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Saint-Marcel - Champ du Four


Un site protohistorique majeur aux abords de Chalon-sur-Saône

L’opération archéologique préventive de Saint-Marcel, au lieu-dit « Champ du Four », s’est déroulée du 23 avril au 19 octobre 2018, préalablement à la création d’une zone de compensation environnementale dans le cadre des travaux de réaménagement de la Route Centre-Europe Atlantique (RCEA) sous la maîtrise d’ouvrage de la DREAL Bourgogne-Franche-Comté.


La commune de Saint-Marcel est située dans le quart nord-est du département de Saône-et-Loire, sur la rive gauche de la Saône où elle fait face à Chalon-sur-Saône. Le site du « Champ du Four » est localisé au sud de la commune, à près de 3 km au sud-est du centre-ville de Chalon-sur-Saône et à environ 1 km au nord-est de la Saône.
L’emprise prescrite par le Service régional de l’archéologie (DRAC Bourgogne Franche-Comté), d’une superficie de 43 590 m², se développe dans la plaine alluviale à une altitude comprise entre 176,80 et 174,50 m NGF, s’abaissant en pente douce en direction du sud-ouest vers le lit mineur de la Saône. En dépit d’un important niveau d’arasement induit par l’érosion et les travaux agricoles, 1153 faits archéologiques ont été identifiés. Ces vestiges nous offrent un aperçu de l’occupation du secteur sur plusieurs millénaires, entre la Préhistoire et l’époque moderne. Après une première fréquentation du site au cours du Néolithique moyen, une occupation d’envergure se développe au cours du Bronze final, laquelle est suivie par une petite implantation domestique du premier âge du Fer. Le site est ensuite délaissé pendant plusieurs siècles, avant que ne s’installe à la fin du second âge du Fer un vaste établissement rural. À cette phase majeure de l’occupation succèdent des aménagements parcellaires de l’Antiquité, une sépulture isolée du haut Moyen Âge, et de rares vestiges de l’époque moderne.

Des indices du Néolithique moyen

L’occupation néolithique du site est attestée par la présence d’un foyer dans la partie orientale de l’emprise. Cet aménagement a notamment livré les restes d’une jarre à épaulement caractéristique de la phase récente du Néolithique Moyen Bourguignon (NMB), qui se développe principalement à l’est de la Saône entre 3800 et 3650 av. J.-C. Il est probable que cette occupation soit plus étendue : de nombreuses structures (561 faits) n’ont en effet pas livré d’éléments de datation, et parmi celles-ci trois fosses contenaient comme seul mobilier un élément lithique taillé pouvant éventuellement se rattacher à la période néolithique. On peut également souligner la découverte de plusieurs fragments et éclats de silex taillés retrouvés isolés au niveau du quart nord-est de l’emprise, ou plus fréquemment découverts en position résiduelle dans des aménagements du second âge du Fer.

Une occupation du Bronze final et du Hallstatt

Les occupations du Bronze final du « Champ du Four » sont matérialisées par 83 faits dispersés sur près de 25 000 m². Bien que la majorité des vestiges (50 faits) ne puisse être située précisément au sein du Bronze final, deux phases principales ont pu être définies par l’analyse du mobilier céramique. La première, qui correspond à une occupation du Bronze final I-IIa (1350-1150 av. J.-C.), regroupe au moins 27 structures parmi lesquels se distinguent des structures domestiques (vases de stockage, fosses, fosses polylobées, petits bâtiments sur poteaux) et une à deux sépultures secondaires à crémation. La présence dans certaines structures de récipients présentant des caractéristiques héritées du Bronze moyen II suggère que la chronologie de cette occupation est davantage centrée sur le Bronze final I. La seconde phase rassemble quant à elle au minimum six structures, et fédère deux séquences d’occupation distinctes : des vestiges d’une occupation domestique du Bronze final IIb-IIIa (1150-950 av. J.-C.), et les restes de deux à trois sépultures secondaires à crémation du Bronze final IIIb (950-800 av. J.-C.). L’analyse de la répartition des structures révèle plusieurs pôles de concentration de vestiges de différents types qui semblent attester l’existence d’espaces dévolus à certaines activités.

Les vestiges se rapportant à l’occupation du premier âge du Fer se résument à sept fosses d’une occupation domestique du Hallstatt C2-D1 (700-550 av. J.-C.). Ces aménagements, dispersés sur environ 10 000 m² dans la partie centrale de l’emprise, sont trop peu nombreux pour appréhender une quelconque organisation du site. On peut toutefois signaler la présence dans la partie méridionale de l’emprise de deux grandes fosses circulaires accolées réemployées en dépotoir, et d’une structure quadrangulaire où a pu se dérouler une activité domestique ou artisanale. Les quantités de mobilier céramique recueillies dans ces trois aménagements suggèrent l’existence dans ce secteur d’une occupation plus structurée.

Un site d'ampleur du deuxième âge du Fer

Le second âge du Fer est sans conteste la période la mieux représentée au sein de l’emprise, avec des vestiges observés sur près de 30 000 m². Au moins un quart des structures mises au jour (302 faits) se rapportent en effet à un vaste établissement rural occupé de manière continue entre le début du IIe et le Ier siècle av. J.-C., soit entre la fin de La Tène moyenne (La Tène C2) et la transition entre La Tène finale (La Tène D) et la période augustéenne. Si les limites méridionale et occidentale de ce site semblent avoir été atteintes, la configuration des vestiges atteste clairement un développement de l’occupation laténienne au-delà de l’emprise prescrite, en direction de l’est et du nord. Le développement et la prospérité de ce site au cours de La Tène finale sont à mettre en relation avec son installation en bordure de la Saône, qui constitue une voie naturelle de transport essentielle pour l’acheminement de produits méditerranéens dans l’est de la Gaule, mais également avec la proximité de Chalon-sur-Saône/Cabillonum. Cette agglomération, reconnue comme le port principal du territoire éduen, est considérée comme un centre commercial et artisanal majeur du fait de sa position de relais au carrefour de plusieurs itinéraires.
Bien qu’il soit difficile, dans le cas d’une occupation continue, de déterminer l’évolution précise des installations, l’analyse des vestiges et du mobilier récolté permet de proposer une périodisation de l’occupation laténienne du « Champ du Four » en quatre phases principales. Les deux premières phases correspondent au développement d’un habitat ouvert entre La Tène C2 et La Tène D1, tandis que la troisième phase, datée entre La Tène D1b et La Tène D2a, est marquée par une réorganisation du site autour d’un vaste enclos quadrangulaire de 75 m de côté. La quatrième phase caractérise quant à elle une réoccupation discrète du site entre La Tène D2b et la période augustéenne, qui intervient après l’abandon de l’ensemble des installations de la période précédente.
Le mobilier recueillit dans les structures de l’établissement rural de La Tène D1b-D2a, et plus particulièrement dans le fossé d’enclos, se distingue par sa quantité et sa qualité par rapport à celui des autres phases. Il témoigne du statut social relativement élevé de certains habitants du site, notamment par les importantes quantités de mobilier d’importation (céramique et amphore).
Les différentes occupations laténiennes regroupent une trentaine de bâtiments. Ils se répartissent entre des constructions de grandes dimensions pouvant correspondre à des unités d’habitation et à des annexes, et des petites unités de stockage apparentées à des greniers. Le site est également caractérisé par la présence de six puits localisés dans l’enclos et à l’ouest de ce dernier. Parmi ces excavations, trois présentaient les restes d’un cuvelage en bois de chêne dans un état de conservation exceptionnel, de même que divers éléments en matières organiques piégés dans leurs comblements.

Quelques témoignage entre le Ier et le VIe siècle de notre ère

Après un hiatus dans la première moitié du Ier siècle, de nouvelles structures apparaissent au sein de l’emprise. Elles correspondent à des aménagements parcellaires qui perdurent au moins jusque dans la deuxième moitié du IIe siècle. Cette occupation du Haut-Empire comprend notamment un fossé massif qui traverse l’extrémité occidentale de l’emprise, et un réseau de fossés et de structures de plantation (fosses et tranchées) se développant entre le centre de l’emprise et son extrémité septentrionale.
La période médiévale n’est représentée que par une sépulture à inhumation isolée du début du haut Moyen Âge découverte au centre de l’emprise. Elle a livré un ensemble de petit mobilier remarquable daté entre la seconde moitié du Ve siècle et le début du VIe siècle  : une plaque-boucle de ceinture en fer à décor damasquiné en alliage cuivreux et en laiton, un fermoir d’aumônière-briquet en fer, un rasoir et une pincette en fer, une monnaie, ainsi qu’un silex utilisé comme pierre à feu.
Les dernières traces de fréquentation du site correspondent à quelques vestiges de l’époque moderne, parmi lesquels se distinguent des fossés parcellaires et un puits localisés dans le tiers méridional de l’emprise. Ils témoignent de la reprise de l’exploitation agro-pastorale du secteur après une interruption de plusieurs siècles.


Retrouvez ici une actualité détaillant les premiers résultats de l'opération :


Bibliographie scientifique :

  • Collet 2020 : COLLET (A.) - Les Gaulois sont dans la plaine de Saône: le site du Champ du Four à Saint-Marcel, Actes des journées archéologiques de Bourgogne-Franche-Comté, 22-23 novembre 2019, Besançon, 2020, p. 109-112

  • Blondel, Collet à paraître :  BLONDEL (F.), COLLET (A.) - Exploitations, transformations et utilisations du chêne à feuillage caduc sur le site du Champ du Four à Saint-Marcel (Saône-et-Loire) à partir de trois puits cuvelés datés du second âge du Fer, Actes du 45e colloque international de l'AFEAF, Gijon, 13-15 mai 2021


Commune : Saint-Marcel

Adresse/lieu-dit : Champ du Four

Département/Canton : Saône-et-Loire

Année de fouille : 2018

Période principale d'occupation : Age du Bronze,Age du Fer

Autres périodes représentées : Antiquité,Moyen Âge

Responsable d'opération : Amaury COLLET

Aménageur : DREAL Bourgogne

Raison de l'intervention : Mise en place d'une zone de compensation environnementale

Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)


Plaquette de présentation du site


Communiqué de presseLien vers la plaquette