite nécropole reste mal datée.

Les principaux résultats à l’issue de la fouille

C’est la partie située au nord-ouest de l’église de Boigny-sur-Bionne que Jérôme Besson et son équipe ont investie en 2019. L’opération a en effet été scindée en deux moitiés égales : la seconde phase de fouille, à l’est, aura lieu en 2021 (fig. 1).

Une avalanche de vestiges

11 semaines de fouille, une équipe passée de 8 à 15 archéologues, 674 vestiges et plus de 1500 couches archéologiques : telle est l’opération de terrain en quelques chiffres. Les découvertes se sont rapidement avérées beaucoup plus nombreuses qu’initialement prévues. En conséquence de quoi, en concertation avec le Service régional de l’archéologie, l’équipe a procédé à des ajustements méthodologiques.

Fig. 2 : Partie sud de la fouille, avec l’église de Boigny-sur-Bionne en arrière-plan.
Fig. 2 : Partie sud de la fouille, avec l’église de Boigny-sur-Bionne en arrière-plan.
Fig. 3 : L’équipe de fouille au travail.
Fig. 3 : L’équipe de fouille au travail.

De riches Gallo-romains

L’occupation gauloise ne semble pas présente dans le secteur investigué – ce sera probablement pour 2021. Les vestiges les plus anciens appartiennent à l’époque romaine.
Au sein de l’enclos repéré lors du diagnostic, l’élément le plus remarquable de la fouille est un très grand édifice rectangulaire, d’axe nord-sud : sa longueur dépasse 58 m ! Ce bâtiment évolue durant toute la période romaine (du Ier au IVe siècle apr. J.-C.), avec la création de pièces supplémentaires.
Le bâtiment est doté d’un vaste bassin et de pièces thermales, équipées d’un système de chauffage par le sol (hypocauste) et d’un réseau de canalisations. Ces éléments témoignent d’un confort certain. Pour les archéologues, il s’agit de la partie résidentielle du domaine – et non de la simple dépendance que l’on avait cru voir ici lors du diagnostic (fig. 4, 5 et 6).

Fig. 4 : Une niche semi-circulaire, emplacement probable d’un bassin dans les thermes
Fig. 4 : Une niche semi-circulaire, emplacement probable d’un bassin dans les thermes
Fig. 5 : Le bassin (à droite) et les thermes (à gauche).
Fig. 5 : Le bassin (à droite) et les thermes (à gauche).
Fig. 6 : Vue d’une cave maçonnée gallo-romaine.
Fig. 6 : Vue d’une cave maçonnée gallo-romaine.

Des vivants et des morts au Moyen Âge

Par la suite, la villa est abandonnée. Probablement dès le Haut Moyen-Âge, ses ruines servent de cimetière. En témoigne notamment une tombe collective de sept individus. Au total, ce sont 26 inhumations que les archéologues ont dégagées. Dans leur majorité, elles sont datées du Moyen-Âge (fig. 7, 8 et 9).
Datées de la même période, de nombreuses fosses et trous de poteau jalonnent le secteur. Ces vestiges indiquent une continuité de l’occupation des lieux, sous la forme de bâtiments en bois. Une vingtaine de fosses creusées dans le sol sont caractéristiques du stockage des récoltes.

Fig. 7 : Tombe collective du Haut Moyen-Âge, installée dans les ruines de la villa antique.
Fig. 7 : Tombe collective du Haut Moyen-Âge, installée dans les ruines de la villa antique.
Fig. 8 : Fouille de la tombe collective.
Fig. 8 : Fouille de la tombe collective.
Fig. 9 : Tombe retrouvée dans le secteur nord.
Fig. 9 : Tombe retrouvée dans le secteur nord.

De la Gaule romaine à Boigny-sur-Bionne

En résumé et en première analyse, c’est un vaste et riche domaine agricole gallo-romain que l’équipe d’Archeodunum a dégagé : plus particulièrement, sa partie résidentielle, située au cœur d’une vaste cour entourée de murs. La fréquentation des lieux semble ensuite constante jusqu’au Moyen-Âge, préfigurant probablement la création du bourg actuel (fig. 10).

Fig. 10 : Plan général des vestiges.
Fig. 10 : Plan général des vestiges.

La suite des événements

Sur place, les terres ont été remises en place et le terrain est désormais disponible pour la suite des aménagements.
Côté archéologie, les investigations se poursuivent en laboratoire. Les spécialistes d’Archeodunum exploitent les informations recueillies sur le terrain. Pendant plusieurs mois, une quinzaine de personnes vont se relayer pour décrire au mieux les vestiges retrouvés et comprendre comment on vivait (et mourait) entre le Ier et le XVe siècle dans ce secteur de l’Orléanais. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport final abondamment documenté et argumenté.
Et rendez-vous est d’ores et déjà pris en mars 2021, pour la suite de l’opération !

à voir : Un documentaire de 10’ consacré à la fouille archéologique de 2019, réalisé par Claude Humbert à la demande de la mairie de Boigny-sur-Bionne

Opération d’archéologie préventive conduite à l’automne 2019 sur la commune de Boigny-sur-Bionne, en préalable à la mise en place d’une ZAC et à la construction de logements.

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie de Centre-Val de Loire

Maîtrise d’ouvrage : Nexity

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jérôme Besson)

Fig. 6 : Antéfixe en remploi dans un mur

Sous les arbres, une très belle villa gallo-romaine

Sous les arbres, une très belle villa gallo-romaine

Résultats de la fouille archéologique – Sérézin-du-rhône (69)

Au printemps 2019, une équipe de l’entreprise Archeodunum a réalisé une fouille archéologique au 13 rue de la Sarrazinière à Sérézin-du-Rhône (69). Cette opération était un préalable à la construction de logements sociaux par Vilogia. Sur 1250 m², au cœur d’un parc ombragé, nos archéologues ont exploré une luxueuse villa gallo-romaine (fig. 1).

Fig. 1 : La fouille dans son écrin de verdure © Flore Giraud
Fig. 1 : La fouille dans son écrin de verdure © Flore Giraud

A la recherche de la villa perdue

La présence d’une villa antique est supposée dès le XIXe siècle, grâce à des mosaïques découvertes lors de la construction de la gare. En 1971, deux nouvelles mosaïques sont trouvées au 24 rue de Ternay. En 2017, sur la parcelle voisine, l’évaluation archéologique révèle des vestiges analogues. Dès lors, le doute n’est plus guère permis. Nous sommes à l’emplacement d’une vaste et riche maison de campagne gallo-romaine, installée de manière privilégiée au-dessus du Rhône, à mi-chemin entre les villes romaines de Vienne et de Lyon. La fouille promettait donc des découvertes passionnantes.
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Jardins sophistiqués avec vue sur le Rhône

C’est la portion occidentale de la demeure, côté Rhône, qu’ont dégagée Camille Nouet et son équipe (fig. 2). Si l’érosion du bord de plateau a emporté une partie de la construction, on reconnaît au centre de la fouille un vaste portique en arc-de-cercle. Celui-ci ouvre par une colonnade sur un jardin (fig. 3). La vue se prolongeait sans doute en contrebas jusqu’au Rhône. Des fontaines, aujourd’hui disparues, agrémentaient probablement les espaces extérieurs.

Fig. 2 : Les archéologues au travail
Fig. 2 : Les archéologues au travail
Fig. 3 : Base de colonne du portique
Fig. 3 : Base de colonne du portique

De la belle architecture

Côté maison, le portique dessert plusieurs pièces (fig. 4). Le plan de la demeure s’organise selon un principe de symétrie, ce qui est un critère de beauté dans l’architecture romaine. Cette recherche de qualité se reflète également dans les aménagements et les finitions.
Notre équipe a ainsi eu la chance de découvrir des mosaïques noires et blanches (fig. 5), ainsi que des fragments des fresques qui ornaient les murs. Parmi les matériaux, on note la présence de marbres d’importation. Plusieurs antéfixes ont surgi au milieu des ruines des toitures de tuiles ou en remploi dans les murs (fig. 6). Ces plaques décoratives, fixées en rive basse des toits, formaient une frise de visages et de végétaux rehaussés de couleurs (fig. 7) – c’est une découverte tout à fait remarquable !
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Fig. 4 : Plan de la villa
Fig. 4 : Plan de la villa
Fig. 6 : Antéfixe en remploi dans un mur
Fig. 6 : Antéfixe en remploi dans un mur
Fig. 5 : Mosaïque du portique
Fig. 5 : Mosaïque du portique
Fig. 7 : Antéfixe avec des traces de pigments bleu et orange
Fig. 7 : Antéfixe avec des traces de pigments bleu et orange

Sous les sols, des canalisations en plomb amenaient l’eau sous pression, et des conduits en maçonnerie servaient à son évacuation (fig. 8). Ces équipements rappellent l’importance de l’ingénierie hydraulique dans le monde romain, dont les aqueducs de Lyon ou de Vienne sont de puissants témoins.

Fig. 8 : Canalisation maçonnée dans la cour/jardin
Fig. 8 : Canalisation maçonnée dans la cour/jardin

Trois siècles d’occupation

La villa de la Sarrazinière a été habitée entre le début du Ier s. et le milieu du IIIe s. après J.-C. Durant cette longue période, les résidents successifs ont procédé à diverses transformations. Il s’agit de témoignages de la fréquentation des lieux et de choix esthétiques et structurels. La vie des habitants est également illustrée par des graffitis incisés sur des poteries. Une de ces inscriptions est en langue grecque, ce qui est une découverte assez rare (fig. 9). Elle permet de reconnaitre des individus cultivés qui connaissent une langue étrangère. La villa est finalement abandonnée au milieu du IIIe s., vraisemblablement à la suite d’un incendie.

Fig. 9 : Graffiti en langue grecque sur une poterie
Fig. 9 : Graffiti en langue grecque sur une poterie

Et maintenant ?

À l’issue de la fouille, l’aménageur réinvestit son terrain pour la suite de son programme (fig. 10). En écho aux découvertes, les bâtiments s’appelleront Villa Romana et Les Mosaïques ! Côté archéologie, nos experts ont analysé l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux le site. Tous les résultats ont été synthétisés dans un rapport de fouille abondamment documenté, remis au Service Régional de l’Archéologie.

Fig. 10 : Le programme Villa Romana à l’emplacement de la fouille © Vilogia
Fig. 10 : Le programme Villa Romana à l’emplacement de la fouille © Vilogia

Opération d’archéologie préventive conduite au printemps 2019 sur la commune de Sérézin-du-Rhône, au 13 rue de la Sarrazinière, en préalable à la construction de logements sociaux.

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : Vilogia

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Camille Nouet)

Fig. 8 : Vénus au moment de sa découverte.

Dans quartier chic, maison romaine avec terrasse et banc en pierre

Dans quartier chic, maison romaine avec terrasse et banc en pierre

Saint-Romain-en-Gal « Route Nationale », principaux résultats de la fouille archéologique conduite par Archeodunum en hiver 2019-2020

C’est à Saint-Romain-en-Gal, dans un quartier très aisé de la ville antique de Vienna que six archéologues d’Archeodunum ont réalisé une fouille de 850 m2, avant la construction de la nouvelle résidence « Les Reflets » édifiée par la SCCV LES REFLETS / OXALYS.
L’équipe est intervenue durant l’hiver 2019-2020. Elle a mis au jour un système de terrasses : la partie amont était bâtie, alors que la partie aval correspondait à un parc ou à un jardin. On y a trouvé, miraculeusement intacts après deux millénaires, un banc et un couple de statuettes.

Un environnement de prestige

La fouille se situe à proximité d’ensembles antiques luxueux (thermes monumentaux du Palais du Miroir, Maison des Dieux Océans), dont les splendeurs sont visibles au Musée et site de Saint-Romain-en-Gal (fig. 1).

Fig. 1 : Vue aérienne du chantier. Au fond, le Musée et site de Saint-Romain-en-Gal. © Flore Giraud pour Archeodunum.
Fig. 1 : Vue aérienne du chantier. Au fond, le Musée et site de Saint-Romain-en-Gal. © Flore Giraud pour Archeodunum.
Fig. 2 : Plan des principaux vestiges.
Fig. 2 : Plan des principaux vestiges.

Des terrasses vers le Rhône

L’élément le plus présent et le plus saillant du chantier est un puissant mur de soutènement, de facture très soignée, qui traverse toute la longueur des 85 mètres du chantier (fig. 2 et 3). Conservé sur une belle hauteur de plus de 3 m, il sépare deux terrasses étagées de 1,30 à 2 m.
Une ouverture dans l’ouvrage correspond probablement à un escalier, aujourd’hui disparu, reliant les deux niveaux. C’est également là que passent plusieurs canalisations enterrées, destinées à évacuer l’eau vers le Rhône (fig. 4).

Du bel habitat…

La terrasse supérieure n’a été qu’entraperçue. Des départs de maçonnerie, associés à des sols en béton, indiquent que des constructions prennent appui sur le mur de soutènement. Des mosaïques entrevues à proximité révèlent une architecture de bon standing.

Fig. 3 : Mur de terrasse.
Fig. 3 : Mur de terrasse.
Fig. 4 : Interruption dans le mur de terrasse et canalisations en cours de fouille.
Fig. 4 : Interruption dans le mur de terrasse et canalisations en cours de fouille.

… combiné à un parc ?

La terrasse inférieure n’est pas bâtie, en tout cas sur les dix mètres de large qui en ont été explorés. Il s’agit probablement d’un parc, dépendant de la terrasse supérieure. Son sol est d’abord plat, puis descend en pente douce en direction du Rhône. Il a été rehaussé à plusieurs reprises à l’aide de remblais. Ces couches successives ont livré toute une gamme d’objets qui nous renseignent sur la vie des habitants, entre le Ier et le IIIe siècle après J.-C. (fig. 5 et 6).

Fig. 5 : Bol en terre cuite avec décor de gladiateurs
Fig. 5 : Bol en terre cuite avec décor de gladiateurs
Fig. 6 : Gourde en terre cuite
Fig. 6 : Gourde en terre cuite

« Un banc, solitaire et moussu »

Sur cette terrasse, l’équipe d’Archeodunum a fait deux découvertes peu ordinaires. Tout d’abord, c’est un banc en pierre de taille (fig. 7), encore debout après deux millénaires – bien qu’un peu de guingois ! Fait d’une assise posée sur deux pieds moulurés, il présente de frappantes analogies avec les bancs qui ornent nos jardins.

Fig. 7 : Banc en pierre retrouvé encore debout lors de la fouille.
Fig. 7 : Banc en pierre retrouvé encore debout lors de la fouille.

La Vénus et le barbu

Un peu plus loin, ce sont deux fragiles statuettes, miraculeusement intactes elles aussi, qui ont émergé sous la truelle et le pinceau des archéologues. Elles sont restées debout, disposées dos à dos et séparées par un petit bloc, à l’emplacement choisi par leur propriétaire. Hautes d’une quinzaine de centimètres, elles sont en terre cuite blanche.
Une des figurines représente une Vénus sortant du bain (fig. 8, 10), un thème très fréquent dans l’iconographie gallo-romaine. L’autre est un personnage barbu, dont l’identité est pour l’heure énigmatique (fig. 9-10). L’ensemble témoigne sans doute d’une pratique religieuse privée, à l’instar des vierges ou des crucifix que l’on trouve encore dans nombre de nos maisons.

Fig. 8 : Vénus au moment de sa découverte.
Fig. 8 : Vénus au moment de sa découverte.
Fig. 9 : La Vénus et le personnage barbu. © Dauphiné Libéré
Fig. 9 : La Vénus et le personnage barbu. © Dauphiné Libéré
Fig. 10 : Barbu au moment de sa découverte
Fig. 10 : Barbu au moment de sa découverte

Pollution et protection

Le terrain d’intervention était lourdement pollué. Pour assurer la sécurité de son équipe, Archeodunum a mis en place un protocole particulier : port d’une combinaison, de gants et de masques de protection (fig. 11).

… Et la suite ?

Dans des conditions difficiles, Archeodunum a donc mis au jour une portion certes réduite, mais à la fois impressionnante et émouvante, d’un quartier chic de la Vienne antique.
Les investigations se poursuivent en laboratoire. Archéologues et spécialistes mènent des études pour affiner et exploiter les informations recueillies sur le terrain. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport final abondamment documenté et argumenté.

Fig. 11 : L’équipe au travail avec ses équipements de protection.
Fig. 11 : L’équipe au travail avec ses équipements de protection.

Opération d’archéologie préventive conduite par Archeodunum entre fin 2019 et début 2020 sur la commune de Saint-Romain-en-Gal (Rhône), Route Nationale, avant la construction de la résidence « Les Reflets ».

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : SCCV LES REFLETS / OXALYS

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jérôme Grasso)

04 – Fouille de deux squelettes

Il y a 2000 ans, des chiens et des hommes sous la place des Carmes à Clermont-Ferrand

Il y a 2000 ans, des chiens et des hommes sous la place des Carmes à Clermont-Ferrand

Sur le passé, la Place

En été 2019, durant 18 semaines, une équipe d’Archeodunum a investi la Place des Carmes en préalable à son réaménagement complet (fig. 1). La décision de faire procéder à ces investigations archéologiques revient au Service régional de l’archéologie (Ministère de la Culture), qui a également contrôlé la bonne exécution des travaux.
C’est la présence de vestiges antiques et médiévaux qui a justifié l’exploration de 2000 m2. Si le maintien des voiries et des réseaux enterrés ont restreint et morcelé la fouille, les découvertes faites par les dix archéologues sont très nombreuses. Elles lèvent largement le voile sur la longue histoire de ce site, de l’Antiquité à nos jours.

Une moisson de découvertes !

Pour la période romaine, la mieux représentée, plusieurs bâtiments appartiennent peut-être à une vaste villa (fig. 2). Ils sont jouxtés par des sépultures d’hommes et d’animaux. Au Moyen âge, on stocke à cet endroit de la nourriture dans des silos enterrés. Plus tard, des sépultures et des maçonneries semblent dessiner un pôle religieux. Enfin, des galeries souterraines d’époque contemporaine restent pour l’heure assez énigmatiques.

01 - Le chantier vu du ciel © Flore Giraud pour Archeodunum
01 - Le chantier vu du ciel © Flore Giraud pour Archeodunum
02 – Plan des principaux vestiges
02 – Plan des principaux vestiges

2000 m2 pour 2000 ans d’histoire

Il y a deux mille ans, lorsque Clermont est encore la ville romaine d’Augustonemetum, le secteur de la Place des Carmes fait partie de la marge nord-est de l’agglomération. Cette zone suburbaine est traversée par des voies d’accès, le long desquelles se développent des nécropoles. Elle accueille également les premiers domaines agricoles qui exploitent les campagnes environnantes. À la fin de l’Antiquité, la ville se rétracte derrière des remparts et le secteur reste inoccupé. C’est avec l’essor de l’entreprise Michelin, à partir de la seconde moitié du 19e siècle, que la place des Carmes embrasse sa véritable fonction d’espace urbain.

Une villa romaine ?

L’équipe a dégagé de nombreuses fondations de murs un peu partout sur le site. La partie centrale s’est avérée la plus riche, avec un bâtiment de plus de 650 m2 (fig. 3). Composé de plusieurs pièces, il comprend notamment une cave et un espace ouvert à l’est, muni de quatre puits.
À la limite ouest du chantier, une abside semi-circulaire, peut-être en lien avec des bains, annonce un édifice probablement plus luxueux, qui se déploie sous le bâtiment Michelin. À l’opposé, une série de murs appartient à une autre construction qui s’étend en direction de l’est.
Pour l’instant, il est difficile de savoir à quoi correspondent ces trois bâtiments. S’agit-il d’une villa (au sens antique du terme, à savoir un domaine agricole) et de ses dépendances ? ou de bâtiments autonomes ?
On relèvera qu’ils partagent une même orientation, et que celle-ci est différente de la trame régulière de la ville antique. Faut-il y voir l’influence d’une voie toute proche ?

03 – Secteur 2 : vue aérienne du grand bâtiment antique
03 – Secteur 2 : vue aérienne du grand bâtiment antique

Des carrières en circuit court

Au contact de ces constructions, une découverte notable est celle d’une série de vastes fosses d’extraction de pierre. Le sous-sol a servi de carrière, ce qui représente une source d’approvisionnement « zéro kilomètre » facile d’accès. On en veut pour preuve le fait que ce sont ces matériaux qui constituent les fondations des murs.

Des offrandes pour l’au-delà

Archeodunum a exploré plusieurs espaces funéraires d’époque romaine. Le plus important se situe au pied du site Michelin, à côté du bâtiment à abside. Il regroupe une trentaine d’inhumations (fig. 4). Des offrandes (vases miniatures et autres objets du quotidien) accompagnent certains défunts (fig. 5 et 6).

04 – Fouille de deux squelettes
04 – Fouille de deux squelettes
05 – Offrandes funéraires
05 – Offrandes funéraires
06 – Fiole en verre
06 – Fiole en verre

Des chiens et des hommes

Un aspect remarquable, et particulièrement émouvant, est la présence conjointe de nouveau-nés, ou de jeunes enfants, et de chiens (fig. 7 et 8). Cette association est une pratique assez répandue en Gaule, notamment chez les Arvernes. À l’instar de nos chiens d’aveugles, mais ici dans le monde des morts, cet animal semble remplir un rôle de guide ou d’accompagnant.

07 – Tombe d’un enfant
07 – Tombe d’un enfant
08 – Inhumation d’un chien
08 – Inhumation d’un chien

Au plus près des vivants

Des zones funéraires plus petites sont au contact des autres édifices antiques. Au centre du chantier, un espace funéraire investit la façade orientale du bâtiment de 650 m2. À l’est, c’est une sépulture de nouveau-né qui a été découverte dans l’habitation (fig. 9). Cette tombe illustre la pratique, très répandue durant l’Antiquité, d’enterrer les tout-petits au sein du foyer domestique.

09 – Tombe d’un nouveau-né
09 – Tombe d’un nouveau-né

Premiers éléments de chronologie

Les premiers résultats, fondés sur l’étude des objets, suggèrent de dater les vestiges entre la fin du Ier et le IIIe s. après J.-C. La fin de l’occupation antique est manifestée par des fosses de récupération de matériaux, ainsi que par le comblement des puits, utilisés comme dépotoirs après leur abandon (fig. 10).
Quant aux sépultures, nous en saurons plus avec les datations radiométriques (carbone 14) qui seront réalisées sur les ossements. Seul indice matériel, une monnaie déposée dans la bouche d’un défunt en guise d’obole nous situe dans les décennies centrales du IIIe siècle après J. C.

10 – Récolte de mobilier
10 – Récolte de mobilier

Silos médiévaux, morts modernes et défense passive ?

En plusieurs zones du site, l’équipe d’Archeodunum a fouillé de nombreuses grandes fosses datées du Moyen âge (fig. 11). Il s’agit sans doute de silos enterrés, destinés au stockage des denrées (notamment des céréales).
À l’est, c’est une nouvelle série de sépultures qui apparaît, associée à des murs. On y restitue un ensemble à vocation religieuse. Faut-il y voir un lien avec le couvent voisin des Carmes-Déchaux ?
Enfin, une découverte inattendue est celle de trois couloirs souterrains en pierre et en béton. À l’heure actuelle, deux hypothèses sont envisagées : une appartenance à un système de galeries liées à la défense passive mise en place dans les villes de la France de la Deuxième Guerre Mondiale ; ou, plus probablement, d’anciens équipements d’entretien ou de franchissement routier ou ferroviaire. La levée de ce mystère sera confiée à un spécialiste des archives…

11 – Fouille d’un silo
11 – Fouille d’un silo

… Et après ?

La moisson d’informations recueillie par l’équipe d’Archeodunum est très riche et va éclairer la longue histoire de cette périphérie clermontoise, de l’Antiquité à nos jours. Mais les investigations se poursuivent en laboratoire ! Durant plusieurs mois, une dizaine d’archéologues et de spécialistes vont mener des études pour affiner et exploiter les données du terrain. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport final abondamment documenté et argumenté.

Opération d’archéologie préventive conduite par Archeodunum entre mai et septembre 2019 sur la commune de Clermont-Ferrand (Auvergne), à la Place des Carmes-Déchaux, en préalable au réaménagement de la place.

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : Clermont Auvergne Métropole

Co-maîtrise d’ouvrage : Manufacture de Pneumatiques Michelin

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Marco Zabeo)

Détail du sol de l'édifice en opus signinum

Résultats de la campagne de fouilles 2019 du sanctuaire romain de Montenero Sabino (Italie)

Résultats de la campagne de fouilles 2019 du sanctuaire romain de Montenero Sabino (Italie)

Vue du bourg médiéval de Montenero Sabino (Rieti, Italie)
Vue des tranchées ouvertes pour le chantier de fouille du sanctuaire de "Leone"
Vue des tranchées ouvertes pour le chantier de fouille du sanctuaire de "Leone"
Dégagement en cours du sol de l'édifice
Dégagement en cours du sol de l'édifice
Détail du sol de l'édifice en opus signinum
Détail du sol de l'édifice en opus signinum

Crédits photos Fouille de Montenero Sabino

Une première campagne de sondages, conduite du 15 juin au 15 juillet, sur le site antique de Montenero Sabino (Rieti), à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Rome dans le Latium en Italie, a livré des résultats très encourageants : les vestiges et le mobilier découverts, en cours d’étude, permettent d’avancer plusieurs hypothèses concernant l’organisation spatiale, la fonction et la datation du site, qui déboucheront dès 2020 sur des fouilles plus extensives.

Ce nouveau chantier-école de l’Université Lumière Lyon 2, dont Archeodunum est partenaire, a mobilisé une douzaine d’étudiant.es du Master « Archéologie Sciences pour l’Archéologie » et de spécialistes en archéologie. Cette fouille est dirigée par Aldo Borlenghi et Matthieu Poux, enseignants-chercheurs à l’Université et membres du Laboratoire Archéologie et Archéométrie (CNRS / Université Lumière Lyon 2 / Université Claude Bernard Lyon 1), assistés de Clément Chavot, Camille Nouet et Elio Polo, salariés d’Archeodunum.

Un sanctuaire dédié à la déesse sabine Vacuna ?

Bien qu’identifié depuis des décennies par les prospecteurs/trices et les archéologues locaux/ales, le site archéologique situé au sein d’une vallée des Apennins rattachée au territoire des Sabins antiques, conquis par Rome dans la première moitié du IIIe siècle avant J.-C, n’avait jamais fait l’objet de recherches approfondies jusqu’à ce jour.

Une grande stèle inscrite de la deuxième moitié du Ier s. av. J.-C., découverte dans les années 1950, comporte une dédicace privée à Vacuna, déesse topique bien attestée en territoire sabin et assimilée par les Romains sous l’Empire principalement à la déesse Victoria. Cette dea Vacuna a des liens avec les cultes de la fertilité de la terre, ainsi qu’avec le culte de l’eau et ses vertus curatives ; elle est aussi la divinité qui permet de mener à bien un projet ou une action.

Un grand édifice maçonné d’époque républicaine

Entièrement recouvert par la végétation, le site occupe au moins trois niveaux de terrasses soutenues par des murs en pierre sèche affleurant à la surface de l’humus.

Le tiers occidental de la terrasse centrale est occupé par un ensemble bâti constitué de nombreuses structures maçonnées d’époque romaine : en particulier, plusieurs sols en opus signinum ornés de lignes de tesselles blanches, qui composent des décors caractéristiques de l’époque républicaine (IIIe ou IIe siècle avant J.-C.). Ces structures ont permis d’individualiser trois grandes pièces adjacentes précédées à l’est d’un large portique ou vestibule cloisonné qui semblent constitutives d’un seul et même bâtiment quadrangulaire. Une empreinte de demi-colonne visible sur le sol en face des trois pièces indiquerait la présence de colonnes qui en articulaient l’espace.

Ni l’organisation interne, ni la nature exacte de cet édifice n’ont pu être déterminées cette année. Malgré son plan asymétrique, il peut tout aussi bien correspondre à un temple de plan étrusco-italique ou apparenté, qu’à une maison à pastas avec des structures annexes comme une salle à banquets, liées au fonctionnement du culte tel que décrit dans les textes ou représenté sur un bas-relief.

Premiers indices d’un culte rendu à une divinité féminine

Le matériel récolté dans le bâtiment ou à ses abords immédiats est relativement abondant : en particulier, plusieurs ex-votos en terre cuite, de nombreux fragments de lampes, de céramiques à vernis noir, sigillées et communes, une monnaie grecque et des restes fauniques, couvrant une large période qui s’échelonne du IIIe siècle avant J.-C. à la première moitié du Ier siècle après J.-C.

Parmi les ex-votos anatomiques, se signale la présence d’au moins un utérus bien conservé et de plusieurs fragments, dont celui d’un pied : la partie du corps représentée et offerte à la divinité indique l’organe ou le membre pour lequel on demande et on obtient la guérison. Un visage fragmentaire en terre cuite, appartenant peut-être à une tête ou à une statue, pourrait également constituer un ex-voto ou un fragment de décor architectural.

La découverte d’un sanctuaire de la déesse Vacuna, qui sera le premier à bénéficier de fouilles extensives planifiées sur au moins trois ans (2020-2022), soulève de nombreuses questions, fondamentales pour appréhender l’organisation religieuse et politique du territoire sabin avant la conquête et sa romanisation au cours des derniers siècles qui ont précédé le changement d’ère.

Stèle inscrite, découverte dans les années 1950, avec une dédicace à Vacuna
Stèle inscrite, découverte dans les années 1950, avec une dédicace à Vacuna
Cratère miniature à vernis noir
Cratère miniature à vernis noir
Ex-voto anatomique représentant un utérus du type « a ciabatta »
Ex-voto anatomique représentant un utérus du type « a ciabatta »

Crédits photos Fouille de Montenero Sabino

Parution d’une synthèse sur les établissements ruraux antiques

Le monde rural et les campagnes de la Gaule romaine ont longtemps été les parents pauvres de l’histoire antique. Tout au moins ont-ils été abordés, le plus souvent, au travers du prisme des vestiges les plus imposants et de ceux qui illustraient le mieux l’économie domaniale décrite par les textes (agronomes et arpenteurs notamment, sources épigraphiques). À partir des années 1980, cette conception monolithique a été profondément renouvelée grâce à l’émergence d’équipes et de programmes de recherches spécifiques, à la multiplication des colloques et des publications, des séminaires et des travaux universitaires. Au travers de thématiques qui se sont diversifiées, on dresse aujourd’hui un tableau plus nuancé et plus riche de l’occupation et de l’exploitation des campagnes de Gaule à l’époque romaine. Cette dynamique est indissociable du développement de l’archéologie préventive qui, dans le même temps, a alimenté et diversifié les catalogues de sites, et a nourri la réflexion sur les campagnes, leur rapport au monde urbain et leur place dans le développement du territoire.

L’accès aux données et aux résultats d’une très grande partie des fouilles archéologiques préventives est resté très longtemps confidentiel. Il fallait donc impérativement remédier à cette situation. C’est tout l’enjeu de cet ouvrage. La société Archeodunum a décidé de contribuer, à sa manière, sous la forme d’une publication scientifique, à l’enrichissement de nos connaissances du monde rural gallo-romain en publiant une série d’études concernant les fouilles qu’elle a menées au cours de ces dix dernières années.

Il s’agit bien d’une tentative pionnière menée par une société privée d’archéologie préventive pour présenter au public les résultats de ses recherches. Une contribution inédite, indispensable et précieuse à la connaissance du monde rural gallo-romain.

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