C’est un jardin (de Cybèle) extraordinaire

C’est un jardin (de Cybèle) extraordinaire

Découvertes archéologiques au cœur de Vienne

Entre septembre 2023 et mars 2025, une opération d’archéologie préventive au long cours s’est déroulée dans un cadre exceptionnel : le jardin de Cybèle, à Vienne, inscrit au titre des Monuments historiques. Sous la supervision de la DRAC, une équipe Archeodunum a alterné des phases de fouilles approfondies et le suivi des travaux d’aménagement. Le site a livré une moisson de vestiges inédits – preuve que ce lieu exploré depuis longtemps recèle encore bien des richesses patrimoniales (fig. 1).

Fig.1 : Dégagement d’un bloc portant une inscription.
Fig. 2 : Plan des vestiges.
Fig. 3 : Amphores du ier s. av. J.-C.

Un quartier antique au tissu urbain dense

L’opération s’est inscrite dans un secteur majeur de la Vienne romaine, à deux pas du forum et de la basilique civile dont les arcades monumentales sont encore visibles (fig. 2, n° 1). Au centre de l’actuel jardin se trouve un édifice interprété comme la curie, lieu de réunion du conseil municipal dans l’Antiquité (n° 2). Au sud, des terrasses successives accueillent aussi bien des
édifices publics (n° 3) que des maisons privées, notamment la domus dite « aux oscilla » (n° 4).

Des artisans allobroges aux prémices de la ville romaine

Sous moins de 50 cm de recouvrement, les archéologues ont mis au jour des traces d’un quartier artisanal actif aux IIe et Ier siècles av. J.-C. — époque où la cité allobroge se romanise. On y observe des sols brûlés, des murs en pierre sèche, des fosses remplies de ratés de cuisson de céramiques et d’amphores à vin italiennes (fig. 3). Certaines portent la marque de fabricants
originaires de Cosa, colonie romaine d’Italie réputée pour sa production d’amphores (fig. 4).

Fig. 4 : Marque de fabricant sur une amphore, indiquant une provenance d’Etrurie.
Fig. 5 : Le vestibule d’accès à la domus aux oscilla, en cours d’exploration.
Fig. 6 : Une nouvelle mosaïque a été découverte au sud de la domus aux oscilla.

Une transformation urbaine progressive

À l’époque augustéenne, le quartier se restructure et les anciens aménagements gaulois cèdent la place à une architecture plus monumentale. De nouvelles constructions sont érigées, puis remplacées à l’époque claudienne (vers 50 ap. J.-C.) par l’imposante curie. Au sud, les fouilles ont mis au jour plusieurs états d’un bâtiment qui subit deux incendies avant de laisser place à la domus aux oscilla, reconstruite et embellie jusqu’au IIIe siècle (fig. 5). À côté, un fragment de mosaïque indique l’existence d’une autre maison (fig. 6 et fig. 2, n° 5).

Le portique et sa fontaine disparue

Devant la domus, un portique monumental longeait l’ancienne rue. Composé de bases calcaires supportant des colonnes, il servait d’appui à une fontaine aujourd’hui disparue (fig. 7 et fig. 2, n° 6 ). Seuls subsistent une conduite en plomb et un égout d’évacuation, ainsi que la fondation soutenant cette fontaine. Fait remarquable, ce massif était formé de blocs de remploi, certains ornés d’inscriptions gravées : des fragments de piédestaux ayant autrefois porté des statues honorifiques.

Une élite antique gravée dans la pierre

Parmi les inscriptions, plusieurs noms de notables émergent. Sextus Julius Italicus et Lucius Julius Fronto sont cités, mais ce sont Titus Decidius Domitianus et sa femme Licinia Optatina qui retiennent l’attention (fig. 8 et fig. 9). Lui fut quattuorvir1, magistrat influent ; elle, prêtresse du culte impérial, officiant au temple tout proche d’Auguste et de Livie. À noter : leurs statues ont été offertes non par les habitants de Vienne, mais par ceux du vicus Boutidurum — l’actuelle Annecy — attestant de forts liens régionaux.

Fig. 7 : Les fondations de la fontaine en grands blocs de taille.
Fig. 8 : Bloc avec une inscription mentionnant Titus Decidius Domitianus
Fig. 9 : L’inscription de Titus Decidius Domitianus.

Ce n’est qu’un début

Les recherches menées au jardin de Cybèle offrent une nouvelle lecture de ce haut lieu de l’histoire viennoise. L’analyse fine des vestiges, en cours, par plusieurs spécialistes, permettra de mieux comprendre les dynamiques urbaines, artisanales et politiques de la cité entre le IIe siècle av. J.-C. et le IIIe siècle de notre ère.

Notes.

1 – Les quattuorviri sont un groupe de quatre magistrats les plus importants de la cité.

Opération d’archéologie préventive conduite de septembre 2023 à mars 2025 sur la commune de Vienne, dans le cadre de la requalification du parc archéologique du Jardin de Cybèle.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : Ville de Vienne

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable : Elio Polo

Équipe de terrain & de Post-Fouille

  • Elio Polo (RO)
  • Kilian Blanc
  • Christina Popova
  • Jerome Grasso
  • David Baldassari
  • Camille Nouet
  • David Gandia