Notice_site

Reims - Palais du Tau


Une salle de l'époque carolingienne et son évolution au Moyen Âge

L’étude archéologique des murs de la salle basse du Palais du Tau apporte de nouvelles connaissances sur l’évolution des formes de la demeure des archevêques de Reims. Les maçonneries les plus anciennes identifiées datent de l’époque carolingienne, entre la fin du IXe et la fin du Xe siècle, fourchette que l’on peut resserrer autour du début du Xe siècle et de l’archiépiscopat de Séulf (922-925). Les vestiges correspondent à un vaste bâtiment, d’au moins 24 m de long par 11,40 m de large. Les parements intérieurs des murs EST et OUEST étaient munis d’arcades en plein cintre retombant sur de larges piliers, qui devaient sans doute être des arcatures aveugles. Afin de vérifier cette hypothèse, il conviendrait d’étudier les parements externes des murs de la salle basse, ou bien de sonder les bouchages des arcades. Cette grande salle appartenait à la demeure épiscopale et, du fait de ses dimensions imposantes et du caractère ostentatoire de ses arcades, elle peut être interprétée comme un lieu public de démonstration du pouvoir de l’archevêque. Il s’agirait alors de l’aula. L’étude montre que les arcades du bâtiment sont murées par la suite, les travaux comportent aussi l’aménagement de fenêtres dans le mur EST. D’après les résultats des datations radiocarbones, ce bouchage eut lieu au Xe siècle. Peut-être correspond-il au déménagement de l’aula vers un étage supérieur, alors que la salle du rez-de-chaussée perd sa fonction et, partant, son caractère ostentatoire.
Toutes ces maçonneries anciennes portent les traces d’un incendie. Les pierres ont rougi, éclaté, se sont fissurées et certains mortiers semblent très érodés. Il pourrait s’agir de l’incendie très destructeur du début du XIIIe siècle, qui a entrainé la reconstruction de la cathédrale et du palais (Desportes 1983). Les colonnes de l’espace SUD, aux corbeilles ornées de légères feuilles d’eau, s’apparentent stylistiquement à la sculpture des XIIe-XIIIe siècle. Elles pourraient donc avoir été édifiées après l’incendie de 1210. On remarque néanmoins une nette différence stylistique entre la sculpture de l’espace SUD, emprunte des codes du roman, et celle adoptée au XIIIe siècle pour la cathédrale et la chapelle palatine, dont la végétation foisonnante en relief appartient au vocabulaire du gothique. Il est donc plus probable que les colonnes conservées dans l’espace SUD soient antérieures au XIIIe siècle. Ces colonnes sont, quoi qu’il en soit, antérieures à celles de l’espace NORD, qui furent reconstruites au XVe siècle par l’archevêque Guillaume Briçonnet. Ce dernier aurait alors restauré un dispositif de voûtes d’ogives déjà en place, en affichant son blason dans les clefs de voûte.
Le plan en "T", évoqué en 1138 à travers la mention de « Palatium Tau », trouve donc une correspondance dans les vestiges archéologiques de la salle basse. On ignore comment s’achevait à l’origine le bâtiment à arcades au SUD, mais au début du XIIe siècle au plus tard un édifice perpendiculaire lui est adjoint. Ensemble, ces deux corps de bâtiment forment respectivement l’haste et la barre du "T". À l’origine, cette dernière (espace SUD) se développait davantage vers le SUD. Des grilles métalliques étaient positionnées entre les colonnes, mais on ignore s’il s’agit d’un dispositif d’origine. Ces fermetures étaient peut-être une étape intermédiaire avant la réalisation d’un mur fermant définitivement la salle au SUD, suivant sa limite actuelle. À la même époque, dans le second quart du XIIe siècle, le palais épiscopal d’Angers dit « Palais du Tau » est reconstruit suivant un plan identique (Renoux 1995). La comparaison avec son homonyme rémois ne s’arrête pas là, tout d’abord ses dimensions de 26 m de long par 10 m de large sont similaires à celles restituées pour l’espace NORD (au moins 24 m de long par 11,40 m de large). Ensuite, le palais d’Angers se développe sur deux niveaux et l’étage inférieur se compose de deux nefs voûtées d’arêtes. Ces dernières retombent sur des colonnes libres ou engagées, appareillées et munies de chapiteaux romans. Les deux édifices présentent donc de nombreux points de similitude, autour de caractéristiques fréquentes dans les palais du XIIe siècle. On connaît effectivement plusieurs exemples de palais de cette époque qui se développent sur deux niveaux et dont la salle basse est voûtée, comme à Paris et à Meaux (Crépin-Leblond 2001). Les formes adoptées à Reims sont donc couramment utilisées dans les demeures épiscopales du Moyen Âge, en tout cas pour ce qui est de la salle basse. Il serait intéressant d’entreprendre l’étude archéologique de la salle haute, où se trouvent peut-être encore des maçonneries médiévales malgré les destructions de la Première Guerre mondiale. Une telle étude permettrait notamment de mieux connaître le bâtiment carolingien en étudiant ses parties hautes. Aussi, une étude globale des vestiges du palais, comme la chapelle et les caves, permettrait de mieux cerner l’articulation de ces éléments avec l’aula et leur évolution au fil des siècles.



Quelques images du site :


Étude en cours de la salle basse

La salle basse et ses voûtes du XVe siècle

Relevés archéologiques phasés des murs de la salle basse


Commune : Reims

Adresse/lieu-dit : Palais du Tau

Département/Canton : Marne

Année de fouille : 2023

Période principale d'occupation : Moyen Âge

Autres périodes représentées : Période moderne,Epoque contemporaine

Responsable d'opération : Camille COLLOMB

Aménageur : Centre des Monuments Nationaux

Raison de l'intervention : Etude de bâti de la salle basse du Palais du Tau

Type de chantier : Etude du bâti (Prestation)