Ternay - Eglise Saint-Mayol
L’église Saint-Mayol de Ternay se dresse sur un promontoire dominant le Rhône, sa silhouette se détachant dans le paysage de la vallée entre Lyon et Vienne. Initialement rattachée à un prieuré placé sous le vocable de Saint-Pierre, cette église paroissiale romane ainsi que les vestiges du cloître attenant sont inscrits au titre des Monuments historiques depuis 1950. En 2020, la municipalité a entrepris une campagne de restauration des toitures de l’église, plus particulièrement celles du transept et du chœur. Dans ce contexte, les parements extérieurs des murs qui soutiennent les toitures impactées par les travaux ont également fait l’objet de restaurations. Ce programme de rénovation, qui comportait aussi des creusements de tranchées, a conduit le Service régional de l’archéologie (SRA) à prescrire une fouille archéologique préventive en accompagnement des travaux. C’est dans ce contexte que l’équipe d’Archeodunum est intervenue, entre novembre 2020 et décembre 2021, en neuf sessions qui ont duré entre 3 et 5 jours.
Les objectifs de l’étude archéologique sont multiples. Il s’agit de caractériser les maçonneries et d’en établir la chronologie relative, tout en recherchant des éléments de datation absolue. L’étude a également pour but de préciser les états de construction successifs et leurs modifications, en prêtant attention aux indices d’occupation antérieure. Par ailleurs, la question des matériaux de construction est centrale au regard de leur diversité apparente. Ensuite, l’église prieurale de Ternay s’inscrit dans un vaste contexte régional de tradition monastique, spécifiquement du fait de son rattachement à Cluny. Il s’agissait donc aussi d’identifier ce en quoi elle reprend les codes et l’esthétique des églises médiévales régionales, particulièrement les prieurales bénédictines, et ce en quoi elle s’en démarque.
En ce qui concerne le contexte d’implantation de l’église romane, l’étude archéologique a révélé qu’un mur antérieur à cette époque avait été conservé sur au moins 7,5 m de haut lors de la construction. Il a peut-être été gardé en élévation de façon à former une clôture entre le cloître au sud et l’espace qui se développait à l’est et au nord de l’église, avant que les bâtiments conventuels n’adoptent le plan qu’on leur connaît aujourd’hui. Presque intégralement détruit, il fut par la suite englobé dans les maçonneries du mur sud de l’actuelle sacristie. Il appartient de toute évidence à un édifice antérieur à l’époque romane et, de fait, on est tentée de l’associer au monastère dont les textes, en particulier le Regeste dauphinois et le Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, attestent la présence à Ternay au plus tard au xe siècle.
Les parties orientales de l’église se sont révélées homogènes, à l’exception des parties hautes qui ont subi de nombreuses reprises successives. L’étude des maçonneries médiévales, toutes chaînées les unes aux autres, a permis de s’intéresser au chantier de construction notamment grâce aux résultats de l’étude pétrographique (Alexandre Polinski). On remarque ainsi que la nature et la répartition des matériaux de construction traduisent un souci d’économie, car ils sont en grande majorité issus du substrat local. Pour autant, les constructeurs connaissaient très bien les propriétés de chaque type de roche, ils ont ainsi utilisé du granite pour les pierres de taille des contreforts et du tuf, plus léger et souple, pour les parties hautes et les voûtes. Les gisements de tuf se trouvent à 30 ou 40 km au nord-est ou au nord-ouest de Lyon, ce qui indique que les bâtisseurs n’ont pas hésité à faire venir de plus loin les matériaux dont ils estimaient avoir besoin. Aussi, ils possédaient un véritable savoir-faire dans la fabrication des mortiers de construction. On a effectivement identifié deux recettes distinctes, une dont la charge sablo-gravillonneuse se caractérise par une granulométrie importante et l’autre dont la charge est sableuse. La première était utilisée pour l’appareil et la fourrure des murs, tandis que la seconde était nécessaire pour lier les pierres de taille des contreforts, des épaulements et de l’abside. Ces deux mortiers étaient gâchés et mis en œuvre de façon concomitante, comme en témoignent les chaînages des éléments bâtis avec l’un ou l’autre de ces mélanges. Par ailleurs, la restitution de l’échafaudage ancré montre que les plateaux se situaient au même niveau d’un mur à l’autre, ce qui constitue une preuve de plus pour affirmer que ceux-ci étaient construits simultanément. Les constructeurs pouvaient donc librement circuler tout autour de l’édifice au cours du chantier. Étant donné les différents types de roches utilisées dans les murs, une telle configuration implique que l’approvisionnement des matériaux était anticipé, il devait y avoir de nombreux lieux de stockage sur place pour les moellons et les pierres de taille. Par ailleurs, au sujet des matériaux de construction, on peut souligner le jeu chromatique propre à chaque façade. Les exemples les plus représentatifs en matière de polychromie de pierres se trouvent en Auvergne et concernent des édifices autrement plus imposants que l’église paroissiale de Ternay, comme Saint-Nectaire ou Notre-Dame d’Orcival pour n’en citer que deux. Le clocher de l’église Saint-André à Saint-Rambert est un des rares spécimens géographiquement proches de Ternay. Plus au nord, on peut aussi citer Saint-Martin d’Ainay et le clocher de l’ancienne église de Sainte-Foy-lès-Lyon, qui se caractérisent par un décor en bichromie grâce à des assises de briques. Malgré ces points de comparaison on ne trouve pas, dans un rayon géographique proche, de lieu où la recherche de polychromie des matériaux est aussi aboutie qu’à Saint-Mayol.
La surveillance archéologique de tranchées a permis de mettre au jour de nombreuses inhumations au nord de l’église. Toutes ont été localisées en plan et topographiées, mais seules celles impactées par le projet ont été fouillées, prélevées et étudiées (David Gandia). La réalisation d’une datation radiocarbone sur le squelette le plus ancien de la stratigraphie révèle une fourchette chronologique comprise entre 1035 et 1204, confirmant l’occupation de ce secteur comme lieu d’inhumation dès le Moyen Âge.
Enfin, au fil des siècles, les parties orientales de l’église ont subi quelques transformations, principalement localisées en partie haute. On a effectivement constaté que les corniches avaient été reprises ainsi que toutes les toitures et, ponctuellement, les voûtes.
Quelques images du site :
Commune : Ternay
Adresse/lieu-dit : Eglise Saint-Mayol
Département/Canton : Rhône
Année de fouille : 2020
Période principale d'occupation : Moyen Âge,Période moderne
Responsable d'opération : Camille COLLOMB
Aménageur : Ville de Ternay
Raison de l'intervention : Restauration des toitures et des murs du chevet, des bras du transept et de la sacristie
Type de chantier : Etude du bâti (Fouille préventive)
Notice de présentation brut de fouille :