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Valence - Angle rue d'Arménie et rue Bouffier


Un ilot antique à Valence

Dans le cadre d’un projet immobilier une fouille archéologique préventive a été réalisée à l’angle des rues d’Arménie et Bouffier à Valence, sur une période de deux mois. Celle-ci a été prescrite par le Service Régional de l’Archéologie Rhône-Alpes et réalisée par la société Archeodunum.
Cette opération a permis de restituer un pan de l’histoire antique d’un îlot de la colonie romaine, depuis ses origines jusqu’à la fin du IVe s.

L’occupation de la parcelle est marquée dans un premier temps par une série de vestiges divers datant des années 50-30 av. J.-C. (solins en galets liés à la terre, sols en terre battue, fosses et four) et orientés suivant le cadastre B de Valence (N23°E). Cette première fréquentation peut correspondre aux premiers niveaux de la colonie, dont la date de fondation semble se situer dans cette fourchette chronologique, d’après la relecture récente de la documentation littéraire et épigraphique.

Par ailleurs, le mobilier mis au jour dans cette première phase atteste très probablement de la présence d’immigrants italiens. Le vin transporté en amphores provient d’Italie, des provinces orientales et de la péninsule ibérique, sans oublier les Baléares. L’huile d’olive et les saumures sont originaires de la province de Bétique. L’alimentation carnée provient non seulement d’animaux issus de la triade classique (porcs, boeufs et moutons), mais également de gibiers. La vaisselle de table en terre cuite ainsi que celle en verre proviennent en grande majorité de la péninsule italique. Des éléments de parures, comme les fibules, ou de toilette (miroir de tradition italique) ainsi que des éléments de pieds de lits en os témoignent de l’existence d’une population « étrangère ».

Cette première occupation laisse la place, entre les années 30 av. J.-C. et le changement d’ère, à un véritable plan d’urbanisme, se traduisant par la création d’une rue de cailloutis damés orientée suivant le cadastre B de Valence, d’un portique et d’une domus caractérisée par de puissantes fondations maçonnées construites d’un seul jet. L’organisation interne de la première phase de cette maison reste encore mal définie en raison des multiples terrassements postérieurs et de la récupération de la plupart des murs. Toutefois, la domus présente deux ateliers-boutiques de part et d’autre d’une entrée s’ouvrant en retrait sous le portique. La construction de fondations rectangulaires massives pour les bases de piliers du portique atteste de la présence d’un ou deux étages. Pour la phase suivante, placée au changement d’ère, le plan de la domus se précise au travers des tranchées d’épierrement des murs. Outre la présence de pièces à fonction indéterminée, les restes d’une cage d’escalier ainsi que ceux d’un bassin (impluvium) légèrement désaxé ont été repérés. Ce dernier est relié à une canalisation maçonnée, destinée à conduire les eaux de pluie vers un réservoir maçonné localisé dans la rue. La reconstitution de l’édifice atteste d’une certaine influence italique, dont certains parallèles sont à rechercher du coté de Pompéi ou Herculanum.

Les reconstructions répétées de l’îlot (nivellements, récupération de matériaux, démolition, constructions modernes et contemporaines) ont fortement arasé et perturbé les vestiges archéologiques, ne laissant que peu d’éléments lisibles pour les structures des états postérieurs à la domus. Ainsi entre les années 50 et 70, un programme de rehaussement est visible avec notamment la disparition de la canalisation ainsi que l’abandon du réservoir utilisé comme dépotoir. La rue est rehaussée par des recharges composées d’éléments hétérogènes (restes fauniques, tessons d’amphores, cailloutis, etc), et entaillée par une canalisation de même orientation.

Il faut attendre le début du IIIe s. pour découvrir de nouvelles structures, qui présentent des états de conservation très variés. Concernant la rue et la domus, les vestiges se résument à une série de remblais, des restes de murs reprenant le tracé d’anciennes maçonneries ainsi que la reconstruction de la canalisation. Le secteur oriental de la parcelle, qui restait jusqu’alors vierge de vestiges, connaît désormais une phase d’urbanisation tangible, avec la construction de murs bien agencés associés à des sols de terre battue. Si leur localisation n’a pas permis d’établir un plan précis, ils respectent en revanche l’orientation générale de l’îlot urbain. Un fossé à fond plat est aménagé entre cet ensemble et l’est de la domus. La fonction exacte de cette structure linéaire reste encore mal définie, mais il semble qu’elle était destinée à évacuer très rapidement les eaux de pluie, dans la mesure où le terrain est très imperméable.

Pour finir avec l’Antiquité, une série de niveaux de destruction marque très probablement l’abandon de l’habitat dans ce secteur à la fin du IVe s. Le Moyen âge est marqué par l’abandon de l’occupation immobilière et les vestiges reconnus se regroupent en deux ensembles. Si le premier correspond à une série de fosses, d’un fossé ainsi que des restes de solins datés entre les Xe et XIIe s. le second correspond plutôt à des dépôts de « terres noires » localisés sur l’ensemble du site, dont la chronologie semble se situer entre les XIIIe et XIVe s.

La reprise de l’urbanisme dans ce secteur s’effectue à l’époque Moderne avec la construction de bâtiments et de caves associés à des espaces ouverts type jardin. Le visage du quartier évoluera peu jusqu’à la période contemporaine, avec toutefois quelques réaménagements comme la construction d’une cave assez profonde et de fosses septiques, liés au développement du discours d’hygièniste au cours du XIXe s. Progressivement abandonnées après la seconde guerre mondiale, les habitations de la parcelle seront détruites pour laisser la place à un parking dans les années 1970

Revue de presse :

  • Le Dauphiné Libéré 2008 " Les fouilles de la rue Bouffier durent jusqu'à fin juillet. 2000 ans d'histoire... en 2m50 ", Le Dauphiné Libéré. (24/06/2008)
  • Le Dauphiné Libéré 2008 " Les fouilles commencent ", Le Dauphiné Libéré. (11/06/2008)

Bibliographie scientifique :

  • BONNET C, BATIGNE VALLET C., BRUN C., SCHMITT A., SILVINO T., Céramiques de la fin de l'époque augustéenne et du Ier siècle à Valentia et ses campagnes. Valence (Drôme) - Angle des rues d'Arménie et Bouffier, angle rues Balthazar Baro et Quatorze cantons, Saint-Péray - Chavas (Ardèche), in : SFECAG, Actes du congrès de Lyon, 24-27 septembre 2020, Marseille, Sfécag, 2020, 249-268.


Quelques images du site :


Vue générale du chantier

Vue du four (40 av. J.C.)

Lampe à huile de type delphinoïdal (Ier s. av. J.-C.)


Commune : Valence

Adresse/lieu-dit : Angle rue d'Arménie et rue Bouffier

Département/Canton : Drôme

Année de fouille : 2008

Période principale d'occupation : Antiquité

Autres périodes représentées : Moyen Âge,Période moderne,Epoque contemporaine

Responsable d'opération : Tony SILVINO

Aménageur : SCI 3 C Belle image

Raison de l'intervention : Construction de logements/projet immobilier

Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)