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Vaulx-Milieu - Les Brosses et les Croisettes


Cette opération intervient dans le cadre d’un vaste projet d’aménagement (plus de 40 ha) lié à l’extension vers l’est de l’actuelle ZAC du Parc Technologique sur la commune de Vaulx-Milieu, à 5 km à l’ouest de Bourgoin-Jallieu et à proximité immédiate des anciens marais de La Verpillère. Le diagnostic préalable, réalisé sous la responsabilité scientifique de Gilles Ackx (Inrap) à la fin de l’été 2015, a mis en évidence les vestiges de plusieurs occupations se rattachant pour la plupart à l’Antiquité. On note ainsi la présence de trois établissements ruraux, les traces d’une voie ou d’un chemin, une nécropole à crémation ainsi que plusieurs sépultures d’immatures sous tuiles. Quelques indices témoignent également de la fréquentation du secteur au cours de la Protohistoire : concentration de trous de poteau, fosse/sépulture. Enfin, plusieurs fossés, dont certains matérialisent la cadastration moderne et contemporaine des parcelles, ont également été repérés à cette occasion. Les résultats positifs de cette phase d’évaluation ont conduit le Service Régional de l’Archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes à prescrire une première opération de fouille préventive portant sur la moitié nord des terrains sondés, aux lieudits Les Brosses et Les Croisettes. Celle-ci a été réalisée par la société Archeodunum entre le 24 juillet et le 24 novembre 2017. Bien que le potentiel archéologique du secteur soit connu depuis de nombreuses années, aucune fouille archéologique de cette envergure n’y avait encore été menée.

L’emprise prescrite, encadrée au nord par l’autoroute A43 et par la route D1006 (ancienne RN6) au sud, concerne une surface totale de 39 800 m² répartie en 5 secteurs distincts. Seule une partie de ces terrains a bénéficié d’un décapage intégral, le reste des surfaces concernées ayant quant à lui fait l’objet d’un simple suivi linéaire des différents axes de fossés repérés lors de la phase de diagnostic. L’ensemble des terrains décapés couvre en définitive une surface de près de 22 000 m².

Les plus anciens indices d’occupation observés se rapportent à la Protohistoire et plus précisément au second âge du Fer (Phase 1). Il s’agit exclusivement de structures en creux (quelques fosses et plusieurs trous de poteau), repérées sur les secteurs 1 et 4, pour lesquelles aucune organisation structurée n’a pu être restituée, ce qui limite toute tentative d’interprétation. Quelques tessons de céramique ainsi qu’un denier allobroge au cavalier retrouvés lors de la fouille d’une de ces structures permettent néanmoins d’assurer une datation de La Tène D2b. Sur le secteur 3, la présence résiduelle de tessons de céramique ainsi que d’un fond de silo partiellement conservé sous les fondations d’un bâtiment antique témoignent de la présence d’une occupation gauloise préexistante à l’installation romaine.

Le second horizon chronologique étudié concerne la période antique. Les vestiges datables de cette époque se répartissent sur l’ensemble des surfaces prescrites, hormis le secteur 4.
En secteur 1, une occupation du Haut-Empire est signalée par la présence d’un petit axe viaire correspondant vraisemblablement aux lambeaux d’un chemin, quelques fosses ainsi qu’une sépulture à crémation et un probable fond de bûcher adjacent.
En secteurs 2 et 3, deux espaces funéraires distincts ont été identifiés. Le premier se situe au nord du bâtiment principal et comprend 25 tombes à inhumation de périnataux. Les corps sont déposés dans ou sous des imbrices, ou dans des coffrages sommaires constitués de tuiles. La plupart des squelettes ne sont pas ou mal conservés, et aucun mobilier n’accompagne les défunts. Ces tombes ne sont donc pas datées, mais leur implantation permet de supposer une contemporanéité avec l’habitat, au moins pour une des phases de l’occupation, et avec le second secteur funéraire. Celui-ci se situe plus à l’ouest, à une centaine de mètres, et concerne 20 sépultures secondaires à crémation. Elles se caractérisent par des fosses de grandes dimensions, généralement comblées de résidus charbonneux provenant du bûcher, sur le fond de la structure, puis scellées par un comblement stérile proche de l’encaissant. De plan rectangulaire ou ovalaire, plusieurs d’entre elles sont pourvues d’une alcôve latérale, qui reçoit parfois un dépôt spécifique (notamment dans l’une d’elles deux récipients en verre intacts. La majorité du mobilier mis au jour provient du bûcher et est donc très fragmentaire et brûlé : récipients en céramique, en verre, objets en alliage cuivreux, en tabletterie, figurines en terre cuite, clous en fer, os animaux. De nombreuses graines carbonisées attestent quant à elles la présence de végétaux, de céréales et de fruits sur le bûcher funéraire. De rares offrandes secondaires complètent cet inventaire : vases en verre ou en céramique. Les os humains sont également compris dans les résidus de crémation. La présence de tuiles est récurrente même si leur fonction n’est pas toujours clairement établie (coffrage, signalisation...). Bien que ces tombes possèdent des caractéristiques communes et offrent une image assez homogène des pratiques funéraires, notamment au niveau du mode de dépôt, chacune possède sa spécificité et traduit probablement une volonté individuelle. Elles sont majoritairement datées de la seconde moitié du IIe s. apr. J.‑C., une seule semble plus précoce et serait datée de la deuxième moitié du Ier s. apr. J.‑C.
L’élément majeur de l’occupation antique correspond à la présence d’une exploitation rurale pour laquelle quatre étapes successives ont pu être distinguées, marquant une occupation longue et sans hiatus s’étirant entre la seconde moitié du Ier s. apr. J.‑C. et le début du Ve s. apr. J.‑C.
Dans un premier temps (Phase 2), on note la présence d’un petit bâtiment carré de 7 m de côté implanté au sud-est de l’emprise. Occupé durant la seconde moitié du Ier s. apr. J.-C., il a livré un niveau de démolition en place témoignant d’une élévation en torchis sur solins de calcaires et d’une couverture de tegulae. La fouille de ce petit espace de 33 m² a fourni un mobilier céramique abondant et varié correspondant à la fois à des éléments de transport et de stockage (amphores, dolia) et à des céramiques culinaires (mortiers, pots, plat …) parmi lesquelles on retiendra la présence d’une cloche de cuisson (clibanus). La faible proportion de céramique de service témoigne davantage d’une pièce dédiée au stockage et à la préparation (cellier, cuisine ?) que d’un lieu dévolu à la consommation.
L’abandon de ce premier bâtiment laisse ensuite place à l’édification, à peine à une vingtaine de mètres vers l’ouest, d’une construction plus imposante couvrant une surface au sol de près de 600 m² (Phase 3‑état 1). Ce nouveau bâtiment, érigé dès la fin du Ier s. apr. J.-C., présente un plan rectangulaire (21,50 x 27,50 m) classique avec un ensemble de pièces et d’espaces distribués autour d’une grande cour centrale. Parmi les espaces associés à ce premier état, on retiendra la présence d’une vaste zone de stockage des récoltes (orge, millet) comportant un plancher disposé sur un vide sanitaire. Une pièce excavée (cellier, cave ?) occupe une partie de l’aile ouest de l’édifice.
L’adjonction d’un appentis, accolé à la façade méridionale du bâtiment, permet d’augmenter sa surface de 65 m². Cet espace comporte une large ouverture vers le sud et abrite une activité métallurgique « d’appoint » (forge) probablement liée à la production et à l’entretien de l’outillage agricole.
Après un premier incendie qui semble intervenir au cours du IIe siècle, la plupart des niveaux de sols sont rehaussés par un régalage des remblais de démolition, certains murs sont reconstruits et de nouveaux cloisonnements des espaces font leur apparition (Phase 3‑état 2). On observe notamment à cette occasion l’installation d’un long mur central scindant la cour en deux espaces distincts. Quelques foyers paraissent également pouvoir être rattachés à ce deuxième état.
La dernière phase d’occupation prend place entre la seconde moitié du IIIe siècle et le début du Ve siècle (Phase 3‑état 3). C’est à cette époque qu’a lieu un second incendie (dans les années 330-340 d’après un petit lot homogène de monnaies retrouvé dans le niveau incendié) qui semble cette fois-ci s’être limité à la pièce excavée aménagée dans l’aile ouest. Après son remblaiement, l’espace est réinvesti avec l’adjonction d’un nouveau mur et l’installation d’un foyer. L’occupation paraît se poursuivre sur la totalité du bâtiment puisque plusieurs autres foyers semblent aménagés à cette époque. Le mobilier céramique rattaché à ce dernier état atteste par ailleurs plus d’une occupation domestique que d’une simple fréquentation liée à des activités de récupération comme il est courant d’observer dans les contextes d’habitats ruraux durant l’Antiquité tardive. On note néanmoins pour cette même période le creusement de plusieurs fosses détritiques au sein même du bâtiment (certaines d’entre-elles recoupant par ailleurs des murs ou des cloisons) indiquant avec certitude une modification de la destination de certains espaces.
Enfin, au niveau du secteur 5, la présence romaine est signalée par l’implantation d’une sépulture à crémation datée du IIe s. apr. J.-C. Cette structure funéraire, déjà repérée et intégralement fouillée lors du diagnostic, est apparue isolée.

L’époque médiévale est quant à elle illustrée par la présence d’un petit bâtiment quadrangulaire (2,40 x 2,10 m) dont seules les fondations en pierres sèches ont été conservées. Implantée à une douzaine de mètres au sud-est du grand bâtiment antique, cette structure n’a livré aucun indice nous renseignant sur sa fonction. La présence de quelques tessons de céramique retrouvés au sein de ce petit espace permet en revanche d’assurer une datation alto-médiévale.

Les dernières traces d’occupation du secteur se rapportent ensuite aux époques moderne et contemporaine et concernent pour l’essentiel la mise en culture des parcelles. Au niveau du secteur 1, un chemin empierré recouvre l’axe viaire antique dont il reprend globalement l’orientation. En secteur 3, les murs des bâtiments antiques sont ponctuellement récupérés, parfois jusqu’à la base des fondations. Pour les autres secteurs, il s’agit essentiellement de fossés se superposant au parcellaire récent ou de structures fossoyées drainantes probablement liées à l’assèchement des marais de La Verpillère très proches de l’emprise étudiée. Si, en l’absence de mobiliers associés, leur datation n’a pu être déterminée avec précision, le recoupement de plusieurs sépultures à crémation en secteur 2 atteste à minima d’une postériorité à l’époque antique.


Retrouvez ici une actualité détaillant les premiers résultats de l'opération :


Revue de presse :


Bibliographie scientifique :

  • Grasso à paraître : GRASSO J., « Sur les marges méridionales des marais de La Verpillière, l'établissement rural et les nécropoles de Vaulx-Milieu ». Actes des journées d’étude de l’axe 1-3, sites et territoires ruraux antiques, (ArAr UMR 5138) « Établissements ruraux et territoires antiques : actualités de la recherche », Archéologie. Sociétés, réseaux, matériaux, Université Lyon II.

  • Flottes, Grasso à paraître : FLOTTES L., GRASSO J., Production de malt à Vaulx-Milieu ?, Actes des XIVe Rencontres d’Archéobotanique « Actualités – Méthodologies – Terroirs – Synergies », Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, Bruxelles, 13-16 octobre 2021.


Commune : Vaulx-Milieu

Adresse/lieu-dit : Les Brosses et les Croisettes

Département/Canton : Isère

Année de fouille : 2017

Période principale d'occupation : Antiquité

Autres périodes représentées : Age du Fer,Moyen Âge

Responsable d'opération : Jérôme GRASSO

Aménageur : Société d'Aménagement du Rhône aux Alpes (SARA)

Raison de l'intervention : Aménagement de ZA ou ZI

Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)


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