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Nyon - Amphithéâtre


Etude de l'amphithéâtre de Nyon

L’amphithéâtre de Nyon a été mis au jour fortuitement en juin 1996, suite à la réalisation d’un projet immobilier. Face à une découverte d’une telle importance, le service des Monuments Historiques et Archéologie de l’État de Vaud a préconisé la fouille complète de la parcelle et la protection du monument.

L’ARÈNE
Fait exceptionnel en regard de la densité urbaine de Nyon, l’arène est entièrement comprise dans une parcelle d’un seul tenant, bâtie d’une unique villa. Les dimensions de l’arène, 50 m dans son grand axe et 36 m dans son petit axe, place l’amphithéâtre nyonnais au milieu de la série des édifices suisses de même nature, derrière ceux de Windisch et d’Avenches et devant ceux d’Augst et de Martigny. Seul édifice de ce type dans le bassin lémanique, l’amphithéâtre de Nyon montre, s’il était besoin, le rôle prépondérant que la ville a joué dans l’affirmation de la romanisation de cette région. Centre de décisions politiques et administratives, la ville accueillait ainsi non seulement les habitants de son territoire, mais probablement aussi ceux de Genava et Lousonna, voire de plus loin, à l’occasion des grandes fêtes et manifestations se déroulant dans l’amphithéâtre.
Le monument est construit sur un axe sud-ouest/nord-est. Deux portes permettent d’accéder à l’arène. Toutes les deux présentent le même agencement : un portail central à double battant flanqué de deux petites portes. Les seuils de dalles de calcaire, réparés de pièces en molasse, montrent clairement ce dispositif. Deux carceres, ces loges où on enfermait les animaux avant les spectacles, sont situées face à face au milieu des murs de l’arène. Larges de 3,10 m et profondes de 2,40 m, elles étaient fermées par une porte ou une grille. Les murs de l’arène, construits en opus incertum, sont larges d’un mètre et, là où l’arase est conservée, hautes de 1,90 m. Ils ne possèdent qu’une très faible fondation maçonnée et aucun agencement de pieux en bois n’a été retrouvé sous les murs, comme c’est parfois le cas, en vue d’asseoir leur structure. Dans un terrain souffrant continuellement d’infiltrations d’eau, ce dispositif est pour le moins étonnant et a occasionné l’effondrement de certains tronçons des gradins. D’importantes réparations, visibles sur la moitié ouest du mur du podium plus exposée aux poussées de terrain et aux ruissellements, en sont la preuve.
La réfection la plus nette concerne le carcer occidental. Il a été reconstruit voire créé de toutes pièces car on ne peut que supposer sa présence dans un premier état au moyen de dalles de calcaire appartenant à la parure de l’édifice.

UNE MOISSON DE BLOCS
Plus de trois cents blocs ou fragments architecturaux en calcaire blanc ont été retrouvés durant la fouille. Encore en place ou effondrés, ils font presque tous partie du revêtement en grand appareil parant le mur de l’arène. Établi sur un faible radier, un bloc de base haut de 0,65 m est surmonté d’un orthostate de 1,70 m, lui-même couronné par une couvertine moulurée. L’ensemble atteint une hauteur de 2,65 m et une épaisseur moyenne de 0,40 m. Des encoches obliques creusées au sommet des couvertines incitent à reconstituer une barrière en bois protégeant les spectateurs d’une chute malencontreuse. Au fil du temps, une part importante de ces pièces architecturales a été emportée lors de diverses récupérations de matériaux.
Malgré ces travaux de récupération, quelques rares blocs de molasse, très abîmés, indiquent encore la présence des gradins. Implantés dans le terrain naturel à l’ouest et dans les remblais à l’est, ils étaient probablement recouverts de dalles de calcaire. Leur hauteur peut être restituée à 0,40 m et leur profondeur à 0,90 m, pour une pente moyenne d’environ 28°, comparable notamment à celle du second état de l’amphithéâtre d’Avenches. Du côté oriental, les premières rangées semblent plus étroites que leurs consœurs et séparées des gradins ordinaires par un muret (balteus). Elles sont sans doute destinées aux notables qui bénéficient dès lors d’un rang pour s’asseoir et d’un autre pour poser leurs pieds.
La superficie totale du monument n’est pas connue. Dans l’attente de nouvelles recherches, la distance entre le mur extérieur et celui de l’arène est fixée à 17,75 m, au maximum. Dans cet espace, il est possible de restituer 17 rangées de gradins sur lesquels peuvent prendre place plusieurs milliers de spectateurs.

UN SYSTÈME D’ÉVACUATION DES EAUX SOPHISTIQUÉ
Au pied du mur de l’arène, un drain a été repéré sous la forme de tuiles plates (tegulae) recouvertes de tuiles arrondies (imbrices). Ce dispositif favorise la récupération des eaux de pluie et de ruissellement, qu’il déverse dans deux canalisations maçonnées. L’égout principal traverse l’arène dans son grand axe. Il est légèrement décalé vers l’ouest par rapport aux portes et présente un fond dallé de tuiles. Repéré au nord-est de la fouille, il se déverse certainement dans le lac.
Un second canal d’évacuation est branché sur le conduit central et se dirige vers l’ouest. Il poursuit sa course le long du carcer occidental, remontant dans la pente sous les gradins dont il récupère les eaux d’écoulement lors des pluies. Ces deux égouts sont recouverts de dalles de calcaire, parmi lesquelles se trouvent plusieurs blocs ayant appartenu aux gradins ou au podium de l’amphithéâtre.
Ce phénomène nous indique une fois encore que le monument a été réparé et remanié, et que certains éléments d’architecture, ne trouvant plus leur place, ont été remployés. Le plus surprenant est sans aucun doute de retrouver parmi ces dalles, trois plaques inscrites, dont deux appartiennent à une inscription monumentale en l’honneur de l’empereur Trajan qui a régné de 98 à 117 apr. J.-C. Cette inscription date de 111 apr. J.-C. et permet de supposer que l’amphithéâtre a été construit au début du IIe siècle de notre ère. Par ailleurs, on a retrouvé dans l’arène en terre battue plus de quatre cents monnaies.


Quelques images du site :


Canalisation principale marquant l'axe longitudinal de l'arène (Photo Fibbi-Aeppli, Grandson)

Reconstitution graphique du mur d'arène et du départ des gradins. A: mur maçonné; B: base et orthostate en calcaire; C: couvertine en calcaire; D: gradins en molasse; E: balteus présumé; F: sol d'arène.

Fragments de l'inscription dédiée à Trajan lors de sa découverte (Photo Fibbi-Aeppli, Grandson)

Plan archéologique de l'amphithéâtre.

Restitution hypothétique du monument (Modélisation P. Friedemann M. Vaccarello ; P. André, Lyon)

Vue générale de l'arène après son dégagement (Photo Fibbi-Aeppli, Grandson)


Commune : Nyon

Adresse/lieu-dit : Amphithéâtre

Département/Canton : Vaud

Année de fouille : 1996

Période principale d'occupation : Antiquité

Responsable d'opération : Frédéric ROSSI

Raison de l'intervention : Projet immobilier

Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)