Dans les profondeurs de la place des Carmes

Dans les profondeurs de la place des Carmes

2000 ans d’histoire révélés par l’archéologie à Clermont-Ferrand

De mai à décembre 2024, le quartier des Carmes à Clermont‑Ferrand a été le théâtre d’une nouvelle campagne de fouilles archéologiques. Cette seconde intervention, menée en amont du réaménagement de la place, prolonge une première exploration réalisée en 2019 devant le siège de l’entreprise Michelin. Ensemble, ces chantiers ont permis d’étudier près de 4600 m², révélant l’histoire multimillénaire de ce secteur, depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge (fig.1).

Fig.1 : Vue du chantier archéologique depuis l’avenue Georges Couthon.
Fig. 2 : Plan des vestiges. a : époque romaine
b : Haut Moyen Âge
c : Moyen Âge

Aux portes de la ville romaine d’Augustonemetum

L’une des découvertes majeures concerne une rue romaine, d’axe nord-sud, située dans la continuité d’un des axes déjà reconnus au sein de la ville d’Augustonemetum (fig. 2a). Elle est bordée de trottoirs, de réseaux hydrauliques et d’un long bâtiment sur caves (fig. 3 et 4). Ces aménagements, datant du début du Ier siècle après J.-C., témoignent de l’urbanisation rapide du secteur, aux portes de la ville antique. Au fil du temps, le quartier se densifie, évoluant jusqu’au IIIe siècle avec des constructions s’éloignant peu à peu des axes orthonormés caractéristiques de l’urbanisme de la ville.

Fig. 3 : Au coeur d’une cave romaine.
Fig. 4 : Conduite en terre cuite romaine (diamètre tuyau : 7 cm).
Fig. 5 : Lampe à huile intacte.

Une résurgence au haut Moyen Âge

Durant l’Antiquité tardive, la ville se rétracte et le secteur est délaissé. Le haut Moyen Âge (VIe – IXe siècles) marque une réoccupation (fig. 2b). De modestes bâtiments excavés, installés sur les anciennes rues romaines, suggèrent un changement d’usage (fig. 6). Des analyses portant sur les sols en terre battue, remarquablement conservés, pourraient livrer des indices sur leur fonction : habitat, artisanat ou autre activité.
Plus au nord, une aire funéraire a été mise au jour près de l’actuel parvis de l’église des Carmes. Les sépultures, dépourvues d’objets, restent difficiles à dater, mais des analyses au radiocarbone sont en cours pour en apprendre davantage sur ces quinze individus anonymes (fig. 7).

Fig. 6 : Les modestes traces d’un habitat partiellement enterré.
Fig. 7 : Deux squelettes, endommagés par des conduites modernes.

Dans l’orbite de l’abbaye de Chantoin

Le Moyen Âge central (autour du XIIe siècle) voit l’émergence de bâtiments maçonnés, probablement liés à l’abbaye de Chantoin voisine (fig. 2c). Les constructions sont souvent puissantes, avec des murs larges de près d’un mètre. Des espaces excavés suggèrent une vocation de stockage. Cette hypothèse est renforcée par la découverte de près de 60 silos enterrés – des fosses en forme de poire destinées à conserver des céréales (fig. 8). Cette aire d’ensilage, complétée par les 22 silos identifiés en 2019, pourrait témoigner d’une activité agricole ou artisanale, peut-être en lien avec les moulins longeant le ruisseau de la Tiretaine.

Fig. 8 : Au premier plan, un silo à la forme ventrue.
Fig. 9 : Décapage quelques centimètres sous le tablier du viaduc.

Une ville qui se raconte

Ces fouilles, réalisées malgré les défis d’un contexte urbain (en partie sous un viaduc ! fig. 9), offrent une vision précieuse de l’évolution de Clermont-Ferrand. Elles retracent les dynamiques de croissance et de repli de la ville antique, tout en éclairant le rôle de cette zone périurbaine à l’époque médiévale. Les analyses lors de la post-fouille permettront bientôt de valider ou de nuancer les hypothèses avancées, poursuivant ainsi le dialogue entre passé et présent.

Opération d’archéologie préventive conduite de mai à décembre 2024 sur la place des Carmes-Déchaux à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), en préalable à la création d’un jardin arboré, d’une aire de jeux et à la requalification du parvis de l’église.

Prescription et contrôle scientifique :
Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : Clermont Auvergne Métropole

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable : Jérôme Besson

Équipe de terrain

    • Jérôme Besson* (RO)
    • Stéphane Bas*
    • Suzon Boireau*

Équipe de Post-Fouille

  • Géraldine Camagne
  • Geoffrey Leblé
  • Guillaume Lépine