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Lyon - Hôpital de Fourvière. 8-10 rue R. Radisson


Dans le cadre de l’extension d’une aile d’un bâtiment de l’hôpital de Fourvière à Lyon, une fouille archéologique préventive a été réalisée durant une période de deux mois. Celle-ci a été prescrite par le Service Régional de l’Archéologie Rhône-Alpes et réalisée par la société Archeodunum. Cette opération a permis de connaître l’évolution d’une portion de rue et d’une partie d’une insula de la colonie de Lugdunum depuis l’époque augustéenne jusqu’à l’aube de l’Antiquité tardive. Elle offre une image relativement complète du cadre de vie et des vicissitudes d’une population d’artisans et de commerçants établis au cœur de la capitale des Gaules. À l’image des découvertes réalisées sur le site voisin du clos du Verbe-Incarné, il s’agit de vestiges d’un tissu urbain étagé sur le versant nord-est du plateau de la Sarra et constitué d’une rue desservant les îlots découpés en parcelles bâties dévolues à l’habitat, au commerce et à l’artisanat.
On note toutefois l’absence de traces tangibles de la colonie primitive, dont l’organisation est aujourd’hui pourtant bien attestée. Si cette lacune peut paraître étonnante dans ce secteur de la ville, elle n’infirme en aucun cas les hypothèses de la première trame coloniale mise en évidence sur les sites du pseudo-sanctuaire de Cybèle et du clos du Verbe-Incarné. Soit la parcelle fouillée, située en marge du plateau, n’appartenait pas au territoire de la colonie primitive, et aurait été adjointe seulement à la période augustéenne avec l’extension de la colonie, soit elle était intégrée dès l’origine au territoire de la colonie, sans que les îlots aient été nécessairement occupés. Les deux hypothèses demeurent plausibles. Quoi qu’il en soit, les parcelles ne seront loties que dans les années 20 av. J.-C., période à laquelle une phase d’embellissement est opérée à Lugdunum avec notamment le développement de la voirie et des insulae. Dans l’emprise de la fouille, trois parcelles étagées appartenant au même îlot ont pu être déterminées. Elles s’adaptent à la topographie originelle du terrain par la mise en place de terrasses peu accentuées, dont l’organisation suit la trame urbaine coloniale (trame A). La première présente des vestiges très arasés qui renvoient à des constructions légères mal définies, dont la fonction est probablement orientée vers l’artisanat et le commerce, et non vers l’habitat. Un puits quadrangulaire de grand gabarit semble alimenter en eau la parcelle. Cette dernière est bordée par un trottoir qui ne paraît pas être protégé par un portique. La seconde parcelle accueille un bâtiment, aux fondations maçonnées et aux murs de terre et de bois, flanqué de plusieurs boutiques/ateliers ouverts sur un trottoir couvert. L’habitat se trouve en retrait et très certainement à l’étage. Certaines pièces présentent encore des décors d’enduits peints. Si le mauvais état de conservation des vestiges ne permet pas, ni d’appréhender l’organisation interne de l’édifice, ni de connaître ses équipements, il n’en demeure pas moins que son plan se retrouve dans d’autres quartiers de la ville comme sur le site du clos du Verbe-Incarné. Quant à la troisième parcelle, les diverses constructions de l’époque contemporaine ont complètement détruit ses aménagements. L’ensemble des trottoirs longe une chaussée de cailloutis damés à fort pendage correspondant à un decumanus, dont certaines portions ont déjà été repérées dans le passé ; il s’agit de la rue baptisée « la stèle de Rufus ».
L’ensemble des parcelles connaît un important incendie dans les années 10 ap. J.-C., dont des occurrences ont également été repérées dans d’autres quartiers du nord de la ville haute. Néanmoins, il est difficile de les relier à une catastrophe qui aurait touché l’ensemble de cette partie de la ville. Quoi qu’il en soit, une nouvelle phase de construction apparaît sur les parcelles avec, d’une part, la reconstruction complète du bâtiment incendié marqué par la permanence d’un habitat flanqué de locaux commerciaux et, d’autre part, la mise en place d’un édifice bâti en dur sur l’une des parcelles appartenant à l’univers des boutiques et des ateliers. Du règne de Tibère jusqu’au début du IIe s., le quartier évolue peu, puis d’importantes transformations sont réalisées. Les anciens édifices laissent la place à deux maisons à atrium fonctionnant toujours avec une série de locaux commerciaux ouverts sur la rue. Malgré un nivellement assez important des structures et une récupération d’une partie des matériaux de construction, il s’agit probablement de demeures richement équipées comme en témoignent les latrines installées dans chacune des domus et reliées au tout-à-l’égout. Cette phase se manifeste également par la construction de deux collecteurs maçonnés de grand gabarit aux bords de la chaussée. Ce nouveau plan d’urbanisme ne suit pas l’évolution générale du bâti observé dans le quartier du Verbe-Incarné, où les parcelles sont restées figées depuis le Ier s. ap. J.-C. Elle semble en revanche liée au développement de l’urbanisme opéré plus au nord, en bordure du plateau, où une maison dite de « l’hôpital du Calvaire » richement décorée est installée à la même période.
Outre la réalisation de réfections dans certains murs, les propriétés sont définitivement établies et aucune construction nouvelle ne vient rajeunir l’aspect des parcelles jusqu’à leur abandon au milieu du IIIe s. Il convient de signaler enfin la mise au jour d’un lot de onze moules monétaires en terre cuite attestant l’existence de faussaires dans le quartier. S’il ne s’agit pas d’une découverte exceptionnelle, tant les occurrences sont nombreuses, en revanche il s’agit pour la première fois d’imitations de deniers de la dynastie antonine.
Les dernières traces d’occupation sont attestées à la fin du IIIe s. ou au début du siècle suivant et correspondent plus à des indices de spoliations de matériaux qu’à de simples « squattages ». Cet ultime soubresaut rejoint l’évolution générale du quartier observé dans nombreux points du plateau de la Sarra. La population ainsi que les matériaux sont progressivement transférés vers les quartiers fluviaux de la ville qui constituent désormais le nouveau centre politique, économique et religieux de Lugdunum.


Revue de presse :

  • Le Progrès 2010, "Lyon. Tout un quartier du Lugdunum antique découvert à Fourvière", Le Progrès, p.7 (18/07/2010)

Bibliographie scientifique :

  • MAZA G., SILVINO T., "Lyon (Rhône), Hôpital de Fourvière : évolution de l’approvisionnement en céramique d’un îlot d’habitation de Lugdunum, de ses origines à son abandon", in : SFÉCAG, Actes du congrès de Narbonne, 25 - 28 mai 2017, Marseille, SFECAG, 2017, pp. 645-686.

  • Silvino, Clément 2018 : SILVINO T., CLEMENT B., « L’urbanisme de la ville haute de Lyon/Lugdunum : l’apport des fouilles de l’hôpital de Fourvière », in BERARD F., POUX M., Lugdunum et ses campagnes : Actualité de la recherche, Ed. M. Mergoil.


Commune : Lyon

Adresse/lieu-dit : Hôpital de Fourvière. 8-10 rue R. Radisson

Département/Canton : Rhône

Année de fouille : 2010

Période principale d'occupation : Antiquité

Responsable d'opération : Tony SILVINO

Aménageur : Hôpital de Fourvière

Raison de l'intervention : Aménagement d'un lieu à vocation médicale

Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)


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