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Chartres - Place Drouaise


Une opération de fouille archéologique a été prescrite sur la commune de Chartres (Eure-et-Loir), au 1 place Drouaise. L’emprise a concerné une surface de 4738 m², sur la parcelle cadastrale n°209 de la section CZ.
Cette opération aura permis de situer les premières traces d’anthropisation des lieux entre la fin du règne d’Auguste et l’époque tibérienne ; marquée par une occupation sporadique du secteur, localisée essentiellement le long d’un axe de circulation présent au sud de la fouille.
Des structures drainantes et de canalisation ont été installés durant cette période pour pallier aux ruissellements des eaux, comme l’atteste la présence de fossés au nord-ouest (dont un, déjà dégagé en partie sur la fouille voisine (Gibut, 2010)). Les nombreux cailloutis visibles sur l’ensemble du terrain, servant probablement de sols devaient également contribuer à l’assainissement des lieux.
Dès le milieu du Ier s. (Claude-Néron), l’occupation se densifie avec l’apparition de bâtiments plus structurés et plus cossus (terrazzo et colonnade). Elle s’étend jusque dans la partie nord-ouest du site avec la construction d’une voie orientée grossièrement nord-est/sud-ouest, de dimensions plus importantes que la ruelle présente au sud. Cette voie est à mettre en relation avec celle dégagée lors de la fouille de 2008/2009 (Gibut, 2010). Dans la partie sud, la ruelle perdure et est reconstruite.  Un rehaussement et nivellement a lieu pour l’installation des prochains sols, qui servira également d’assainissement.
C’est à la période flavienne que l’occupation devient la plus dense avec une appropriation générale des espaces et une reconstruction générale. Dans la partie centrale, cette reconstruction est également associée à un rehaussement des sols.
A la fin du Ier s. /début IIe s, l’espace est complètement reconstruit, à nouveau, avec l’apparition plus fréquente de bâtiments maçonnés. Un décaissement général a lieu dans la partie nord pour l’installation de cailloutis correspondant probablement à une grande place pouvant communiquer avec la voie nord.  Au nord des zones 2 et 3, un cailloutis est également présent ; il se développe au nord. Il pourrait également matérialiser une place donnant sur la voie nord ou correspondre à un espace de retournement. Un cailloutis orienté nord-nord-ouest/sud-sud-est semble desservir les bâtiments présents le long de la ruelle sud, pour rejoindre cette « place ». Les différentes constructions s’agencent autour de ces espaces.
A partir du IIe s., les occupations conservées sur le site sont essentiellement des structures en creux et restent ponctuelles. La voie nord semble abandonnée en partie, de grosses perturbations apparaissant dans sa partie ouest.
Deux caves maçonnées sont conservées dans la partie ouest du terrain. Elles sont de bonne facture avec la présence d’enduit ou de joints tirés au fer.  La cave nord a fait l’objet d’un incendie ; incendie repéré et qui semble généralisé sur la parcelle voisine (Gibut, 2010). Sur la présente fouille cet incendie n’a été repéré que dans cette cave, l’autre cave présente plus au sud ne possède aucune trace de rubéfaction, ni sur les murs et sols ni dans le comblement.
L’abandon du secteur semble se situer aux alentours du milieu du IIIe s. ap. J.-C.
Pour l’interprétation, quant à la fonction des différents bâtiments, de manière générale, aucune structure particulière ou mobilier particulier ne peut stipuler d’une activité particulière du quartier. Le mobilier retrouvé montre un caractère résidentiel des lieux avec, pour la céramique toute la panoplie du vaisselier en usage pour l’ensemble des phases étudiées, quant aux petits objets, ils sont essentiellement en lien avec les sphères domestique et personnelle et sont dépourvus d’éléments en lien avec la production. L’ensemble montre un statut social moyen.
Des amphores ont été retrouvées sur la totalité du site mais plus particulièrement dans les zones 4/5 et 9, surtout pour les phases 3, 4 et 5. Cela permettrait d’émettre l’hypothèse de l’existence d’un endroit de stockage voire d’entrepôt dans cette zone, à mettre en relation avec la place, qui serait un lieu d’échange.
L’étude de la faune montre une représentation de la triade domestique habituelle pour les trois premières phases. Cependant, à partir de la phase 4, il semble que les caprinés deviennent l’espèce principale pour la consommation et le bœuf et le porc occupent une place secondaire ce qui reste rare pour ce type d’occupation urbaine et pose donc question.
Notons la présence inhabituelle de 3 fragments distincts d’ours qui pourraient correspondre à des trophées.
Quelques éléments provenant de constructions plus riches ont été trouvés dans des remblais, notamment 3 tesselles et des éléments de placage, dont certains en marbre, qui attestent d’importations auvergnates, pyrénéennes et africaines.
Enfin, deux orientations ont été repérées sur le site durant les différentes phases, avec une orientation nord-nord-ouest/sud-sud-est constante durant les quatre premières phases, puis lors de la phase 5, les orientations prédominantes sont de 45° par rapport aux axes des points cardinaux. Ces deux orientations ont déjà été repérées dans plusieurs endroits de la ville, notamment dans la fouille voisine mais également lord de la fouille du cinéma « les enfants du Paradis ».

Après la dernière occupation antique de ce secteur de la ville, il faut attendre le XIIIe siècle pour le voir être activement investi de nouveau avec la mise en place d’un cimetière et la construction de l’hôpital Saint-Julien. Durant cette période (IIIe-XIIe siècle), un important niveau limoneux brun-noir, interprétés comme des Terres Noires, a été identifié sur une bonne partie de l’emprise investiguée. Son étude stratigraphique a permis de déterminer que ce niveau s’est formé sur une longue période, entre le IIIe siècle et le XIIIe siècle. Au cours de cette phase, la ville s’est repliée sur son centre et les parcelles de ce secteur semblent avoir été mises en culture, ou laissées en friches.
Au cours du XIIIe siècle, une occupation très ponctuelle a pu être mise en évidence. Exclusivement localisée dans la partie méridionale de l’emprise, elle concerne une fosse et une portion de mur très faiblement conservée. Aussi, il est difficile de déterminer la nature de cette occupation. Cet espace continue-t-il à être tourné vers une vocation agricole ou ces quelques vestiges sont-ils les indices d’une installation (habitat privé ?) en bord d’une ancienne voirie placée au sud de l’emprise ?

Par la suite, de 1291 à 1568, le site a été marqué par l’occupation liée à l’hôpital Saint-Julien. Fondé en 1291, par un bourgeois chartrain, Renaud Barbou l’ancien, proche du pouvoir royal, cet établissement religieux était destiné aux aveugles. Il a été installé en dehors de l’enceinte urbaine, à proximité de la route reliant Chartres à Évreux en passant par Dreux.
À proximité du grand bâtiment rectangulaire attribué à l’hôpital, au nord-est, un ensemble important de fosses et silos a été mis au jour. Les datations fournies par le mobilier issu des comblements de ces structures, couplées aux nombreux recoupements stratigraphiques, permettent de penser que ces vestiges témoignent d’une occupation longue comprise entre le XIIIe et le XVIe siècle. Cette période correspond parfaitement à celle de l’occupation de l’hôpital Saint-Julien. Aussi, cet ensemble de fosses et de silos pourrait être interprété comme un espace dédié au stockage des grains, et possiblement d’autres denrées, destinées à la communauté vivant au sein de l’établissement.
Ensuite, la présence d’une zone funéraire doit être évoquée pour cette phase d’occupation du site. Repérée en limite d’emprise, au sud-est, elle se développait largement vers l’est comme en témoignent les résultats du diagnostic de 2011 (Gibut, 2011, p. 87 à 89). En revanche, la limite occidentale du cimetière semble avoir été perçue au cours de l’opération puisqu’aucune sépulture n’a été repérée au-delà du mur 10358. Au nord, la limite pourrait correspondre à celle proposée dans le rapport du diagnostic, dans le prolongement du mur 8234, même si aucun vestige de maçonnerie n’a été reconnu au nord de la tombe 10214 pendant notre intervention. Ainsi, la fouille aurait été menée dans l’angle nord-ouest d’un cimetière se développant actuellement sous la place Drouaise, possiblement jusqu’à l’intersection avec la rue Saint-Maurice dont la présence est attestée durant le second Moyen Âge.
Après la destruction définitive de l’hôpital en 1568, et jusqu’à la moitié du XIXe siècle, la parcelle étudiée a connu une occupation moins dense. Les textes nous informent qu’à partir de 1570, le clos Saint-Julien est loué par la communauté. Quatre ensembles maçonnés, vestiges d’anciens bâtiments, ont été rattachés à cette phase d’occupation. Tous situés dans la moitié orientale de la parcelle, ils caractérisent des constructions mises en place à la fin du XVIe siècle ou dans le courant du XVIIe siècle. Le recoupement de deux bâtiments dans la partie nord de l’emprise témoigne d’une occupation assez courte de ces constructions.
Dans un dernier temps, entre 1853 et 2006, la congrégation des Petites Sœurs des Pauvres a occupé la parcelle. Tout d’abord, elle semble occuper des bâtiments existants en bordure de la rue Saint-Maurice avant de fonder, en 1878, l’important complexe démoli en 2006. Ce dernier était composé d’une chapelle, au nord, accolé au corps de bâtiment principal prolongé de part et d’autre par deux ailes. Au nord-ouest, une série d’annexes construite en L complétait le plan de cet établissement.


Commune : Chartres

Adresse/lieu-dit : Place Drouaise

Département/Canton : Eure-et-Loire

Année de fouille : 2016

Période principale d'occupation : Antiquité,Moyen Âge

Autres périodes représentées : Période moderne,Epoque contemporaine

Responsable d'opération : Mélanie LEFILS

Aménageur : SCI de la Porte Drouaise

Raison de l'intervention : Construction de logements/projet immobilier

Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)