Archives de catégorie : Epoque moderne-contemporaine

Aux portes de la Bretagne, le châtelet d’Ancenis se révèle

Aux portes de la Bretagne, le châtelet d’Ancenis se révèle

En 2024, la mairie d’Ancenis Saint-Géréon (Loire-Atlantique) s’est engagée dans la restauration et la réhabilitation du châtelet, ancienne porte d’entrée du château constituée d’un couloir voûté flanqué de deux tours. À terme, l’objectif est de rendre l’édifice accessible au public. Avant de bâtir son projet de restauration, l’architecte du patrimoine avait besoin des premières clés de compréhension de l’histoire architecturale du monument. Cette mission de quelques jours, confiée à Archeodunum, a permis d’éclairer les grandes phases qui ont ponctué la vie de l’édifice. 

Fig. 1 : Le châtelet d’Ancenis vu depuis le sud-est. On distingue la terrasse de tir au sommet de la tour sud.
Fig. 2 : Plan d’Ancenis vers 1811. Le châtelet est en jaune, et on devine l’emprise du château disparu. Extrait du cadastre napoléonien.
Fig. 3 : Vue du château d’Ancenis au bord de la Loire. Turner, vers 1830, The Fitzwilliam Museum.

Ancenis au Moyen Âge : une place-forte des marches de Bretagne

À l’époque médiévale, la Bretagne est un duché autonome, rival du royaume de France. Les zones frontalières cristallisent alors les conflits : du nord au sud, sur environ 250 km, des châteaux sont édifiés sur des points stratégiques. Située le long de la Loire, axe commercial important et avant-poste de Nantes, la ville d’Ancenis joue un rôle crucial dans la défense des frontières tout au long du Moyen-Âge. Son château y apparaît comme un indispensable pivot du dispositif défensif mis en place le long de la frontière bretonne (Fig. 2 et 3).

Avant le châtelet : une première tour

Si le secteur du châtelet avait déjà fait l’objet d’investigations archéologiques (un diagnostic en 2004, une fouille aux abords en 2015), l’édifice proprement dit restait à étudier (fig. 4). Et c’est une riche histoire que révèlent ses maçonneries ! Nos archéologues ont pu montrer qu’à cet emplacement existait une première tour, qui a ensuite servi de base à la partie sud du châtelet. Ce premier édifice, qui reste à dater, est aujourd’hui conservé en plan sur une moitié seulement, et sur deux niveaux. Le sous-sol accueillait une salle de stockage voûtée, et une fosse à latrines. Au-dessus, deux pièces à vivre équipées de cheminées, éclairées par une baie, témoignent de la fonction résidentielle de l’ensemble (fig. 5).

Fig. 4 : Plan du châtelet avec ses dispositifs de défense. Les maçonneries de la tour primitive sont en rouge.
Fig. 5 : Une des cheminées de la tour primitive.
Fig. 6 : Porte charretière et porte piétonne équipées de pont-levis.

Le châtelet (fin du XVe siècle) : une construction innovante en période troublée

C’est sans doute au cours de l’un des épisodes de conflit entre la France et la Bretagne que la tour d’origine est partiellement détruite. La moitié restante, toujours fonctionnelle, est intégrée dans un châtelet, construit entre 1488 et 1503. Ce nouveau dispositif sert de défense avancée et d’accès au château. Le passage d’entrée adopte un plan en chicane, une configuration qui apparaît comme innovante – ou singulière – pour l’époque. Il est défendu par un double pont-levis et par une herse (fig. 6-7 ; voir fig. 4). Au sommet des tours, les adaptations les plus récentes à l’artillerie sont également déployées, notamment grâce à des terrasses dotées de canonnières typiques de la dernière décennie du XVe siècle (voir fig. 1).

Une topographie transformée

L’histoire récente du château est marquée par de nombreuses destructions, et le châtelet est un des derniers bâtiments qui matérialisent l’ancienne puissance du lieu. En contrebas des anciennes fortifications, le comblement du fossé (autrefois large de 20 m et profond d’au moins 10 m !) a fortement transformé la physionomie du site et de ses abords. Du fait de ces remblaiements, seule la partie supérieure du châtelet demeure visible, alors que ses tours s’enfoncent encore de plusieurs mètres sous le sol d’aujourd’hui (fig. 8).

Fig. 7 : Entre les voûtes, la rainure de la herse rappelle la défense du lieu, tandis que les culots sculptés témoignent du soin apporté à l’ornementation.
Fig. 8 a : Vue du châtelet en 1842, avant le comblement du fossé (Touchard-Lafosse, La Loire historique pittoresque et biographique de la source de ce fleuve à son embouchure dans l’océan, 1851, p. 296). Les tours et l’entrée sont encore intégralement visibles.
8 b : Le châtelet aujourd’hui. La comparaison des deux images met en évidence le changement de topographie.

Des données précieuses pour guider la restauration

Les résultats archéologiques vont désormais nourrir le projet de restauration de l’architecte du patrimoine. Selon les orientations et les interventions qui seront décidées, de nouvelles investigations archéologiques pourraient être menées, notamment depuis des échafaudages, pour être au plus près des maçonneries et enrichir davantage la compréhension du châtelet d’Ancenis.

Fig. 9 : Les archéologues se sont également rendus dans les fondations de la tour sud.

Opération d’archéologie programmée conduite en octobre 2024, sur la commune d’Ancenis Saint-Géréon, en préalable au projet d’aménagement du châtelet.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie des Pays-de-la-Loire

Maîtrise d’ouvrage : Commune d’Ancenis Saint-Géréon
Architecte du patrimoine : Claire Dukers, cabinet Post

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable : Margaux Lainé

Lausanne, des inhumations au collège Saint-Roch

Lausanne, des inhumations au collège Saint-Roch

La découverte fortuite d’ossements humains au pied de la façade sud du collège Saint-Roch de Lausanne au cours des travaux de rénovation a occasionné une intervention de sauvetage menée entre 2021 et 2022. Celle-ci s’est déroulée à l’extérieur (cour sud) et à l’intérieur (sous-sol) du bâtiment. Au final, l’opération a livré 117 structures funéraires et 13 aménagements antérieurs au cimetière : constructions semi-enterrées, trous de poteau, canalisations, etc. 

Avant le XVIIIe siècle, archéologie d’un site extra-muros

Localisée hors de l’enceinte médiévale, la parcelle apparaît pour la première fois sur un plan du 17s. Située entre l’hôpital Saint-Roch et sa chapelle au nord et la Tour de l’Ale au sud, elle a une fonction agricole (verger, champs) et semble exempte de construction jusqu’à la mise en fonction d’un cimetière à la fin du 18e s. Toutefois, le changement d’affectation du site intervient à une période antérieure, comme le montrent les données archéologiques. Dans l’emprise de la cour sud du collège, une portion de structure fossoyée (fond de cabane ?), associée à plusieurs trous de poteau englobe un système d’évacuation d’eau (Fig. 1). Le tracé d’une fosse similaire a été mis en évidence dans le prolongement, à l’intérieur d’un local en sous-sol du collège, mais elle n’a pas été fouillée. Dans l’hypothèse où ces deux entités n’en forment qu’une seule, elles dessinent un aménagement long de 13 m environ et large de 4 m. Complètement libre de sédiment et sans fond aménagé, la canalisation est constituée de deux piédroits en moellons équarris, surmontés d’une couverture de petites dalles et de blocs (Fig. 2). Le tout est recouvert d’un amas drainant de galets, qui a livré un récipient en céramique datant au plus tôt du 16e s. Encore inexpliquée, la fonction de ce dispositif est peut-être à rapprocher d’un lavoir.

Fig. 1 : Système d’évacuation d’eau implanté dans un fond de cabane.
Fig. 2 : Détail du système d’évacuation d’eau.

Un cimetière des XVIIIe-XIXe siècles

Connu par les archives, le cimetière est ouvert le 24 mai 1792 hors du périmètre habité. Totalement saturé en mars 1800 déjà et devant respecter le délai de 20 ans entre deux cycles d’inhumation, l’espace est étendu au terrain attenant acquis à cet usage. Trente ans plus tard, le problème se pose à nouveau. Progressivement englobé dans la trame urbaine, le cimetière est fermé vers 1830, des décrets stipulant qu’aucun cimetière ne peut être établi à l’intérieur d’une agglomération (1810-1812). Un nouveau cimetière est mis en fonction en janvier 1832 à moins de 500 m à l’ouest, à l’emplacement de l’actuel Parc de la Brouette.

Gestion de l’espace funéraire

Bien que l’intervention n’ait concerné que des portions restreintes du cimetière, elle a mis en évidence quelques aspects concernant la gestion de l’espace. Le secteur fouillé n’a connu que deux cycles d’inhumation. Les fosses sont disposées bout à bout en suivant des lignes axées nord-ouest/sud-est (Fig. 3 & 4). Cette organisation n’est pas sans rappeler le système de tranchées utilisé au Parc de la Brouette. Les défunts, qui reposent dans des cercueils cloués, ont la tête placée au nord-ouest. Certains sont enveloppés dans un linceul. Une seule sépulture se distingue par son orientation nord-est/sud-ouest et par la quantité de mobilier associé (50 boutons métalliques, 2 boucles de botte, 1 épingle et 1 éventuel briquet à percussion). Le problème récurrent de saturation de l’espace a été contourné en intercalant des tombes entre les lignes et en creusant des fosses plus profondes accueillant jusqu’à trois cercueils superposés.

Fig. 3 : La cour sud en cours de fouille.
Fig. 4 : Plan des vestiges.

Une occupation antique ?

Notons la découverte d’un fragment de céramique romaine brûlée (pied annulaire de sigillée) et de quelques esquilles d’os crémés (identification humaine non possible), disséminés dans les comblements de plusieurs sépultures, qui témoignent pour la première fois d’une possible présence à l’époque romaine dans le secteur.

Fouille de sauvetage menée d’octobre 2021 à aout 2022 à la suite de la découverte fortuite d’ossements dans le cadre de la rénovation du collège Saint-Roch.

Prescription et contrôle scientifique :
Archéologie cantonale du canton de Vaud

Opérateur archéologique : Archeodunum SA

Responsable : Sophie Thorimbert

L’Hôtel-Dieu à livre ouvert : investigations archéologiques sous la future bibliothèque métropolitaine de Clermont-Ferrand

L’Hôtel-Dieu à livre ouvert

Investigations archéologiques sous la future bibliothèque métropolitaine de Clermont-Ferrand

Entre novembre 2020 et août 2022, une fouille préventive a permis d’explorer le cœur historique de Clermont-Ferrand. Inscrits dans le projet d’aménagement de la nouvelle Bibliothèque métropolitaine et financés par Clermont Auvergne Métropole, les travaux ont investi le complexe de l’Hôtel-Dieu, ancien centre hospitalier et bâtiment  emblématique de la ville (fig. 1), datant des années 1770. Les archéologues ont découvert une portion de la ville romaine, ainsi que les vestiges très bien conservés d’un faubourg médiéval et moderne situé au sud de l’agglomération.

Fig.1 : Les archéologues ont exploré l’ensemble de la Cour d’honneur de l’Hôtel-Dieu.
Fig. 2 : Plan des vestiges par grande phase (époque romaine, Moyen Âge, époque moderne)

Aux origines de Clermont-Ferrand

La fouille se situe sur le versant sud-ouest de la butte volcanique de Clermont-Ferrand, où la ville d’Augustonemetum est fondée à l’aube de notre ère. Le site aurait été choisi avant tout en raison de son potentiel scénographique, que les architectes et urbanistes romains ont savamment mis à profit à travers une organisation en terrasses et une trame orthogonale, encore partiellement lisible dans la ville actuelle. La mise en scène se joue aussi sur les reliefs alentours, où sont placés des lieux de culte, sur lesquels prime le grand temple de Mercure au sommet du puy de Dôme.

Ni centre-ville, ni banlieue

L’exploration du futur « jardin de lecture » a livré une portion d’urbanisme située à la frange sudoccidentale de la ville antique (fig. 2). Nous nous trouvons en bordure d’un îlot ouvrant sur une rue d’axe nord-sud, généralement considérée comme la limite ouest du centre urbain. Équipée d’abord d’un fossé bordier, puis d’un collecteur maçonné, la voie est doublée par un ample trottoir en terre battue, qui prendra ensuite la forme d’un portique, faisant l’articulation avec l’espace bâti attenant.

Fig. 3 : Sous le futur « jardin de lecture », fouille d’un quartier romain.
Fig. 4 : Applique en céramique représentant un personnage barbu (5 cm).

Espaces de travail et lieux d’habitation

De ce noyau de construction, on ne peut observer que la partie sur rue, où se trouvent des espaces voués à des activités artisanales et/ou commerciales (fig. 3). Les lieux d’habitation étaient sans doute à l’arrière, voire à l’étage. L’ensemble du mobilier mis au jour nous situe entre le début du Ier et le milieu du IIIe siècle de notre ère (fig. 4). Le site sera ensuite abandonné, à l’exception de la voie, qui continue à fonctionner après l’incendie et la démolition du portique.

Un nouvel essor à la fin du Moyen Âge

Après plusieurs siècles d’abandon, un nouveau quartier est bâti à l’extérieur du rempart médiéval dans la seconde moitié du XIVe siècle. C’est à l’est du site, dans la Cour d’honneur, que cette phase architecturale a laissé les traces les plus tangibles (fig. 2). Les orientations demeurent celles de l’époque romaine. L’espace est structuré par un chemin nord-sud, cerné par des parcelles abritant un ou plusieurs bâtiments. La plupart d’entre eux comportent un fond excavé encadré par des murs en pierre sèche. De l’autre côté du site, en contrebas, le tracé de l’ancienne voie romaine est probablement emprunté par un chemin rural.

Fig. 5 : À l’époque moderne, les sols extérieurs sont soigneusement pavés.
Fig. 6 : Aux XVIIe-XVIIIe siècles, ce bassin long de 10 m était installé en bordure de rue.

Le faubourg moderne

plus tard, avant la moitié du XVe siècle. Son empreinte conditionnera néanmoins fortement le développement de la ville moderne. Entre la fin du XVIIe et le milieu du XVIIIe siècle, l’infrastructure urbaine demeure ainsi celle du Moyen Âge. On distingue plusieurs lotissements mêlant constructions, espaces ouverts et structures hydrauliques (fig. 2, 5, 6 et 8). Dans leur ensemble, ces biens seront rachetés durant les années 1760, pour faire place au nouvel Hôtel‑Dieu, déménagé depuis son ancien emplacement du quartier des Gras (fig. 1 et 7).

La fouille comme point de départ…

La moisson d’informations recueillie par l’équipe d’Archeodunum pendant 10 mois de terrain apporte un nouvel éclairage sur la très longue histoire de ce quartier clermontois. Rendez-vous donc au laboratoire pour la suite des investigations ! Une quinzaine de spécialistes de différentes disciplines vont mener des études pour affiner les données du terrain. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport qui sera ensuite remis à l’État.

Fig. 7 : La construction de l’Hôtel-Dieu (1770) a nécessité de puissants remblais, visibles sous la forme de couches obliques au pied des murs.
Fig. 8 : Fouille minutieuse d’un pavement.

Opération d’archéologie préventive conduite de novembre 2020 à août 2022 à l’Hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), en préalable à la création d’une bibliothèque.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Maîtrise d’ouvrage : Clermont Auvergne Métropole

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable :Marco Zabeo

Équipe de terrain

  • Marco ZABEO* (RO)
  • Miguel RODRIGUEZ*
  • Killian BLANC*
  • Cindy CAUSSE*
  • Thomas CERISAY*
  • Léa CHAUTARD
  • Clément CHAVOT*
  • Marion COUVREUR
  • Laura DARMON*
  • Thibaut DEBIZE
  • Elsa DIAS*
  • Kathleen DUPINAY
  • Sylvain FOUCRAS
  • Lisa GUICHARD-KOBAL
  • Lucas GUILLAUD
  • Fabien HUGUET
  • Julie JAVALOYES
  • Stéphane MARCHAND*
  • Elio POLO
  • Vincent RAULT*
  • Thierry REPELLIN*
  • Jeanne-Hubertine VENEL
    * Terrain et Post-Fouille
L’équipe au travail au pied de l’Hôtel-Dieu

Équipe de post-fouille

  • Sylvain FOUCRAS
  • Lucile CATTÉ
  • Sandra CHABERT (INRAP)
  • Camille COLLOMB
  • Julien COLLOMBET
  • Arnaud COUTELAS (ENS, UMR 8546 AOROC, Chercheur associé)
  • Aurélie DUCREUX
  • Laurie FLOTTES
  • Sylvain FOUCRAS
  • David GANDIA
  • Amaury GILLES
  • Anne-Julie LEBLANC
  • Geoffrey LEBLE
  • Alexandre POLINSKI
  • Cécile RIVALS
  • Sandrine SWAL
  • Jean-Pierre COUTURIÉ † – Pierre BOIVIN – Gérard TORRENT (Université Clermont Auvergne, CNRS, IRD, OPGC, LMV)

Clermont-Ferrand, Les Vergnes : Premiers résultats de la fouille archéologique

Clermont-Ferrand, Les Vergnes

Premiers résultats de la fouille archéologique

C’est à la vaste opération de renouvellement urbain du quartier des Vergnes que l’on doit la réalisation d’une fouille archéologique sur près de 2 hectares aux abords du stade Gabriel-Montpied. Pour l’heure, si les indices récoltés par les archéologues révèlent quatre périodes d’occupation datées entre la Protohistoire et l’Époque moderne, la majorité des 700 structures repérées se rattachent à une occupation rurale du début du premier âge du Fer, entre 800 et 650 avant notre ère (fig. 1).

Vue aérienne du site archéologique
Fig. 1 - Plan masse du site
Fig. 2 - Sépulture à inhumation.

De sépultures vieilles de 4000 ans

Les vestiges les plus anciens sont trois sépultures à inhumation (fig. 2), qui dateraient de la fin du Néolithique ou du début de l’âge du Bronze (début du IIe millénaire avant notre ère). Cette attribution chronologique repose sur la disposition particulière des défunts, inhumés en position foetale, ainsi que sur des comparaisons avec des découvertes locales du même type. Des datations radicoarbones permettront de le vérifier.

Un vaste habitat du premier âge du Fer

C’est un peu plus de mille ans plus tard, entre 800 et 650 avant notre ère (début du premier âge du Fer), que le site est à nouveau occupé, pendant au moins un siècle et demi. Un vaste habitat s’y développe, dont il ne reste que les aménagements fossoyés.

Ces derniers correspondent à plusieurs types vestiges : des trous de poteau en bois dessinant des plans de bâtiments d’habitation ou de stockage construits en terre et en bois (fig. 3) ; des foyers pour la cuisson des aliments (fig. 4) ; des puits et de nombreuses fosses aux fonctions diverses (silo, cave, extraction d’argile, etc.) (fig. 5). Plusieurs de ces structures ont été  reconverties en dépotoirs pour les déchets domestiques (tessons de vases brisés, ossements d’animaux, éléments de mouture, etc.). Cette occupation se distingue par la découverte de plus d’une dizaine de vases exceptionnellement conservés (fig. 6). On distingue deux usages : des vases de stockage enterrés, pour la conservation des denrées, et des vases au fond ou aux parois perforés, réutilisés comme cuvelages de petits puits.

Fig. 3 - Plan d'un bâtiment sur poteaux porteurs édifié au-dessus d'une cave abritant un puits et un silo
Fig. 4 - Foyer à pierres chauffées.
Fig. 5 - Grande fosse "polylobée" en cours de fouille.

La périphérie d’une ferme gauloise ?

Après plusieurs siècles d’abandon, le site est de nouveau occupé à la fin du ier millénaire avant notre ère (second âge du Fer). Deux fossés dessinent l’angle d’un enclos qui se poursuit en dehors de l’emprise de fouille. Cet aménagement, qui livre du mobilier de la deuxième moitié du Ier siècle avant notre ère, pourrait appartenir à une ferme se développant entre la fin de la période gauloise et le début de la période romaine.

Le domaine des « Petites Vergnes »

Il faut attendre la fin de l’Époque moderne, entre le XVIIIe et le XIXe siècle de notre ère, pour retrouver des traces d’une occupation pérenne. Le site est alors traversé par des fossés
parcellaires et des chemins à proximité de la ferme des « Petites Vergnes », un petit domaine agricole dont la partie bâtie se développait à quelques mètres au nord de l’emprise de fouille (fig. 7).

Fig. 6 - Vase au fond d'un puits
Fig. 7 - Vue aérienne des maçonneries de la cour sud du domaine des "Petites Vergnes".
Fig. 8 - Dégagement d'un vase réemployé comme cuvelage de puits.

Et après ?

À l’issue de la fouille, en mai 2025, le patrimoine archéologique aura été sauvegardé, et le réaménagement du quartier se poursuivra. Côté archéologie, les investigations se poursuivront en laboratoire durant deux ans. Les résultats seront rassemblés dans un copieux rapport, remis à l’État avec l’ensemble de la documentation et des objets collectés sur le site.

Opération d’archéologie préventive conduite de novembre 2024 à mai 2025 sur la commune de Clermont-Ferrand, dans le cadre du renouvellement urbain du quartier des Vergnes.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : SPL Clermont Auvergne

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Amaury Collet)

Retrouvez la notice complète du site

Fleurs peintes et feuilles sculptées : Histoire et décors d’une maison du Vieux Lyon

Fleurs peintes et feuilles sculptées

Histoire et décors d’une maison du Vieux Lyon

Le quartier lyonnais du Vieux Lyon porte bien son nom, grâce aux nombreuses maisons  qui contiennent encore des vestiges de l’époque médiévale. Le Service régional de l’archéologie est donc particulièrement attentif à ce secteur et prescrit des études archéologiques lors de chantiers de restauration. C’est ainsi le cas de l’immeuble situé au n°6 de la rue Lainerie, dans le quartier Saint-Paul, qui a été examiné par des spécialistes d’Archeodunum. Avec de nouvelles datations et des découvertes de décors peints, les résultats sont substantiels.

Fig.1 : Plan scénographique de Lyon vers 1550, quartier Saint-Paul, où se trouve la maison de la rue Lainerie, anciennement rue Boucherie-Saint-Paul (©Archives de Lyon).
Fig. 2 : Relevé numérique de l’élévation (Archeodunum) et plan du rez-de-chaussée (©BY Architectes)
Fig. 3 : Réalisation d’un sondage dans l’enduit et enregistrement des données sur tablette

Un plan typique des maisons lyonnaises de la fin du Moyen Âge

La maison, étroite, mesure 8,30 m en façade et s’enfonce dans l’îlot sur 19,60 m de long (fig. 1 et 2). Elle se compose de trois corps de bâtiment agencés autour d’une cour centrale. En élévation, elle se développe sur quatre étages au-dessus des caves et du rez-de-chaussée. Un escalier en vis et des galeries voûtées d’ogives desservent les salles des différents étages.

Après 1462 : des éléments de datation grâce à la dendrochronologie

L’étude archéologique a porté conjointement sur les murs (fig. 3) et sur les planchers de la maison. Des datations dendrochronologiques ont été réalisées sur une sélection de pièces de bois (fig. 4). Il en ressort que les épicéas utilisés pour les planchers de la maison ont été abattus au plus tôt en 1462 : le chantier de construction s’est donc déroulé vers la fin du xve siècle.

Fig. 4 : Grâce à des prélèvements dans les bois, le laboratoire C.E.D.R.E peut procéder à des analyses dendrochronologiques.
Fig. 5 : Culot sculpté avec motif végétal et escargot

Des décors sculptés

La galerie de la maison relie l’escalier en vis et le bâtiment ouest. Elle est couverte par des voûtes d’ogives qui, au 1er et au 2e étage, retombent sur des culots sculptés. Ces derniers arborent des motifs végétaux, dans lesquels se trouvent des escargots (fig. 5).

Des plafonds joliment fleuris

L’étude des bois nous renseigne également sur les décors de la maison. Côté rue, deux salles se distinguent par leur plafond peint. Celui du 1er étage arbore des fleurons qui présentent trois motifs, disposés selon une alternance régulière et scandés par des rinceaux végétaux en sousface des solives (fig. 6). Il semble avoir été fait au pochoir ou à l’aide d’un poncif. Au 2e étage, le plafond, peint à la main, est orné d’un damier composé de deux types de fleur : une à pétales fins (marguerite ?) et une à larges pétales (oeillet ou rose ?) (fig. 7).

Fig. 6 : Décor peint de fleurs en damier sur un plafond
Fig. 7 : Décor peint de fleuron sur un plafond, avec relevé superposé.

Des murs du Moyen Âge central, antérieurs à la maison

Dans les deux longs murs nord et sud, les archéologues ont identifié des maçonneries antérieures à la maison de la fin du Moyen Âge. Faites de moellons de granite liés par un mortier grossier,elles se distinguent des murs plus récents, dont l’appareil est constitué de matériaux calcaires liés par un mortier sableux. Par la méthode du carbone 14, on a pu dater ces mortiers anciens entre 1044 et 1220. La maison a donc été construite entre deux murs préexistants du parcellaire médiéval.

Une maison remaniée par ses occupants

Les murs de la maison conservent aussi les traces de remaniements postérieurs, qui indiquent que la maison a évolué selon les besoins de ses occupants. Dans le bâtiment ouest, au 2e étage, on trouve par exemple les traces de deux cheminées successives (fig. 8). Les pierres en ont été démontées au cours de l’actuel chantier de restauration, faute d’intérêt dans le nouveau projet hôtelier. D’autres modifications de ce type ont été réalisées lors du chantier : ajout ou suppression de baies, reprise des planchers. Cette maison du Vieux Lyon n’a pas fini de se transformer !

Fig. 8 : Mur du 2e étage. On y distingue l’arc en briques d’une première cheminée, ensuite remplacée par une cheminée plus étroite encadrée par des piédroits en pierres dorée moulurées.
Fig. 9 : Étude d’une planche de plafond ornée de fleurons.

Opération d’archéologie préventive conduite de janvier à mai 2023 sur la commune de Lyon 5e, en préalable à la réhabilitation de l’immeuble situé au n°6 rue Lainerie

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : SCI Résidence Saint Paul / SA Celtic Hotel

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsables : Camille Collomb)

Équipe de terrain

  • Camille Collomb (RO)*
  • Alice Borel
  • Laura Darmon
  • Jessy Crochat
  • Émilien Bouticourt
  • Guilhem Turgis
  • Nawelle Trad
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de post-fouille

  • Jean-Baptiste Kowalski

De ces pierres… Recherches archéologiques au prieuré de Ternay

De ces pierres, ils ont bâti leur église

Recherches archéologiques au prieuré de Ternay

L’église Saint-Mayol de Ternay (69) se dresse sur un promontoire surplombant la rive gauche du Rhône, ce qui la rend visible de loin particulièrement grâce à son clocher en briques (fig. 1). Afin d’entretenir cet édifice emblématique de son patrimoine, la mairie de Ternay a entrepris des travaux de restauration qui se sont déroulés entre novembre 2020 et décembre 2021.

À la demande du Service Régional de l’Archéologie, une étude archéologique du bâti a été réalisée conjointement à la restauration. Le chantier a concerné les extérieurs de la moitié orientale de l’église. Les archéologues ont aussi documenté des vestiges mis au jour dans les tranchées de réseaux aux abords de l’église. Ces recherches nous en apprennent plus sur les choix constructifs et sur l’histoire de l’édifice.

Fig. 1 : Vue aérienne du prieuré depuis le sud-ouest. © Olivier Thévenin / Être de Mèche
Fig. 2 : Plan de l’église. En rouge, les maçonneries plus anciennes (fond de plan : Sylvie Burki, géomètre-expert DPLG).

L’ancien prieuré de Ternay

L’église Saint-Mayol appartient à un ensemble prieural dépendant de l’abbaye de Cluny (fig.2). La fondation de cet établissement à Ternay remonte, d’après les sources écrites, à la deuxième moitié du Xe siècle au plus tard. L’église, quant à elle, présente des caractéristiques esthétiques qui permettent de placer sa construction au XIe ou au XIIe siècle (fig. 5). La manière dont s’est déroulé ce chantier au Moyen Âge, l’identification des matériaux et des outils utilisés par les bâtisseurs, la restitution des élévations originelles de l’église, sont autant de questions auxquelles l’équipe d’Archeodunum a tenté de répondre.

La pierre : des choix mûrement réfléchis

Les matériaux de construction sont diversifiés et révèlent un approvisionnement réfléchi, fondé sur une bonne connaissance de leurs caractéristiques techniques (fig. 4) :

  • Granite pour les pierres de taille des épaulements et des contreforts ;
  • Molasse pour celles de l’abside ;
  • Calcaire, tuf et brique pour les parties hautes ;
  • Tuf pour les voûtes, en raison de la légèreté de ce matériau.
Fig. 3 : Modillon sculpté de l’abside, représentant un acrobate.
Fig. 4 : Partie nord-est de l’églises, après restauration. On y distingue les différents types de pierre.

Deux mortiers pour deux usages

Le mortier le plus abondamment utilisé se caractérise par de nombreux graviers et cailloux (> 2 mm). Il est approprié pour les joints épais qui séparent les moellons. En revanche, les bâtisseurs ont souhaité réduire l’épaisseur des joints entre les pierres de taille. Pour ce faire ils ont utilisé une recette de mortier différente composée d’une charge sableuse (< 2 mm). Ces deux liants sont utilisés conjointement dans les murs et pour toutes les maçonneries du transept et du chevet (fig. 5), ce qui témoigne d’un approvisionnement maîtrisé du granulat, peut-être même anticipé pour tout l’édifice afin de ne pas en manquer. Il y avait donc au moins deux aires de gâchage durant toute la durée du chantier des parties orientales.

Les parties hautes des murs

Dès l’origine, les murs pignons s’élevaient légèrement au-dessus des toitures. Les parties hautes de l’église ont fait l’objet de nombreuses transformations au fil des siècles mais, au sud, la pierre sommitale du mur pignon est conservée : taillée à la manière d’un fronton dans du calcaire blanc, elle servait de socle à une sculpture aujourd’hui disparue (fig. 6).

Fig. 5 : Mortier sableux entre les pierres de taille de l’arc et mortier caillouteux dans l’appareil du mur.
Fig. 6 : Pierre sommitale du bras sud du transept.

Des traces de construction plus anciennes

À l’est, une maçonnerie passe sous l’abside. Cette structure, partiellement mise au jour au fond d’une tranchée, peut s’apparenter à un socle de fondation de l’église, ou bien être en lien avec un édifice plus ancien. Les archéologues ont mis en évidence d’autres traces de constructions antérieures. En particulier, le bras sud du transept a été construit en englobant un mur plus ancien : conservé sur une hauteur de près de 4 m, ce mur pourrait bien appartenir aux premiers bâtiments du monastère, antérieurs à la construction de l’église romane (fig. 7).

Fig. 7 : Mur ancien englobé dans la construction de l’église romane.
Fig. 7 : Mur ancien englobé dans la construction de l’église romane.

Opération d’archéologie préventive conduite entre novembre 2020 et décembre 2021
sur la commune de Ternay, en accompagnement du chantier de restauration de l’église Saint-Mayol.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Maîtrise d’ouvrage : mairie de Ternay

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Camille Collomb)

Équipe de terrain

  • Camille Collomb* (RO)
  • Audrey Baradat-Joly (Anthropologue)
  • Auriane Lorphelin* (Archéo. bâti)
  • David Gandia* (Anthropologue)
  • Guilhem Turgis (topographe)
  • Jessy Crochat (acquisition 3D)
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de post-fouille

  • Alexandre Polinski – Matériaux/Lithique
  • Cécile Rivals – étude doc.

Bon Baisers d’Autun, Archeodunum dans la saison 2 de Mission Archéo !

Bon Baisers d’Autun

Archeodunum dans la saison 2 de Mission Archéo !

Après un épisode consacré à notre chantier de Nort-sur-Erdre, Archeodunum a une nouvelle fois accueilli l’équipe de Passé Sauvage sur un de ses chantiers. Cette vidéo ouvre la deuxième saison de la série « Mission Archéo », et nous en sommes très heureux.

Les enjeux et les coulisses, bien réels, de notre opération au cœur d’Autun sont inscrites dans une enquête d’ « archéofiction », qui va irriguer toute la saison. Cette approche est un clin d’œil à Jean Rouch et à ses ethnofictions.

Enquête archéologique à Mende

Enquête archéologique à Mende

C’est dans le cadre de la redynamisation du centre-ville de Mende, plus spécifiquement du quartier du nouveau musée du Gévaudan, que des archéologues de la société Archeodunum ont étudié deux maisons (fig. 1). Les travaux envisagés sur ces habitations, occupées du milieu du Moyen Âge à nos jours, ont conduit le Service Régional de l’Archéologie de la région Occitanie à demander une étude archéologique du bâti : une belle opportunité d’en savoir plus sur la forme et l’évolution des maisons mendoises. Durant l’hiver 2023, les archéologues ont ainsi analysé l’enchevêtrement de murs d’époques différentes, permettant de mieux faire connaître ce patrimoine.

 

Fig. 1 : Sous la salle 5, redécouverte et exploration d'une cave voûtée.
Fig. 1 : Sous la salle 5, redécouverte et exploration d'une cave voûtée.
Fig. 2 : Localisation des maisons dans la ville de Mende.
Fig. 2 : Localisation des maisons dans la ville de Mende.

Au cœur historique de Mende

Les maisons, sises aux 7 et 9 rue de la Liberté, appartiennent à la trame urbaine de Mende qui s’est formée autour d’un noyau primitif centré sur la cathédrale d’origine carolingienne (fig. 2). Au XIIe siècle, la ville couvre une superficie de plus de 8 hectares protégée par des fortifications. C’est au siècle suivant que sont construites les habitations, ainsi que l’ont démontré nos datations au carbone 14.

Ces maisons s’organisent sur six niveaux : des caves en partie sous la voirie, un rez-de-chaussée, trois étages et un niveau de combles, desservis par un escalier en vis. Les investigations archéologiques se sont concentrées sur les rez-de-chaussée et une salle du premier étage, seuls espaces impactés par les travaux (fig. 3).

Fig. 3 : Plan du rez-de-chaussée (en gris) et des caves (en bleu). Sous la salle 7, la cave déborde sous la rue de la Liberté et sous la Place au Beurre
Fig. 3 : Plan du rez-de-chaussée (en gris) et des caves (en bleu). Sous la salle 7, la cave déborde sous la rue de la Liberté et sous la Place au Beurre
Fig. 4 : Extrait du relevé au scanner 3D. L'échelle chromatique va du plus bas (bleu) au plus haut (rouge).
Fig. 4 : Extrait du relevé au scanner 3D. L'échelle chromatique va du plus bas (bleu) au plus haut (rouge).

Du laser pour étudier le passé

Cécile Rivals et son équipe ont mis en œuvre différents outils, dont un relevé par scanner 3D (fig. 4). Grâce à un rayon laser, cette technologie permet de mesurer et de restituer les volumes d’un bâtiment avec une très grande précision. Elle est particulièrement bien adaptée à l’analyse de volumes complexes, comme c’est le cas ici.

Les archéologues s’attellent ensuite à étudier les élévations des maisons (fig. 5 et 6). Ils cherchent à identifier les modifications, les ajustements et les changements de parti survenus au cours du temps et des travaux. Les matériaux, les marques lapidaires, les traces d’outils et de mise en œuvre documentent les modes de construction (fig. 6 et 7).

Fig. 5 : Salle 1. Relevé phasé du mur nord.
Fig. 5 : Salle 1. Relevé phasé du mur nord.
Fig. 6 : Salle 1. Les archéologues étudient le mur nord.
Fig. 6 : Salle 1. Les archéologues étudient le mur nord.

Porte à accolade et cave légendaire

Sous les enduits muraux récents et les faux-plafonds, plusieurs ouvertures (portes, dont une à accolade (fig. 8), fenêtres, niches) témoignent de nombreux états successifs (fig. 5 et 9). Ces ouvertures révèlent également qu’une partie du rez-de-chaussée actuel a été un espace extérieur à la fin du Moyen Âge. Il s’agissait probablement d’une rue traversant l’îlot selon un axe nord/sud, comme le laisse entendre une mention écrite de la fin du XVIIIe siècle à propos d’un conflit de voisinage.

Les investigations ont permis de redécouvrir une cave (fig. 1). En effet, un habitant de Mende nous a rapporté la “légende” de l’existence d’une cave, bouchée au milieu du XXe siècle. C’est dans la salle 5, sous une dalle de béton, qu’a resurgi un accès. Cette cave, couverte d’une voûte sur croisée d’ogives, appartient à l’état le plus ancien du bâtiment. Son comblement récent proviendrait du démontage d’un four à pain, initialement installé dans la salle 5.

Fig. 7 : Détail d'un bloc taillé. La lumière rasante fait apparaître les traces caractéris-tiques du marteau taillant.
Fig. 7 : Détail d'un bloc taillé. La lumière rasante fait apparaître les traces caractéris-tiques du marteau taillant.
Fig. 8 : Porte à accolade, bouchée ultérieurement.
Fig. 8 : Porte à accolade, bouchée ultérieurement.

Et maintenant ?

Après le départ des archéologues, les travaux ont pu se poursuivre afin que ces deux maisons du centre historique de Mende soient transformées en commerces. De son côté, l’équipe d’archéologues entreprend un long travail d’analyse des données (relevés, photographies, prélèvements, documents d’archive), afin de comprendre comment on a vécu dans ces maisons de Mende à partir du Moyen Âge. Toutes ces informations seront rassemblées dans un rapport d’étude, qui sera remis à l’État et à la municipalité.

Fig. 9 : Salle 5, mur sud, premier étage. Il s'agit du mur le plus ancien de la maison.
Fig. 9 : Salle 5, mur sud, premier étage. Il s'agit du mur le plus ancien de la maison.

Opération d’archéologie préventive conduite en 2023 sur la commune de Mende (Lozère) au 7-9 rue de la Liberté, en préalable à la restauration des rez-de-chaussée.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de la région Occitanie.

Maîtrise d’ouvrage : communauté de communes Cœur de Lozère

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Cécile Rivals)

Étude archéologique du bâti après décroutage des enduits.

Quoi de neuf à Ainay-le-Vieil ?

Quoi de neuf à Ainay-le-Vieil ?

Archéologie et restaurations au château

Depuis janvier 2020, une partie du château d’Ainay-le-Vieil (Cher) fait l’objet d’une importante campagne de restaurations.  A la demande et grâce à une aide financière de la Conservation régionale des monuments historiques, ces travaux sont accompagnés d’une étude archéologique du bâti. Il s’agit de retracer les techniques de construction du château médiéval et du logis de la Renaissance, en mettant en évidence les transformations de ces deux édifices au fil des siècles. Les résultats, très riches, apportent de nouvelles connaissances sur le système défensif du château, la datation du logis et son ornementation.

Angle nord-est du château. Le logis de la Renaissance est enveloppé d’échafaudages.
Angle nord-est du château. Le logis de la Renaissance est enveloppé d’échafaudages.

Un château au plan octogonal

Le château d’Ainay-le-Vieil est communément daté du XIIIe siècle par son architecture dite « capétienne ». Il se compose de murs de courtine crénelés d’environ 11 m de haut dessinant un plan octogonal. Neuf tours d’environ 15 m de haut, au plan généralement semi-circulaire, se dressent à la jonction de ces portions d’enceinte. Deux tours encadrent la porte d’accès au château, accessible aujourd’hui par un pont en pierre qui enjambe les douves remplies d’eau. À l’angle nord-est, on observe une configuration spécifique, avec une tour circulaire qui relie deux courtines formant un angle droit. C’est à cet endroit qu’un logis composé de deux corps de bâtiments et d’une tour d’escalier a été construit à la Renaissance.

Plan du château médiéval et du logis.
Plan du château médiéval et du logis.
Façade nord du logis de la Renaissance aménagée dans la courtine médiévale. Vue de l’extérieur, après restauration.
Façade nord du logis de la Renaissance aménagée dans la courtine médiévale. Vue de l’extérieur, après restauration.

Un vaste programme de restaurations

Les restaurations amorcées en 2020 ont spécifiquement concerné les parements extérieurs du logis de la Renaissance, ainsi que sa charpente. Trois tours et quatre courtines ont été impactées par ces travaux. Au XIXe ou au XXe siècle, l’ensemble des parements a été recouvert d’un enduit gravillonneux qui présentait des décollements importants. Il a donc été décidé de purger cet enduit et d’en réaliser un nouveau. Grâce au décroutage qui a mis à nu les murs, Camille Collomb et ses collaboratrices ont eu l’opportunité d’expertiser l’ensemble des maçonneries médiévales, d’en étudier les détails de la construction et de proposer des restitutions du château ancien.

Tour nord-est : créneau transformé en fenêtre et partie haute d’une archère.
Tour nord-est : créneau transformé en fenêtre et partie haute d’une archère.

Créneaux, archères et hourds : un château médiéval bien protégé

Tout d’abord, l’étude a révélé que, à l’instar des courtines, les tours étaient à l’origine crénelées. Ce n’est qu’après le Moyen Âge que certains créneaux ont été transformés en fenêtres, et d’autres simplement murés.
Les tours et, occasionnellement, les courtines, étaient également pourvues de hautes archères, réparties sur deux niveaux (en bas et en haut des murs). Pour les tours, chaque niveau se caractérisait par trois archères dont le plan de tir permettait de protéger les abords du château. Avec l’introduction des armes à feu, à partir du XIVe siècle, les fentes de tir du niveau inférieur ont été transformées en canonnières.
Enfin, l’étude archéologique a révélé que les tours étaient pourvues de hourds, véritables galeries en bois positionnées en surplomb des murs pour permettre de défendre les abords du château. La restitution des hourds repose sur l’identification des trous d’ancrage des poutres.

Hourds
Dessin de restitution d’un hourd (E.‑E. VIOLLET-LE-DUC, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, tome 6, p. 139).
Angle nord-est du château : charpente de la tour et du logis.
Angle nord-est du château : charpente de la tour et du logis.

1502 : la datation précise de la charpente du logis

Le logis en appui contre les murs de l’enceinte médiévale est pourvu, dès l’origine, d’une charpente à chevrons formant ferme. Une datation dendrochronologique (Ch. Perrault, C.E.D.R.E.) révèle que les arbres ont été abattus en 1502. Grâce à ces informations, on peut donc placer avec certitude la construction du logis entre l’extrême fin du XVe et le début du XVIe siècle.

Créatures imaginaires sculptées en façade de l’escalier d’honneur.
Créatures imaginaires sculptées en façade de l’escalier d’honneur.
Aile nord du logis avec sa façade agrémentée de sculptures.
Aile nord du logis avec sa façade agrémentée de sculptures.
Au sommet d’une lucarne : sculpture de singe enchaîné.
Au sommet d’une lucarne : sculpture de singe enchaîné.

De fantastiques ornements

Les façades du logis se caractérisent par de nombreux ornements. L’alternance entre des assises de pierres de taille et des bandes enduites confère un rythme horizontal à l’ensemble, équilibré par les moulurations des fenêtres. Surtout, les façades possèdent une grande quantité de sculptures dont l’ensemble est représentatif de l’époque de la construction. L’escalier d’honneur est particulièrement foisonnant avec des sculptures en bas-relief représentant une végétation peuplée de créatures fantastiques.

Un point central de l’archéologie du bâti : la coactivité entre les différents corps de métier

Lors des chantiers de restauration, différents corps de métier travaillent en parallèle : maçons, tailleurs de pierre, charpentiers, couvreurs ou peintres. Cette coactivité donne lieu à des rencontres propices aux échanges de savoir-faire. Pour les archéologues, ces partages sont riches car ils permettent de confronter les pratiques actuelles des artisans avec les traces laissées par les bâtisseurs depuis le Moyen Âge. Le dialogue autour des découvertes peut également entraîner la modification du projet de restauration par les architectes, afin d’intégrer les résultats de l’étude archéologique. C’est le cas à Ainay-le-Vieil, où la présence des hourds en haut des tours a été matérialisée par des pièces de bois de section carrée placées dans chacun des trous d’ancrage.

Étude archéologique du bâti après décroutage des enduits.
Étude archéologique du bâti après décroutage des enduits.

Et après ?

Les archéologues achèvent leur mission bien avant les autres corps de métier. Une fois le chantier de restauration achevé (printemps 2022), les échafaudages sont déposés et les parements, comme neufs, sont de nouveau visibles par tous. De son côté, l’équipe archéologique s’applique à analyser les échantillons, à compiler la documentation et à rédiger un rapport d’étude qui rassemble la totalité des résultats obtenus sur le terrain. Ces nouvelles données enrichissent considérablement les connaissances sur le château et seront directement transmises au public lors des visites guidées.

Opération d’archéologie du bâti conduite entre 2020 et 2022 sur la commune d’Ainay-le-Vieil, en accompagnement du chantier de restauration du château.

Prescription et accompagnement financier : Conservation régionale des monuments historiques.

Maîtrise d’ouvrage : SCI du château d’Ainay-le-Vieil

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Camille Collomb)

Montbrison_remparts_couv

Une année d’étude sur les remparts de Montbrison

Une année d’étude sur les remparts de Montbrison

Le nez au mur et les mains dans la terre

C’est le long du boulevard Duguet à Montbrison, qu’une équipe de la société Archeodunum a réalisé une étude archéologique des remparts de la ville. Les travaux de confortation et de mise en valeur de ces murs ont conduit le Service Régional de l’Archéologie de la région Auvergne Rhône-Alpes à prescrire une étude archéologique. Durant quinze semaines, d’octobre 2020 à septembre 2021, les archéologues ont ainsi étudié une centaine de mètres linéaires de la fortification et exploré un espace intra-muros accolé au rempart.
Depuis les échafaudages, dans le sous-sol ou dans les archives, les traces recueillies documentent la mise en place des fortifications montbrisonnaises et révèlent la vie quotidienne durant le Moyen Âge et la période Moderne.

 

Le rempart et le collège Victor de Laprade vus depuis le boulevard Duguet, lors de l'arrivée des archéologues
Le rempart et le collège Victor de Laprade vus depuis le boulevard Duguet, lors de l'arrivée des archéologues
Plan général de Montbrison avec localisation de l'étude archéologique
Plan général de Montbrison avec localisation de l'étude archéologique

Grande profondeur et haute précision

L’intervention de Cécile Rivals et de son équipe a pris diverses formes. En coactivité avec les maçons chargés de la restauration, les archéologues ont investi les échafaudages et procédé à l’analyse des murs du rempart sur une longueur d’environ 100 mètres. La stabilité de la fortification faisait l’objet de mesures topographiques régulières grâce à des capteurs fixés dans les murs.
Intra-muros, dans la cour du collège Victor de Laprade, ce sont environ 75 m2 qui ont été explorés, jusqu’à la profondeur impressionnante de 7 mètres. Un dispositif de blindage a apporté toutes les garanties de sécurité pour la fouille de cet espace restreint. Une grue, constamment présente, a permis d’évacuer les déblais, et même de déposer une petite pelle mécanique dans le fond de la fouille, afin de faciliter le travail des archéologues.

Étude de la courtine du XIIIe siècle depuis les échafaudages
Étude de la courtine du XIIIe siècle depuis les échafaudages
Dégagement des fondations de la courtine du XIIIe siècle
Dégagement des fondations de la courtine du XIIIe siècle

Les fortifications : quand l’histoire se confronte à l’archéologie

La ville de Montbrison a été défendue par plusieurs fortifications successives. Au XIIIe siècle, le château et le bourg castral, situés sur la butte basaltique dominant Montbrison, étaient protégés par une enceinte circulaire. À la fin de la guerre de Cent Ans, les Montbrisonnais furent autorisés à construire un grand rempart autour de la ville. Au milieu du XVe siècle, la ville était donc protégée par une fortification longue de plus de 2 km, ponctuée de nombreuses tours semi-circulaires. Des tours semblables furent alors ajoutées contre la courtine du XIIIe siècle, qui montrait déjà des signes de faiblesse.
Ces données connues par des sources historiques ont pu être confrontées à la réalité archéologique lors de l’intervention de 2020-2021. Grâce à l’analyse interne et externe de la tour T1, les archéologues ont notamment pu étudier le mode constructif de la courtine du XIIIe siècle, le rôle de contrefort des tours semi-circulaires ajoutées deux siècles plus tard, et les constantes interventions de consolidation de ces ouvrages fortifiés.

Fouille en cours, avec à gauche, l'intérieur de la tour semi-circulaire ajoutée au XVe siècle
Fouille en cours, avec à gauche, l'intérieur de la tour semi-circulaire ajoutée au XVe siècle
Plan phasé des principaux vestiges
Plan phasé des principaux vestiges

Une occupation dense contre les remparts

Dans l’espace fortifié, c’est un habitat dense qui s’est développé, comme en témoigne le dessin réalisé pour l’armorial de Revel au milieu du XVe siècle. Une portion de maison a été retrouvée enfouie, avec une partie de ses murs et d’un sol pavé. Autre témoignage de la vie quotidienne, une canalisation recueillait les eaux usées du bourg pour les rejeter à l’extérieur de la ville, à travers le rempart.

Traces de la vie quotidienne au XIIIe siècle : habitation et réseau d’eaux usées
Traces de la vie quotidienne au XIIIe siècle : habitation et réseau d’eaux usées
Pot en céramique daté entre la seconde moitié du XVe siècle et la première moitié du XVIe siècle
Pot en céramique daté entre la seconde moitié du XVe siècle et la première moitié du XVIe siècle

Une phase de remblaiement

Durant la période Moderne, lorsque l’aspect défensif des remparts ne fut plus essentiel, les constructions furent rasées et l’espace intra-muros remblayé. Les terres apportées contenaient une grande quantité de déchets : carcasses d’animaux consommés, vaisselle brisée en céramique et en verre, ou encore objets métalliques, tous témoins de la vie quotidienne.
Le jardin de la famille de La Noérie, dont la maison est devenue l’actuel collège Victor de Laprade, occupait cet espace remblayé. Un belvédère fut aménagé à l’emplacement de la tour fouillée, probablement pour profiter de la vue dégagée sur les monts du Forez.

Et maintenant ?

Le collège Victor de Laprade a retrouvé l’intégralité de sa cour de récréation, tandis que les remparts consolidés vont continuer à témoigner du riche passé de Montbrison. Côté archéologie, un long travail d’analyse des données recueillies sur le terrain est en cours (relevés, photographies, objets, prélèvements, documents d’archive). Nos spécialistes se livrent à de minutieuses études, afin de comprendre comment on a vécu autour des remparts de Montbrison à partir du Moyen Âge. Tous les résultats seront réunis dans un rapport final abondamment documenté, et seront présentés au grand public sous la forme d’une conférence.

Opération d’archéologie préventive conduite entre octobre 2020 et septembre 2021 sur la commune de Montbrison (Loire), boulevard Duguet, en préalable à la consolidation et la mise en valeur du rempart.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Maîtrise d’ouvrage : Municipalité de Montbrison

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Cécile Rivals)