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Lyon - Cathédrale Saint-Jean- Choeur


Cette opération d’archéologie préventive de bâti s’est inscrite dans le cadre des travaux de restauration réalisés sur les élévations intérieures de l’abside, du chœur et des deux chapelles orientales de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Lyon, sous la maîtrise d’ouvrage de l’État, représenté par la Conservation régionale des  Monuments historiques.
Trois axes d’examen ont présidé à l’opération : l’identification des matériaux employés et l’analyse de leur mise en œuvre, la lecture de la chronologie de l’édification, en lien avec celle établie lors des études antérieures, et la documentation des décors sculptés et polychromes.
L’intervention s’est articulée en lien étroit avec les entreprises de restauration, afin d’effectuer un suivi des travaux sur l’ensemble de la durée du chantier, soit environ dix mois. La méthodologie appliquée sur le terrain s’est ainsi adaptée aux opportunités suscitées par le piquetage ponctuel de l’enduit de ciment des voûtes, le remplacement de certains blocs, l’ouverture de la majorité des trous de boulin, et les sondages stratigraphiques réalisés sur les polychromies des voûtes. Par ailleurs, ont été réalisés : une série de relevés pierre-à-pierre des élévations, une analyse stratigraphique des revêtements, un inventaire exhaustif et une campagne photographique systématique des éléments sculptés et un inventaire des marques lapidaires.
La chronologie traditionnellement établie pour cette partie orientale de la cathédrale y distingue deux phases d’édification. La première, attribuée au derniers tiers du XIIe s., est rattachée à l’architecture romane ; elle comprend la construction des deux chapelles latérales et celle de l’abside et du chœur jusqu’au bandeau mouluré qui couronne le niveau du triforium. La seconde, datée du 1er quart du XIIIe s., est apparentée aux premières manifestations de l’architecture gothique qui caractérisent le clair-étage du sanctuaire. La transition entre ces deux phases se lit aisément dans les élévations du chœur et de l’abside, et en tout premier lieu au travers des matériaux qui les composent : les deux tiers inférieurs de l’élévation sont ainsi quasi exclusivement composés de choin, tandis que le tiers supérieur, celui du clair-étage, est majoritairement bâti en calcaire de Lucenay.

Le choix du choin, calcaire portlandien du Bugey, pour constituer la majeure partie des parements intérieurs en grand appareil à joints fins de cette partie de l’édifice est l’élément emblématique du chantier roman. Il s’agit d’un matériau de récupération tiré des monuments antiques de la colline de Fourvière, le terme de choin apparaissant dans les actes capitulaires de la cathédrale dès 1192. Cette roche d’une extrême compacité est aujourd’hui communément désignée comme une pierre marbrière : elle a bénéficié d’une finition polie dans la grande majorité des élévations du sanctuaire et des chapelles latérales, et a également été utilisée pour certains éléments sculptés. Ces différents traitements n’ont pas toujours fait disparaître les indices liés à l’exploitation antique des blocs de remploi : trous de louve, de pince ou d’agrafe notamment. L’analyse de ces éléments et de leur emplacement permet de démontrer que la mise en œuvre des blocs de remploi exploite au maximum leurs dimensions initiales, en moyenne de 204 par 110 cm pour les plus grands modules, dont l’origine exacte au sein des monuments antiques demeure difficile à déterminer. Les modes de découpe et d’assemblage révèlent par ailleurs une exceptionnelle maîtrise de la stéréotomie. Associés au remploi de diverses variétés de marbres pour les pilastres de l’abside et les décors sculptés, ces grands blocs de choin poli confèrent sa monumentalité au projet architectural de la fin du XIIe siècle. 
Modules et mise en œuvre changent radicalement au sein de l’élévation gothique, où l’usage des marques lapidaires se généralise, où prédomine une certaine standardisation des blocs et où la mise en œuvre des supports est dissociée de celle des murs qui viennent s’y intercaler.

Trois bandeaux sculptés rythment l’élévation romane, caractérisés par un décor d’incrustation dont deux autres occurrences seulement sont connues, à quelques dizaines de kilomètres au sud dans la vallée du Rhône : dans l’abbatiale Saint-André-le-Bas et la cathédrale Saint-Maurice de Vienne, en Isère. D’un point de vue technique, ce décor d’incrustation repose sur l’association de deux matériaux : le marbre, dans lequel le décor est gravé, et un mortier brun-rouge constitué d’un mélange de chaux et de tuileau finement broyé, auquel s’ajoutait probablement un liant organique. Le travail de gravure consiste en une taille d’épargne, conjuguant grands aplats et fins tracés de détail, les contours étant toujours chanfreinés. Le fond des aplats présente dans la plupart des cas une surface grenue, probablement destinée à faciliter l’accroche du mortier d’incrustation, la profondeur de cette gravure n’excédant pas 5 mm en moyenne. Malgré une composition caractérisée par l’agencement complexe de modules hétérogènes, du fait d’un approvisionnement formé de blocs de remploi aux dimensions et aux formes irrégulières, la frise déroule un enchaînement continu des motifs, parfaitement adapté à la longueur délimitée par les supports séparant chaque travée de la suivante. Nos observations nous ont permis d’établir que la sculpture comme l’application du mortier ont été réalisés en atelier, l’ensemble du décor d’incrustation ayant fait l’objet d’un calepinage précis de son futur emplacement et d’un plan de composition détaillé reporté directement sur les séquences de blocs préalablement sélectionnés.
L’étude stratigraphique des revêtements et de la polychromie a également révélé diverses campagnes successives. Le bandeau inférieur a vu disparaître son mortier de tuileau au profit d’un décor temporaire de bleu de lapis-lazuli et de feuille d’or, avant de recevoir un nouveau mortier rouge. Un badigeon rose pâle a recouvert les parements et les voûtes sur lesquelles se sont détachées les nervures rouges, pour disparaître à nouveau sous d’autres badigeons gris et brun postérieurs. La sculpture des chapiteaux et des clefs de voûte a reçu plusieurs décors peints successifs. Une grande campagne de remise à nu de la pierre peut être attribuée aux années 1930.
Deux inscriptions ont également été découvertes lors de cette intervention. « STEFANUS » souligne un bloc du bandeau inférieur de l’abside, dont le motif unique a servi de modèle à la frise végétale. « STEPHAN FECIT », gravée sur le chapiteau est de l’arcade sud du chœur, en signe la qualité du travail de sculpture et de taille de pierre. Une niche monumentale a par ailleurs été mise au jour à l’entrée de la chapelle Saint-Pierre ; l’aménagement d’une évacuation semble signaler un lavabo.

L’étude des élévations atteste que le projet initial a subi diverses modifications ; les baies nord de la chapelle Saint-Pierre ont été agrandies, des voûtes d’ogives ont supplanté les voûtes d’arêtes projetées et le couvrement du chœur a été surélevé à la liaison avec le transept. Quelques éléments nécessiteront des compléments d’information en lien avec la campagne en cours sur le transept et les deux travées orientales de la nef, notamment en ce qui concerne ces problématiques de voûtement.


Commune : Lyon

Adresse/lieu-dit : Cathédrale Saint-Jean- Choeur

Département/Canton : Rhône

Année de fouille : 2013

Période principale d'occupation : Moyen Âge

Responsable d'opération : Emmanuelle BOISSARD

Aménageur : Conservation régionale des Monuments Historiques

Raison de l'intervention : Restauration/Réhabilitation d'un bâtiment historique

Type de chantier : Etude du bâti (Fouille préventive)