Belleville-en-Beaujolais - RD109 - Déviation sud-est - Tranche 1
Cette opération a été réalisée dans le cadre du projet de construction d’une déviation de la route départementale n°109 destinée à assurer le raccordement de la route départementale n°337 à la route départementale n°306 pour permettre le contournement du centre-ville de Belleville-en-Beaujolais. L’intervention fait suite à un diagnostic réalisé par Véronique Monnoyeur-Roussel (Inrap) en 2020 (Monnoyeur-Roussel, 2021). Lors de cette phase préalable, ce sont principalement les vestiges d’une occupation antique qui ont été mis au jour. Ces derniers constituent vraisemblablement le prolongement oriental du site fouillé par Thierry Argant (Éveha) en 2020 au lieudit Fontenailles, situé immédiatement à l’ouest du futur tracé routier (Argant, Grange, 2024). Vers l’est, quelques structures en creux et fragments de vases enterrés témoignent quant à eux d’une occupation plus ancienne datable du second âge du Fer. Ces résultats positifs ont logiquement entraîné la prescription, par le service régional de l’archéologie de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, d’une fouille archéologique préventive. Celle-ci a été réalisée par la société Archeodunum SAS, sous la responsabilité scientifique de Jérôme Grasso, entre juin et octobre 2022. L’emprise de fouille a été scindée en deux secteurs disjoints correspondant aux deux entités chronologiques identifiées lors du diagnostic. Le secteur 1, à l’ouest, couvre une surface totale de près de 6 000 m² sur laquelle se développe le site antique, tandis que le secteur 2, situé 700 m plus à l’est, porte sur une aire d’environ 5 000 m² abritant l’occupation laténienne.
Les vestiges protohistoriques sont cantonnés au niveau du secteur 2 où ils sont apparus assez mal conservés. L’occupation prend place sur un terrain légèrement en pente en direction de la Saône, dont le lit actuel est situé à environ 1 km à l’est, et s’implante dans des colluvions de versant et de fond de vallée, composés de limons sableux d’origine alluviale lessivés. Peu lisibles, les vestiges correspondent pour l’essentiel à une vingtaine de structures en creux réparties sur l’ensemble de la surface accessible, sans organisation particulière. Aucun plan cohérent n’a pu être restitué à partir des quelques trous de poteau identifiés. Les fosses associées livrent peu d’éléments, hormis pour l’une d’entre elles qui rassemble l’essentiel des vestiges mobiliers du site. On y a récolté une douzaine de vases, dont trois individus particulièrement bien conservés et pratiquement complets. Ces derniers ont été identifiés comme des ratés de cuisson et sont associés à des rejets de terre crue rubéfiée signalant probablement la proximité d’une activité potière. Une fusaïole en terre cuite atteste quant à elle une activité de filage, probablement dans un cadre domestique. Dans l’angle nord-ouest de l’emprise, deux courtes portions de fossés formant un angle droit témoignent d’une volonté de structuration de l’espace. Cette occupation a pu être datée de La Tène finale, entre le IIe s. av. J.-C. et la première moitié du Ier s. av. J.-C.
L’occupation antique prend quant à elle place sur le secteur 1 où elle se limite à la moitié ouest de l’emprise, couvrant une surface d’environ 3 300 m². Il s’agit d’une occupation antique structurée dont les principaux vestiges consistent en cinq bâtiments, partiellement dégagés dans le cadre de la fouille, dont seules les fondations en galets étaient conservées. Le site se trouve barré à l’est d’abord par un long fossé d’axe nord-sud, puis par un long mur de clôture. L’emprise prescrite n’a pas permis d’appréhender la totalité du site puisque les vestiges de cette occupation se prolongent à la fois vers le sud et le nord, ainsi que vers l’ouest où ils rejoignent ceux du site de Fontenailles situé de l’autre côté de la route bordant le chantier. Bien que les vestiges mobiliers soient relativement peu abondants, leur étude a permis de borner les limites chronologiques de cette occupation entre l’époque augustéenne et le courant du IIIe siècle et de la subdiviser en quatre états.
L’état 1 prend place dans les premières décennies du Ier s. apr. J.-C. et précède le développement de l’agglomération gallo-romaine. Les rares vestiges associés à cette première fréquentation antique du secteur se limitent au quart sud-ouest de l’emprise et correspondent pour l’essentiel à des fossés précédant l’édification des bâtiments. Ils sont en partie masqués ou effacés par l’état suivant qui viendra s’y superposer. L’ensemble offre l’image d’un paysage ouvert, probablement agricole, a priori structuré en parcelles par la présence de deux grands fossés parallèles.
L’état 2 regroupe l’essentiel des vestiges antiques et renvoie à la phase initiale d’édification des bâtiments, au cours de la seconde moitié du Ier s. apr. J.-C., précédée d’une phase de remblaiement généralisé. Les vestiges se répartissent alors sur la moitié ouest du site et un système de fossés parcellaires matérialise la limite orientale ainsi qu’une subdivision interne. Les cinq bâtiments découverts ne subsistent qu’au niveau de leurs fondations et aucun niveau de sol n’y est conservé. Les plans des quatre premiers demeurent incomplets, car ils se prolongent au-delà des limites d’emprise vers le sud et l’ouest. Deux d’entre eux correspondent à des bâtiments à vaste cour interne, similaires à celui observé sur le site voisin de Fontenailles, et trouvent des parallèles pertinents sur des sites identifiés comme des agglomérations de bord de voie (Fig. A). Le cinquième offre quant à lui un plan uniquement restituable à partir des tranchées de spoliation qui ont récupéré les matériaux constitutifs des murs jusqu’à la base des fondations. Il est subdivisé en six espaces parmi lesquels on reconnait un système de chauffage par hypocauste dont quelques lambeaux de sols bétonnés et pilettes de briques sont conservés en place (Fig. B). Deux pièces sont directement chauffées par un praefurnium qui n’a conservé que la base des piédroits des canaux de chauffe et des couches charbonneuses correspondant aux derniers niveaux de fonctionnement. De nouvelles limites spatiales sont également mises en place à cette époque avec une clôture du site à l’est et au nord matérialisée par le creusement de nouveaux fossés.
L’état 3 correspond au développement maximal de l’occupation et s’étend sur la totalité du IIe siècle et le début du suivant. Les aménagements principaux pour cette époque sont associés à l’extension d’une partie des bâtiments. Cette phase de construction s’accompagne d’une nouvelle structuration de l’espace : le fossé central, comblé au cours de l’état précédent, laisse à présent place à un mur de clôture dont la fondation est constituée de grands fragments de TCA et qui comporte plusieurs petits contreforts de part et d’autre de son axe. La limite orientale, qui était jusque-là matérialisée par un fossé, est quant à elle remplacée par un mur de clôture dont seuls la fondation en galets et un probable aménagement d’accès sont conservés. Au nord, une vaste excavation est comblée, sans que l’on sache si elle était déjà présente au cours de l’état précédent. Il pourrait s’agir d’une zone d’extraction de terre à bâtir destinée à approvisionner le chantier de construction. Le bâtiment thermal connait lui aussi quelques changements avec l’adjonction de nouvelles maçonneries qui viennent doubler une partie des murs précédents au sud et à l’ouest. Cette phase de travaux s’accompagne probablement d’une réfection des décors peints si l’on en juge par la superposition d’au moins deux couches picturales observée sur plusieurs fragments d’enduits peints.
L’état 4 enfin, marque la fin de l’occupation avec un abandon du site principalement matérialisé par le remblaiement de l’espace interne des pièces sur hypocauste ainsi que quelques niveaux de démolition ou d’épandage de mobilier. Un foyer quadrangulaire, dont la sole est constituée de grandes tegulae retournées et appuyées contre le mur de clôture central, semble fonctionner à cette époque. Les premiers indices de récupération de matériaux sont également associés à cette période datée au plus tôt de la première moitié du IIIe siècle, mais qui pourrait se prolonger dans la seconde moitié de ce siècle, voire jusqu’au tout début du IVe.
Postérieurement à l’abandon du site, à une période difficilement datable avec précision, les maçonneries antiques sont spoliées et les matériaux de construction sont récupérés, parfois en profondeur comme au niveau du bâtiment thermal. On y a reconnu plusieurs phases de récupération, d’abord matérialisées par des tranchées linéaires suivant les murs, puis sous la forme de vastes fosses aux contours informes recoupant ces mêmes tranchées. Aucun bâtiment n’est épargné par ces activités de spoliation. Enfin, un grand fossé parcellaire traversant le site d’est en ouest est également associé à ce dernier état signalant une probable mise en culture des espaces laissés libres après la démolition et la récupération des espaces bâtis.
L’ensemble de ces vestiges, associés à ceux retrouvés sur le site de Fontenailles, peut être interprété comme appartenant à une petite agglomération routière probablement implantée de part et d’autre d’un axe viaire important, dont le tracé pourrait se situer entre les deux emprises fouillées. La « Voie de l’Océan » est réputée traverser la commune de Belleville-en-Beaujolais et il a longtemps été question de positionner la station de Lunna, mentionnée sur l’itinéraire Antonin, à cet emplacement. Cette hypothèse rentre néanmoins en conflit avec l’étape antique de Ludna qui est quant à elle mentionnée sur la table de Peutinger et dont l’emplacement est restitué sur le site de Patural à Saint-Georges-de-Reneins depuis les fouilles menées par J.-C. Béal (Béal et al. 2013). La réouverture de ce dossier, à la lumière des découvertes récentes, ravive le débat et permet a minima de constater qu’une petite agglomération antique prenait place à cet endroit, sans que l’on puisse pour l’instant en définir la nature exacte (statio, mansio, mutatio ?).
Enfin, seules quelques structures se rapportent à la période moderne/contemporaine. Au niveau du secteur 2 tout d’abord, c’est une fosse abritant le squelette d’un jeune bovin inhumé complet qui a été mise au jour. En l’absence de mobilier, et considérant l’unique présence de vestiges protohistoriques sur ce secteur, une datation radiocarbone a été engagée. Celle-ci a fourni une fourchette de datation comprise entre la fin du XVIIe et le début du XXe siècle pour la mise en terre de l’animal. Pour le secteur 1, aucune occupation structurée ne prend le relais après l’abandon du site à la fin de l’Antiquité et aucun indice d’une fréquentation à l’époque médiévale n’a été observé. On retiendra simplement la mise en place d’un petit groupe de drains empierrés dans la partie sud-ouest de l’emprise. Ces derniers partagent les mêmes axes et pendages et viennent recouper plusieurs vestiges antiques. Ils assurent probablement une fonction d’assèchement des sols en vue de leur mise en pâture/culture.
Retrouvez ici une actualité détaillant les premiers résultats de l'opération :
Revue de presse :
- Bamboo Mag (été 2023). Une aire d'autoroute datant de 2000 ans. (22/05/2023)
- Belleville-en Radio Calade : Beaujolais/Fouille archéologique des résultats spectaculaires (20/09/2022)
- Le Progrès : Belleville-en-Beaujolais. Une "aire d'autoroute" gallo-romaine découverte. (19/09/2022)
- Le Patriote du Beaujolais : Une petite agglomération romaine mise au jour à l'entrée de Belleville (19/09/2022)
Quelques images du site :
Commune : Belleville-en-Beaujolais
Adresse/lieu-dit : RD109 - Déviation sud-est - Tranche 1
Département/Canton : Rhône
Année de fouille : 2022
Période principale d'occupation : Antiquité
Autres périodes représentées : Age du Fer
Responsable d'opération : Jérôme GRASSO
Aménageur : Département du Rhône
Raison de l'intervention : Déviation routière
Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)
Belleville-en-Beaujolais, déviation sud-est de la RD 109 - Découverte d'une petite agglomération romaine