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Saint-Romain-le-Puy - Eglise du Prieuré


Le prieuré du pic

Résumé

Au cours de l’année 2020, la mairie de Saint-Romain-le-Puy a entrepris la restauration de l’église du Prieuré située au sommet du piton basaltique qui domine la commune. Les travaux ont concerné la nef, les exèdres et la chapelle de l’édifice. Ils ont consisté au piquage et au rejointoiement des parements extérieurs, au remplacement des toitures et au creusement d’une tranchée d’évacuation des eaux pluviales. Cette tranchée partait depuis l’angle formé par le mur gouttereau nord de la nef et le mur ouest de la chapelle, en direction du nord-ouest pour se jeter dans l’à-pic de la falaise. Les parties impactées par les travaux ont fait l’objet d’une prescription par le Service Régional de l’Archéologie afin qu’une étude d’archéologie préventive soit réalisée en parallèle de la restauration.
L’objectif de cette intervention était d’étudier les parements extérieurs et les charpentes des extérieurs de l’église notamment afin de compléter les données des fouilles archéologiques menées sur l’intérieur de l’église entre 1986 et 1988. Lors de ces différentes campagnes archéologiques, le sous-sol de l’église a été intégralement fouillé tandis que les parements intérieurs des murs ont fait l’objet d’une analyse archéologique partielle du bâti. Notre intervention a permis de confirmer la chronologie relative proposée par les chercheurs à la fin des années 1980, mais a également offert la possibilité d’affiner la chronologie par des datations absolues. De plus, nous avons pu mettre en évidence l’existence de bâtiments construits contre l’église durant l’époque médiévale. Ils sont certainement les vestiges de la communauté monastique qui s’est installée au XIe siècle.

État 1 - une église triconque carolingienne (IXe siècle)

Le premier état de construction conservé en élévation correspond à une église triconque dont seules les exèdres (ie. les bras du faux-transept) et la travée de chœur (ie. la croisée du transept) sont conservées. À partir de notre étude et des données des fouilles anciennes, il est possible de restituer un sanctuaire orienté de 14,10 m de long par 10 m de large hors-œuvre. Les absidioles nord et sud, voûtées en cul-de-four, mesuraient au moins 5,3 m de haut tandis que la travée de chœur mesurait au moins 10 m de haut. L’accès à l’église se faisait par une porte aménagée dans le mur occidental de l’exèdre sud. Aucune autre ouverture (fenêtre ou porte) n’a été observée. Grâce aux nombreux charbons de bois conservés dans les maçonneries, il a été possible de procéder à des datations par radiocarbone. Ils offrent un terminus post-quem du IXe siècle pour la construction du sanctuaire.

État 2 - la construction de la nef (2e moitié du IXe – 1er moitié du Xe siècle)

Lors d’une seconde phase de travaux, une nef a été construite à l’ouest de l’église tandis que les absidioles ont été surélevées. La nef édifiée présente un plan rectangulaire de 7,5 m de large et de 11,0 m de long hors-œuvre pour une hauteur minimum de 11,40 m. La faible épaisseur des murs de la nef (55 cm) ne leur aurait pas permis de supporter les poussées d’une voûte. Il est donc possible de restituer l’existence d’une charpente, qui était peut-être cachée par un plafond en bois. Plusieurs ouvertures ont été aménagées dans les murs. Dans le mur gouttereau sud, une porte permettait d’accéder à la nef. Légèrement désaxée à l’ouest du mur, elle était surmontée d’un arc à deux rouleaux alternants briques et blocs. Dans la moitié supérieure du mur, à l’est, les vestiges d’une baie ont été identifiés. Quasiment entièrement détruite par l’insertion d’une baie au XVe siècle, il est possible de restituer seulement la largeur de cette baie qui mesurait environ 60 cm de large.
Sur le mur pignon ouest, une deuxième fenêtre a été mise en évidence. Il s’agissait probablement d’une baie géminée, voire d’un triplet de 2,80 m de long et de 1,27 m de haut au maximum.
Lors de cette même phase de travaux, les absidioles du sanctuaire ont été surélevées pour les porter à une hauteur de 10 m au moins. En même temps que cette surélévation, deux structures en encorbellement ont été aménagées au-dessus des absidioles. Leur fonction reste difficile à interpréter, il s’agit peut-être d’éléments de confortement.
La présence de nombreux charbons de bois dans le mortier de construction de la nef a permis de procéder à des datations par radiocarbone. Ils offrent un terminus post-quem compris entre la deuxième moitié du IXe siècle et la première moitié du Xe siècle.

La datation des charbons par radiocarbone montre que le construction du sanctuaire et de la nef sont très rapprochés dans le temps. En outre, lors des fouilles archéologiques menées à la fin des années 1980, les archéologues n’ont trouvé aucun vestige d’une nef antérieure. Dans ce sens, il est possible de suggérer que la construction de la nef correspond à une deuxième phase de chantier, postérieure à une modification du programme architecturale. Cette modification a pu être conditionnée par une affluence élevée et soudaine de pèlerins ou un apport financier non prévu, qui a nécessité la construction d’une nef d’imposantes dimensions.

État 3 - la construction d’un sanctuaire monumental (XIe siècle)

Au XIe siècle, l’abside orientale du sanctuaire triconque a été détruite pour permettre la construction d’un vaste chœur à trois absides échelonnées et d’une crypte semi-enterrée. Leurs dimensions doublent la superficie de l’église puisqu’ils l’agrandissent vers l’est de 12 m pour une largeur équivalente à l’ancien sanctuaire (14 m). Les deux absidioles conservées et la travée de chœur sont transformées à partir de ce moment en faux-transept. Lors de la fouille du sous-sol de l’église durant les années 1980, les archéologues ont mis en évidence que les niveaux de sol de la nef et du faux-transept ont été exhaussés pour aménager l’accès à la crypte et accentuer la surélévation du chœur nouvellement construit.
La datation de cet état de la construction est assurée par l’abondante sculpture architecturale dont les caractéristiques permettent de la situer au XIe siècle. Cette datation est cohérente puisqu’elle coïncide avec l’installation d’un prieuré par l’abbaye d’Ainay en 1007.
Bien qu’en dehors de la zone prescrite, il a été possible d’observer la relation stratigraphique entre le chœur roman et les absidioles du premier état et leur surélévation. Ainsi, nous avons pu vérifier que la construction du sanctuaire intervient après la construction des absidioles et leur surélévation. Cette observation confirme le phasage du site proposé par les chercheurs à la fin des années 1980.

État 4 - les traces d’une occupation au contact direct de l’église : les vestiges de l’installation et de l’évolution de la communauté monastique (XIe – XVe siècles) ?

Trois entités bâties ont été construites durant l’époque médiévale au contact de la nef et du faux-transept. La première correspond à un édifice de plan trapézoïdal construit au nord de la nef. Ce bâtiment mesurait de 3,0 à 6,5 m de large et 10 m de long ce qui représente une superficie d’environ 60 m². Il était délimité à l’est par l’absidiole du faux-transept, au sud par le mur gouttereau de la nef, au nord par un mur construit à flanc de falaise et à l’ouest par un mur construit dans le prolongement de la façade occidentale de l’église. Ce dernier a été retrouvé lors du suivi du creusement de la tranchée d’eaux pluviales. Le bâtiment trapézoïdal se composait d’au moins deux niveaux. Le premier correspondait au rez-de-chaussée. Il était accessible depuis la nef grâce à une porte aménagée dans son mur gouttereau et était éclairé par une baie aménagée dans le mur à flanc de falaise. Le deuxième niveau, dont l’accès n’a pas pu être identifié, était éclairé par une fenêtre, également aménagée dans le mur à flanc de falaise. L’ensemble était couvert par un toit en appentis dont les poutres étaient insérées à 7,8 m du niveau de sol actuel.

Un deuxième bâtiment a été construit au sud dans le prolongement du faux-transept. Il s’appuyait au nord contre le faux-transept tandis qu’il était délimité à l’ouest par un mur partiellement conservé, construit dans le prolongement du mur droit occidental du faux-transept. Ses limites méridionales et orientales n’ont pas pu être appréhendées puisqu’elles n’étaient pas concernées par la prescription archéologique. En revanche, le mur du chœur conserve un négatif de pente de toiture surmontant plusieurs empochements qui pourraient correspondre à des arrachements de poutres. Cette observation, qu’une étude archéologique du chœur devra confirmer, permet de restituer un bâtiment de 6,3 m de large. Cet édifice était divisé en deux étages avant de faire l’objet d’une surélévation. Au rez-de-chaussée, le bâtiment était accessible par une porte aménagée dans le mur occidental, tandis qu’une niche a été aménagée dans le mur de l’absidiole. Au premier étage, une porte percée dans le mur du faux-transept permettait d’accéder directement à son bras sud. Il semblerait qu’une deuxième porte, aménagée dans le chœur, permettait d’accéder à l’absidiole sud du chœur. Une étude archéologique du chœur permettrait également de le confirmer.
Ce premier édifice était couvert d’un toit à deux versants. Il mesurait 4,7 m de haut du sol jusqu’à la base du toit et 6,2 m jusqu’au niveau du faîte. Dans un second temps, il a fait l’objet d’une surélévation pour l’ajout d’un étage portant sa hauteur à au moins 7,5 m. La présence de ce dernier étage est confirmée par l’insertion d’une porte dans le bras sud du faux-transept.

Enfin, la troisième entité bâti construite durant l’époque médiévale correspond à l’aménagement d’une galerie le long du mur gouttereau méridional de la nef. Son aménagement est contemporain de la création d’un accès à la crypte depuis le sud de l’église. Il a entrainé la condamnation de la porte carolingienne aménagée dans le mur droit du bras du faux-transept. De plus, la porte aménagée dans le mur gouttereau de la nef a été réduite tandis que le niveau de sol au sud de l’église est largement exhaussé selon une pente douce en direction de l’est. Dans le cadre de notre intervention archéologique, il n’a pas été possible de déterminer si cette galerie est une des ailes du cloître. Une fouille archéologique de la plateforme au sud de l’église pourrait permettre de d’éclairer cette supposition.

Plusieurs indices permettent de rattacher ces trois constructions à un programme architectural cohérent. La galerie et le bâtiment sud présentent des modes de construction similaires et fonctionnent avec l’exhaussement des niveaux de sol. L’aménagement de la galerie peut également être mis en lien avec le bâtiment au nord. En effet, la porte aménagée dans le mur gouttereau nord de la nef répond parfaitement par symétrie à la réduction de la porte carolingienne dans le mur gouttereau sud. Il est même possible de mettre en lien l’aménagement de ces deux ouvertures avec le voûtement de la nef. La porte carolingienne dans sa disposition initiale aurait été obstruée par les piles recevant la voûte. Dans ce sens, le voûtement de la nef a nécessairement été conditionné par une diminution de la largeur de la porte. Plusieurs observations permettent de proposer une datation absolue pour ces constructions situées dans une fourchette chronologique comprise entre le XIe et le XVe siècle. Sur le plan de la chronologie relative, il est assuré que le bâtiment au nord de l’église est antérieur à la construction de la chapelle du XVe siècle. Par ailleurs, la réduction de la porte carolingienne, utilise un encadrement mouluré qu’on peut dater entre le XIIe et le XVe siècle. Enfin, le voûtement de la nef intervient avec peu de doutes durant le Moyen Âge comme l’ont proposé Anne Carcel, Jean-François Reynaud et Isabelle Parron.
Par comparaison avec des monastères bénédictins bien documentés, il est possible de formuler quelques hypothèses quant à la fonction de ces différentes entités. La galerie située le long du mur gouttereau correspondait peut-être à l’aile septentrional d’un cloître qui se développait au sud de l’église. Selon cette hypothèse, il aurait pu exister une aile orientale qui desservait le rez-de-chaussée du bâtiment accolé contre le faux-transept. Bien que la fonction du rez-de-chaussée de ce bâtiment ne puisse pas être abordée, il est possible de supposer que le premier étage pourrait correspond au dortoir des moines. Ainsi, les portes ouvrant directement sur le faux-transept et sur le chœur, leur auraient permis d’accéder au chœur de l’église durant les offices de la nuit.
La fonction du bâtiment construit au nord de la nef reste quant à elle indéterminée. Isabelle Parron, Anne Carcel et Jean-François Reynaud, faisait remonter sa construction à l’époque moderne. Ils identifiaient ce bâtiment comme la maison du sacristain à partir du moment où le prieuré est désaffecté. Cette hypothèse demande toutefois à être précisée.

État 5 – La phase d’embellissement du XVe siècle

L’église a fait l’objet de plusieurs aménagements au XVe siècle. Une chapelle a été construite au nord de la nef. Ce chantier a entrainé la destruction partielle du bâtiment à flanc de falaise et le percement du mur gouttereau nord de la nef. Dans le même temps, un portail surmonté d’une fenêtre a été inséré dans le mur pignon occidental et une fenêtre élancée a été aménagée dans le mur gouttereau sud. Ces travaux s’accompagnent également de l’installation d’une poutre de gloire dans l’église, juste en avant de la croisée du transept.
Bien que ces différents aménagements n’aient pas de lien stratigraphique direct, leur mise en œuvre, l’utilisation d’un grès gris/vert et le recours à des jeux de moulures similaires permettent sans doute possible de les associer à une même phase de travaux. Par ailleurs, la présence d’armes sur le portail d’entrée et la poutre de gloire a permis d’attribuer ces travaux aux prieurs Antoine du Chevalard et Jacques de Bouthéon, prieurs de Saint-Romain-le-Puy au XVe siècle.

État 6 – Les modifications ponctuelles au Moyen Âge et à l’époque Moderne

Outre un ensemble de perturbations indéterminées identifiées dans les élévations, des modifications ponctuelles du bâti ont été relevées. Le mur occidental de la chapelle a été partiellement reconstruit et les fondations du mur à flanc de falaise et du mur gouttereau sud de la nef font l’objet de consolidations. De plus, à l’époque Moderne, l’appentis de la galerie longeant le mur gouttereau sud de la nef a été modifié. Les poutres de rive et les consoles ont été retirées et les trous sont rebouchés tandis que 17 trous de poutre ont été aménagés sur le mur gouttereau sud et sur le mur délimitant à l’ouest le carré claustral. Leur disposition permet de restituer une galerie d’au moins 11 m de long qui suivait à priori un niveau de sol en légère pente vers l’est.

État 7 – les restaurations contemporaines (XIXe – XXe siècle)

Deux campagnes de restauration ont impacté les élévations de la nef et du faux-transept. La première, menée en 1910, a eu pour principal objectif de mettre hors d’eau l’église et ses dépendances. Les travaux se sont concentrés sur la reconstruction des parties hautes des murs pour l’installation de nouvelles charpentes sur la nef, les bras du faux-transept et la chapelle. Ceux impactant les murs de la nef sont minimes puisque seulement l’arase du mur gouttereau nord a été consolidée. En revanche, les murs des bras du faux-transept sont reconstruits sur plusieurs mètres de hauteurs. Les restaurations de 1910 se concentrent surtout sur la chapelle tant ses murs ont été ruinés à la suite de leur abandon comme le montre plusieurs photographies de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
C’est en 1995 qu’a eu lieu une deuxième campagne de restauration impactant les élévations de la nef, du faux-transept et de la chapelle. Elle se caractérise par l’utilisation massive d’un mortier de ciment blanc extrêmement compact utilisé sur l’ensemble de l’église pour son rejointoiement. Dans cette même phase, les blocs du portail et de la baie insérés dans le mur pignon occidental ont été en grande majorité remplacés.



Commune : Saint-Romain-le-Puy

Adresse/lieu-dit : Eglise du Prieuré

Département/Canton : Loire

Année de fouille : 2020

Période principale d'occupation : Moyen Âge

Responsable d'opération : Jessy CROCHAT

Aménageur : Ville de Saint-Romain-le-Puy

Raison de l'intervention : Restauration

Type de chantier : Etude du bâti (Fouille préventive)