Des squelettes dans la cave : archéologie funéraire à Corbeil-Essonnes

Des squelettes dans la cave

Archéologie funéraire à Corbeil-Essonnes

Durant l’hiver 2023-2024, une équipe d’archéologues a mené une fouille dans la cave d’un pavillon du quartier Montconseil à Corbeil-Essonnes (fig. 1). Cette opération a été prescrite par le Service Régional de l’Archéologie d’Île-de-France. Elle fait suite à la découverte fortuite de squelette, alors que le propriétaire réalisait des travaux de rénovation dans son sous-sol. Les quatre pièces de la cave ont été fouillées, pour une surface de 52 m².

 

Fig.1 : Fouille d’une sépulture à l’aide d’un outillage spécialisé. Le contexte d’intervention a nécessité un éclairage artificiel.
Fig.2 : Plan des vestiges dans la cave.

Un cimetière mal connu

Ce propriétaire n’est pas le premier du quartier à faire une macabre découverte. La présence d’un cimetière du début du Moyen Âge dans ce secteur est connue depuis longtemps. Plusieurs sarcophages en plâtre, typiques de cette période, ont été découvert depuis le XIXe siècle. Les érudits ont alors supposé que ces inhumations étaient liées à la chapelle Notre-Dame-des-Champs, qui aurait été construite au VIIe siècle sur un temple païen honorant une source. Mais il ne subsiste aucune trace de ces constructions, et les sépultures de ce cimetière n’avaient jusque-là jamais pu faire l’objet d’une étude scientifique.

Des tombes bien rangées

La fouille a permis de découvrir 38 sépultures réparties dans les quatre pièces de la cave (fig. 2). Malgré plusieurs affleurements rocheux, les sépultures ont été disposées selon des rangées parallèles, qui ont perduré durant les sept siècles d’utilisation du cimetière, entre le IIIe et le Xe siècle après J.-C. Elles ont à peine été décalées vers l’est entre la fin de l’Antiquité et le début du Moyen Âge.

Fig.3 : Sépulture antique en cours de fouille. Si les planches ont disparu, des traces de bois et des clous permettent de restituer la manière dont les défunts ont été enterrés.
Fig.4 : Les tombes font l’objet d’un dessin minutieux

Des découvertes plus anciennes que prévu

Ce cimetière est plus ancien que ce que les érudits du XIXe siècles supposaient. Les premières inhumations datent de la fin de l’Antiquité. Cela prouve la vocation funéraire de ce secteur bien avant la construction de la chapelle. Durant le Bas-Empire, les défunts sont enterrés allongés, sur le dos, dans un coffrage en bois déposé dans une fosse profonde (fig. 3).

Des sarcophages mérovingiens

Au début du Moyen Âge, les pratiques funéraires évoluent. Les défunts sont désormais enterrés dans des sarcophages en plâtre. Cette pratique est très répandue en Île-de-France. Les cuves sont parfois ornées de décors sur les parois extérieures. À Corbeil, dix sarcophages ont été découverts (fig. 4). Aucun ne porte de décors, ils renferment tous un seul défunt – alors qu’il est courant d’en trouver plusieurs. Les sarcophages sont disposés côte à côte en « éventail » (fig. 5)

Fig.5 : Les sarcophages de la pièce 1 en cours de fouille.
Fig.6 : Croix et rosace gravées sur les deux faces d’un bloc recouvrant une tombe.

Une pierre singulière

L’un des sarcophages était surmonté d’un bloc de pierre tendre, taillé et sculpté. Ce bloc n’est pas complet et il est difficile de lui restituer sa forme d’origine. On peut toutefois distinguer une partie de rosace, tandis que la face opposée possède une croix latine et une croix inscrite dans un cercle (fig. 6). Ces motifs sont régulièrement présents sur les sarcophages en plâtre et évoquent le domaine funéraire, mais également les ornements qui peuvent figurer sur les façades des lieux de culte chrétiens.

Après la fouille

Les squelettes vont être analysés en laboratoire. Les spécialistes vont déterminer le sexe des individus, leur âge au décès et leurs conditions de vie. La position des ossements et du mobilier dans la tombe sera étudiée afin de préciser les gestes qui ont entouré la sépulture : comment est-elle constituée, comment le mort est-il déposé dans la fosse, y a-t-il eu des réouvertures ?

Plus généralement, l’objectif est de mieux connaître la population qui vivait ici durant l’Antiquité et le Moyen Âge, mais également de comprendre l’évolution des traditions funéraires au cours de ces périodes. Les résultats seront présentés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Opération d’archéologie préventive conduite à l’hiver 2024 sur la commune de Corbeil-Essonnes dans le quartier Montconseil, en préalable à la rénovation de la cave d’un pavillon particulier.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Île-de-France

Maîtrise d’ouvrage : Particulier

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Clément Viau)