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Saint-Romain-en-Gal - Route Nationale


Cette opération intervient dans le cadre d’un projet d’aménagement urbain concernant la construction de logements collectifs (résidence « Les Reflets ») par la SCCV Les Reflets/OXALYS sur la commune de Saint-Romain-en-Gal. Deux diagnostics préalables, réalisés sous la responsabilité scientifique de Daniel Frascone (Inrap) au cours de l’automne 2015 puis de l’été 2017, ont permis de mettre en évidence les vestiges d’occupations du Haut-Empire dont les structures se développaient de part et d’autre d’un long mur nord/sud séparant une terrasse supérieure accueillant des constructions implantées en bordure de voie, d’une terrasse inférieure sur laquelle se développaient un égout et plusieurs niveaux de remblais successifs (Frascone 2015 et 2017). Les résultats positifs de cette phase d’évaluation ont conduit le Service Régional de l’Archéologie de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes à prescrire une opération de fouille préventive portant sur une surface initiale de 7 602 m² comprenant une emprise de fouille limitée aux secteurs impactés en profondeur assortie de la possibilité d’un suivi de travaux couvrant la totalité du projet. Cette fouille a été confiée à la société Archeodunum SAS, sous la responsabilité scientifique de Jérôme Grasso, elle s’est déroulée en deux phases (septembre à novembre 2019 puis février 2020) et a porté sur une surface globale décapée de 1 400 m².

L’emprise prescrite concerne des parcelles situées à une centaine de mètres au sud des vestiges monumentaux du Palais du Miroir et du musée-site archéologique de Saint-Romain-en-Gal. Les terrains en question se trouvent implantés en rive droite du Rhône qu’ils surplombent de quelques mètres. Ils matérialisent deux niveaux de terrasse aménagés au cours de l’Antiquité. La topographie des vestiges, de part et d’autre d’un mur massif, est intimement liée à la présence d’un thalweg qui se développe au nord-nord-est du site. La terrasse inférieure, à l’est, culmine à 151,80 m NGF, tandis que la terrasse supérieure, à l’ouest, culmine vers 154,60 m NGF.

Les vestiges mis au jour illustrent une occupation urbaine antique dont la chronologie a été établie entre la seconde moitié du Ier siècle après J.-C. et le début du IIIe siècle. Ils s’inscrivent dans un contexte archéologique riche documenté par plusieurs opérations archéologiques préventives ou de sauvetage ainsi que par des découvertes anciennes notables. Le secteur concerné est généralement considéré comme correspondant à des quartiers principalement résidentiels, résultant d’une extension progressive de l’antique Vienna à partir du milieu du Ier siècle après J.-C.

Bien qu’aucune structure ne puisse être datée avec certitude antérieurement au Haut-Empire, quelques éléments épars attestent néanmoins une présence humaine à la fin de la période laténienne. Cette phase initiale est uniquement signalée par quelques découvertes de mobiliers épars ainsi que par la mise en place d’un épais remblai retrouvé au niveau de la terrasse inférieure. Une datation par OSL réalisée sur ce niveau a permis d’ancrer ce dernier dans les dernières décennies de La Tène. Le site est implanté dans une zone encore considérée comme inondable à la fin du Ier siècle après J.-C., ce remblaiement anthropique témoigne donc très certainement d’une volonté d’assainissement de la zone afin d’assurer une mise hors d’eau des terrains et favoriser la colonisation humaine de cette portion de la rive droite du Rhône.

L’occupation antique, qui représente l’essentiel des vestiges mis au jour au cours de cette opération, s’étend sur près de deux siècles. Elle a pu être scindée en quatre états successifs. L’état 1 correspond à une phase d’installation au cours de laquelle sont mises en place les principales maçonneries structurant l’espace. L’élément emblématique de la fouille est ainsi matérialisé par un long mur de soutènement massif traversant tout le site du nord au sud. Suivi sur 85 m de long et conservé sur près de 3 m de hauteur, il délimite deux niveaux de terrasses étagées de 1,30 à 2 m. Il est marqué par une ouverture d’environ 2,30 m de large correspondant vraisemblablement à l’emplacement d’un escalier, intégralement récupéré, qui devait permettre la circulation entre les deux terrasses. Des traces d’ancrage dans les blocs encadrant cet escalier permettent de supposer la présence d’un système de clôture, de type portail ou porte. C’est à cet emplacement que l’on retrouve également un premier collecteur maçonné destiné à l’évacuation des eaux usées provenant de la terrasse supérieure en direction du Rhône situé en contrebas à l’est. Les ilots d’habitation implantés sur la terrasse haute n’ont pu que très partiellement être observés le long de la frange occidentale du chantier. On distingue les départs de plusieurs maçonneries doublant d’abord le mur de terrasse contre lequel elles s’appuient puis délimitant une série d’espaces dont la mise en place se fait de manière progressive. Seuls deux d’entre eux ont conservé leur sol. Au nord, une pièce est munie d’un sol en terre battue et comporte une base maçonnée servant probablement de support pour un étage. Des fragments de torchis retrouvés dans le comblement de cet espace permettent de restituer une élévation en opus craticium. À l’extrémité méridionale de l’emprise, c’est une pièce équipée d’un sol en terrazzo qui a partiellement été dégagée. Le prolongement virtuel des murs encadrant cet espace permet de raccorder ce dernier avec les vestiges d’une domus à péristyle fouillée en 1996 au lieudit « Le Barreau » sur une parcelle attenante au sud-ouest (Helly et al. 2017).

Au cours de la première moitié du IIe siècle (état 2a), de nouveaux aménagements hydrauliques sont mis en place sur la terrasse supérieure, au nord du site. On observe ainsi un avaloir enduit de mortier de tuileau raccordé à un système de canalisations se développant hors emprise. La découverte d’un bloc muni de rigoles ainsi que d’un bac en pierre permet de supposer la présence de latrines à proximité immédiate. Ces nouveaux aménagements s’accompagnent d’une modification du réseau hydraulique initial. Le canal précédent est abandonné et remplacé par un nouveau collecteur maçonné sur lequel viennent se raccorder les évacuations associées aux nouvelles installations hydrauliques. Au niveau de la terrasse inférieure, on n’observe aucun vestige construit, les indices de fréquentation se limitent à quelques niveaux de circulation et de remblais destinés à rehausser le sol de ce vaste espace ouvert.

La seconde moitié du IIe siècle (état 2b) correspond principalement à une période de réfection et de reprise des structures préexistantes. La partie supérieure d’une portion du mur de terrasse est ainsi reconstruite, peut-être à la suite d’un effondrement partiel. Cette réfection s’accompagne d’une reprise de l’enduit recouvrant le parement oriental du mur. Au nord du site, on note des traces de rubéfaction sur plusieurs blocs ainsi que la mise au jour de nombreux fragments de torchis brûlés témoignant d’un incendie ayant détruit une partie du secteur. Les structures hydrauliques, dont les canaux maçonnés d’évacuation, portent également des traces de réfection de leurs maçonneries. C’est à la fin de ce siècle que leur entretien semble s’arrêter, en témoigne un colmatage progressif des conduits. Sur la terrasse inférieure, les apports de remblais se font plus importants et le sol extérieur est fortement rehaussé. Ces niveaux livrent un mobilier abondant probablement issu de l’abandon progressif des espaces d’habitat de la terrasse supérieure. On y retrouve également plusieurs blocs de grand appareil, dont un gradin incurvé en choin. Ces derniers éléments paraissent provenir quant à eux du démantèlement d’un édifice public. Enfin, un long fossé à fonction probablement drainante est implanté parallèlement au mur de terrasse à cette époque.

L’abandon du site et la fin de l’occupation antique interviennent au début du IIIe siècle (état 3). Si pour la plupart les espaces situés en terrasse supérieure semblent définitivement abandonnés et remblayés, quelques indices témoignent d’une perduration partielle de l’occupation à cette époque. Ainsi, le mur de terrasse bénéficie de nouveau d’une reprise, assez grossière, de son enduit extérieur. Sur la terrasse inférieure, on notera pour cette phase deux découvertes assez exceptionnelles. Tout d’abord, un banc en pierre a été retrouvé intact, encore debout, bien que légèrement penché, et scellé par les niveaux d’abandon. Il est constitué d’éléments de récupération, dont deux blocs moulurés correspondant initialement à des supports de latrines publiques. Il pourrait s’agir d’éléments provenant des thermes monumentaux du Palais du Miroir. Enfin, au nord du site, un dépôt constitué de deux figurines en terre blanche a été mis au jour au pied du mur de terrasse. Il s’agit d’une Vénus anadyomène accompagnée d’un personnage barbu qui n’a pu être identifié avec certitude (Vulcain ?). Les deux statuettes ont été retrouvées complètes, dans leur position initiale, disposées debout et dos à dos avec un petit bloc les séparant. Il s’agit manifestement d’un acte de dévotion privé (votif ?), mais situé en dehors de tout contexte domestique ou religieux, dont le sens nous échappe. Jusqu’à l’abandon définitif du site, on observe de nouveau sur la terrasse inférieure une accumulation de niveaux de circulation et de remblais successifs rehaussant progressivement le sol extérieur. Un mobilier abondant provient de ces niveaux, on retiendra une forte proportion d’enduits peints de toutes sortes dont plusieurs éléments renvoient à des décors marins.

Après son abandon, le site monte quelques traces de fréquentation ponctuelles, mais dont la datation reste difficile à préciser (état 4). Il s’agit pour l’essentiel de fosses ou de tranchées de récupération ainsi que d’un nouveau fossé drainant. Les niveaux d’abandon antiques sont scellés alors par des remblais massifs destinés à achever d’aplanir la zone, masquant définitivement l’effet de terrasse.

Enfin, les derniers vestiges concernent l’époque contemporaine (état 5). Il s’agit de fondations bétonnées et de diverses substructions liées à la présence d’une usine de tissage présente depuis la fin du XIXe ou le début du XXe siècle. D’épais niveaux de remblais, fortement pollués, sont également associés à cette usine et à l’extension de sa plateforme au cours des années 1960.


Retrouvez ici une actualité détaillant les premiers résultats de l'opération :


Revue de presse :


Commune : Saint-Romain-en-Gal

Adresse/lieu-dit : Route Nationale

Département/Canton : Rhône

Année de fouille : 2019

Période principale d'occupation : Antiquité

Responsable d'opération : Jérôme GRASSO

Aménageur : SCCV Les Reflets - Lyon

Raison de l'intervention : Construction de logements/projet immobilier

Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)


Notice de présentation brut de fouille :