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Nuits-Saint-Georges - Pré de Nuits


Une occupation du début de l’âge du Fer et un sanctuaire gallo-romain

La fouille réalisée sur le site de « Pré de Nuits » à Nuits-Saint-Georges en Côte-d’Or, s’est révélée nettement plus riche que ne laissait entrevoir le diagnostic. Elle a mis en évidence deux grandes phases d’occupation bien distinctes.

L’occupation la plus ancienne se matérialise par la présence de puits, fosses et trous de poteaux. Ces structures en creux sont toutes situées au fond d’une dépression d’axe nord-sud qui se révèle être un ancien bras secondaire du Meuzin. L’ensemble de ces vestiges n’a malheureusement pas livré de mobilier qui permette une datation directe – et ce malgré la présence de bois très bien conservés dans l’un des puits. Un ancrage est offert par le mobilier issu d’une couche argileuse grise comblant l’ancien bras de rivière et atteignant une épaisseur de 60 cm par endroits. Cette couche contenait une quantité importante de céramiques attribuables à la période de transition entre l’âge du Bronze et l’âge du Fer, soit entre 900 et 740-720 av. J.-C (Ha B2-B3 / Ha C). Cette couche fournit donc un excellent repère chronologique permettant d’arguer une période d’utilisation de ces structures au plus tard contemporaine de cette période.
L’absence de litages dans l’épaisseur de cette couche de comblement, ainsi que sa nature (matériaux fins) semble indiquer un remplissage rapide, probablement lors d’un seul et même événement (inondation). L’abondance de mobilier protohistorique pourrait donc résulter soit d’un dépotoir in situ, soit d’un apport charrié par la rivière d’une occupation située en amont. En l’occurrence, l’énorme quantité de vestiges mobiliers retrouvés à l’occasion de la fouille de cette couche apparaît comme disproportionnée en regard des quelques structures contemporaines identifiées dans les limites de la fouille. Les circonstances naturelles ou anthropiques de la déposition de ce mobilier céramique restent encore énigmatiques, bien que certaines zones plus charbonneuses, correspondant sans doute à des vidanges de foyer, aient pu être observées lors du décapage mécanique.
De nombreuses hypothèses pourraient voir le jour ici mais retenons les questions principales : comment expliquer une telle abondance de céramiques ? où se trouve le site correspondant et quelle est sa nature ? La bonne logique conduirait à prôner l’existence d’un site en amont, si tant est que le matériel a bel et bien été charrié par la rivière. Quoi qu’il en soit, l’existence d’un site protohistorique d’importance peut être postulée, auquel il faudra être attentif si d’autres travaux viennent à être programmés aux abords du site de « Pré de Nuits ». Ce point mérite d’autant plus d’attention qu’à notre connaissance, il s’agit d’une première sur le territoire de la commune de Nuits-Saint-Georges, et même d’un cas assez isolé régionalement. En effet, les traces d’occupations relativement contemporaines les plus proches sont à rechercher du côté de Chenôve (Dorion, Buvot 1990), de Fleurey-sur-Ouche (Buvot, Dorion 1990) ou encore de Genlis (Conche 1994).

Le site n’est ensuite plus occupé avant la période romaine. Quelques amphores de type Dressel 1 datables du Ier s. av. J.-C. sont considérées comme résiduelles. C’est à partir du deuxième tiers du Ier s. ap. J.-C. que le site est réinvesti par un sanctuaire comprenant un fanum rectangulaire à galerie, trois petits édicules et, probablement, un bassin. La remarquable homogénéité du mobilier autorise à fixer le fonctionnement de ce lieu de culte durant les deux dernier tiers du Ier siècle de notre ère. Si le manque de mobilier bien stratifié n’a pas permis de dater les phases respectives de construction, d’utilisation et d’abandon, l’absence de tout marqueur du IIe siècle laisse entrevoir un arrêt de l’occupation au cours du dernier tiers du Ier siècle.
Il s’agit là d’une découverte remarquable dans la mesure où l’emprise de la fouille nous a permis d’appréhender l’intégralité du plan de ce lieu de culte. Cet ensemble, d’ailleurs, n’est pas sans rappeler celui, très proche dans sa simplicité, du sanctuaire édifié dans le courant du Ier s. av. J.-C à Saint-Léomer (phase a) dans la Vienne (Fauduet 1993a, no 326). Mais à dire vrai, peu de plans possèdent la lisibilité de celui du site de « Pré de Nuits ». En ce qui concerne le temple principal, les dimensions et les proportions de l’édifice sont très proches de celles du temple du sanctuaire des Bolards, à la période II. Le matériel recueilli n’a pas permis d’appréhender la ou les divinités à qui ce sanctuaire était dédié.
La situation du sanctuaire de « Pré de Nuits » par rapport à l’agglomération des Bolards mérite quelques commentaires. La position périphérique renvoie aux exemples de sanctuaires périurbains, notamment en Suisse comme le sanctuaire de l’Ouest à Lousonna (Paunier, Flütsch 1990) ou encore celui d’« En Chaplix » à Avenches (Castella, Flütsch 1990) : à la sortie des agglomérations, proche des voies de communication et/ou de nécropoles. Dans ce sens, il peut être intéressant de mentionner le passage de la voie « Savigny les Beaune – St Bernard » à une distance relativement proche. Il faut néanmoins s’interroger sur la pertinence de cette lecture, puisque que la zone d’environ un kilomètre comprise entre le secteur de fouille des Bolards et le site de « Pré de Nuits » semble demeurer peu ou prou vierge de prospections (cf. Pommeret 2001, p. 19). Ce sanctuaire apparemment isolé ouvre donc de nouveaux champs d’investigations sur l’étendue de l’agglomération des Bolards, mais également sur les limites du territoire des Eduens. En effet, ce vicus est la dernière bourgade éduenne d’importance avant le territoire des Lingons au nord (Pommeret 2001, p. 18-19 ; Barral et al. 2002, p. 275) et, si les sanctuaires de frontière sont désormais bien attestés (celui de « Pré de Nuits » pourrait-il être rangé dans cette catégorie ?), qu’en est-il des villes-frontières et du statut de leurs sanctuaires ?
D’autre part, on ne peut s’empêcher de remarquer l’analogie entre la durée de fréquentation de notre petit sanctuaire et celle, similaire, du fanum de la période II du sanctuaire des Bolards (Pommeret 2001). A fortiori, étant donné que le fanum des Bolards est détruit pour faire place à la construction du célèbre « Grand Temple » vers la fin du règne de Néron et plus probablement sous Vespasien, il convient de se demander si les autres lieux de cultes attachés à l’agglomération de Nuits-Saint-Georges n’ont pas été abandonnés (destruction, récupération de matériaux) au profit d’un centre cultuel unique et monumental, le « Grand Temple », qui fonctionnera jusqu’au IVe siècle. A « Pré de Nuits », l’absence d’une véritable couche de démolition digne de ce nom et la récupération systématique des matériaux de construction, parfois même jusqu’au hérisson de fondation, peuvent également conforter cette hypothèse. Or, si des liens d’ordre chronologique et fonctionnel peuvent être tissés entre les différentes phases du lieu de culte des Bolards et le sanctuaire de « Pré de Nuits », on se doit de postuler qu’ils desservent le même bassin de population, celui de l’agglomération des Bolards et, dans une moindre mesure et pour autant que les chronologies en soient concordantes, celui des villae gallo-romaine de Boncourt-le-Bois et de Premeaux, repérées par photographie aérienne. Bien entendu, la relation entre nos deux lieux de cultes reste une hypothèse, certes séduisante, mais dont il faut se méfier justement à cet égard. Elle implique une réflexion et une planification, tant sur le plan de l’urbanisme que sur le plan religieux, de la part des habitants qu’il n’est pas aisé de prouver, mais que l’on ne peut s’empêcher de garder à l’esprit. Ces constatations ne vont d’ailleurs pas à l’encontre de celles déjà mises en évidence lors de la fouille du « Grand Temple », dans la mesure où son édification entraîne des modifications des quartiers proches et de la grande place. Voilà qui pourrait, sans exclure d’autres arguments, expliquer l’abandon somme toute relativement précoce de notre sanctuaire.


Bibliographie scientifique :

  • Maza et al. 2015 : MAZA G., ZIPPER K., BLOMJOUS C., ARGANT T., MONTANDON B., « Les puits à eaux protohistoriques de la fin de l’âge du Bronze du site de « Pré de Nuits » à Nuits-Saint-Georges (Bourgogne, Côte d’Or) », in OLMER F. (dir.), Les Gaulois au fil de l’eau, Actes du XXXVIIe Colloque International de l’Association Française pour l’Étude de l’Age du Fer (Montpellier, 8-11 mai 2013), pp. 1005-1030, Mémoires Ausonius, 39.


Quelques images du site :


Vue générale


Commune : Nuits-Saint-Georges

Adresse/lieu-dit : Pré de Nuits

Département/Canton : Côte-d'Or

Année de fouille : 2005

Période principale d'occupation : Age du Bronze,Age du Fer

Autres périodes représentées : Antiquité,Période moderne

Responsable d'opération : Guillaume MAZA

Aménageur : Ville de Nuits-Saint-George

Raison de l'intervention : Construction de ZAC

Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)