Archives de catégorie : Protohistoire

Une occupation rurale du premier Moyen Âge à Bavois (Vaud)

Une occupation rurale du premier Moyen Âge à Bavois (Vaud)

Les résultats issus du diagnostic mené en novembre 2020 sur la parcelle 243, au lieu-dit En Martherey, ont donné lieu à un avis favorable de l’Archéologie Cantonale de l’état de Vaud pour qu’une fouille soit entreprise les mois suivants. L’opération, conduite en janvier-février 2021 puis en juin de la même année, a concerné une superficie d’un peu plus de 2000 m² et a livré près de 245 structures en creux, principalement des trous de poteau. Les traces diffuses d’une fréquentation protohistorique puis antique et plusieurs phases d’occupation, allant du haut Moyen Âge au XIIIe s., ont pu être reconnues.

Un site fréquenté depuis la protohistoire

Le site se trouve à l’emplacement actuel d’un verger, au cœur du village de Bavois, sur un terrain accusant un léger dénivelé en direction de la plaine de l’Orbe s’étendant plus à l’ouest. Les structures apparaissent à une cote comprise entre 456,49 m et 460,84 m. L’extension maximale du gisement archéologique n’a pu être appréhendée, les vestiges de ces occupations se prolongeant en dehors de l’emprise de fouille, en direction du nord et du sud-est notamment.

Une quinzaine de tessons de céramique pouvant être associés à la Protohistoire au sens large ont pu être collectés, sur le toit du substrat géologique ou dans le comblement de certaines structures en creux. Ce matériel a aussi été découvert en position secondaire dans le remplissage d’aménagements assurément médiévaux.

Une vingtaine de fragments de céramique, dont les termini post quem se situent entre les IIe et Ve s., ont pu être collectés dans le comblement de structures en creux. Peu abondants, les éléments identifiables sont plutôt caractéristiques de l’Antiquité tardive. La plupart de ces fragments semble donc avoir été découverte en position résiduelle et ces quelques éléments ne suffisent pas à attester l’existence de vestiges du Haut-Empire romain sur ou à proximité immédiate du site.

Parcelle en cours de fouille.
Le fond de cabane St 102 en cours de fouille.
Le fond de cabane St 102 recoupé par la structure en creux St 15.

Une occupation principale du premier Moyen Âge,

La majorité des creusements mis au jour se rattachent au premier Moyen Âge (époques mérovingienne et carolingienne). Un fond de cabane muni de quatre poteaux corniers, d’un trou de poteau central et d’une tranchée d’implantation des parois a par exemple été mis au jour à l’est de l’emprise investiguée. Son comblement a livré une quinzaine de tessons de céramique bistre et quelques charbons pour lesquels une analyse radiocarbone a été réalisée et dont les résultats ont donné un âge calibré situé entre 410 (95.4%) et 550 cal. AD. Quelques plans de bâtiments ont pu être proposés, parmi lesquels celui d’un édifice à deux nefs et pignon en abside dont l’abandon pourrait se situer au cours du IXe s.

La structure semi-enterrée St 52.
La structure semi-enterrée St 52, vue en coupe.
La structure semi-enterrée St 52 - détails des couches de charbons et rubéfaction.

Qui se poursuit jusqu’au XIIIe siècle.

 Au cours du second Moyen Âge, le site est toujours occupé mais semble l’être de façon plus sporadique. Une structure semi-enterrée, conservée jusqu’à 1,30 m de profondeur, est installée dans la partie orientale du site. Son fond est percé de plusieurs trous de poteau implantés peu profondément et d’un semis de trous de piquet interprétés comme les vestiges d’un ou de deux métier à tisser. Son abandon intervient aux alentours du XIIe s. Plus au nord-ouest, un cellier muni de quatre poteaux corniers a également été découvert. Un important niveau charbonneux déposé sur le fond de la structure a permis de le dater du XIIIe s. Il pourrait, en cela, être contemporain des quelques trous de poteau situés en limite sud-est d’emprise et rattachables à un vaste bâtiment de plan probablement quadrangulaire.

Opération d’archéologie préventive conduite en 2021 sur la commune de Bavois en amont d’un projet immobilier.

Prescription et contrôle scientifique :
Archéologie cantonale du canton de Vaud

Maîtrise d’ouvrage : Particulier

Opérateur archéologique : Archeodunum SA

Responsable : Xavier PETIT

Équipe de fouille

    • Xavier Petit (RO)
    • Yann Buzi
    • Benoît Pittet
    • François Menna
    •  Sandrine Oesterlé
    •  Christophe Henny
    •  Pascal Ducret

Les secrets du théâtre antique de Moingt

Les secrets du théâtre antique de Moingt

Comprendre la construction d’un monument public

Les archéologues ont pu profiter des beaux jours du printemps 2025 pour étudier le théâtre antique de Moingt (fig.1 et 2). Cette étude s’inscrit dans un projet de préservation de l’édifice financé par la mairie de Montbrison. Grâce à la mise en place d’un échafaudage et aux méthodes de l’archéologie du bâti, une analyse approfondie des vestiges a pu être menée sur l’ensemble du monument. Archéologues, architectes et maçons travaillent ainsi de concert pour mener à bien un projet qui bénéficiera à tous.

Fig. 1. Vue aérienne du théâtre.
Fig. 2. Enregistrement des informations dans une base de données.
Fig. 3. Carte postale noir et blanc. ©Édition Girard à Moingt. Vers 1910.

Un monument étudié depuis plusieurs siècles

Le théâtre a toujours fait partie du paysage Montbrisonnais. Les érudits locaux s’y sont intéressés très tôt et les premières études sérieuses sont réalisées à partir du XIXe siècle. Des dessins d’époque, des photographies (fig. 3), des notes voire des rapports détaillés sont accessibles aux archives de la Diana.

La place du théâtre dans Aquae Segetae

Durant l’Antiquité, la ville romaine, nommée Aquae Segetae (fig. 4), se développe essentiellement au niveau de l’ancienne commune de Moingt. Le centre public se situe autour des thermes de Saint-Eugénie et des vestiges de quartiers résidentiels et artisanaux ont été mis au jour à proximité. Le théâtre est installé traditionnellement aux marges de la ville (fig. 5). Un tel édifice nécessite de la place et il est plus simple de l’installer en dehors du centre urbain. Une pente naturelle est également la bienvenue pour faciliter la construction.

Fig. 4. Table de Peutinger.
Fig. 5. Représentation du théâtre de Moingt. ©J.-C. Golvin.
Fig. 6. Exemple de trou de boulin.

Une première construction…

Le théâtre est donc construit à flanc de colline, mais un décaissement de la roche naturelle s’est tout de même révélé nécessaire. Afin de faciliter le travail, les artisans se sont servis de la roche extraite sur place pour en faire des moellons. À l’extérieur de l’édifice, des petits contreforts viennent stabiliser l’ensemble. Certains indices du chantier sont visibles dans les murs, comme les nombreuses petites cavités (trous de boulin) qui témoignent de l’ancrage de l’échafaudage (fig. 6).

… puis un agrandissement

Plus tard, le théâtre est agrandi, repris en partie haute et renforcé. La roche naturelle sur place n’est plus accessible et il faudra donc aller chercher les matériaux un peu plus loin, mais à quelques kilomètres seulement. Par ailleurs, les maçons de l’époque retraçaient leurs joints.  Une partie de ces derniers est assez bien conservée pour que l’on puisse encore observer aujourd’hui cette habitude de travail (fig. 7).

Fig. 7. Joints retracés.
Fig. 8. Maisonnette construite entre les murs du théâtre.
Fig. 9. Exemple de relevé photogrammétrique.

Une carrière de pierres idéale

Lorsque le théâtre a été abandonné, il a été utilisé au fil des siècles comme carrière de pierres. On le remarque au niveau des contreforts, où les angles des parties basses sont détériorés. Ce sont effectivement les zones les plus accessibles. Le théâtre a également été réinvesti par une maisonnette construite il y a quelques siècles (fig. 8) : trois murs de très bonne facture étaient déjà construits, pratique !

Et après ?

L’étude du site n’est pas encore terminée et quelques interventions archéologiques sont prévues tout au long du chantier. Les archéologues ont déjà réalisé des relevés photogrammétriques (fig. 9), des photographies, des prélèvements de matériaux et de nombreuses notes détaillées. L’ensemble des données recueillies fera l’objet d’un rapport rendu public.

Opération d’archéologie préventive conduite depuis avril 2025 sur la commune de Montbrison, dans le cadre des travaux de préservation et de confortement des vestiges

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : Mairie de Montbrison

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable : Camille Nouet

Équipe

  •  Camille Nouet (RO)*
  • David Baldassari
  • Camille Collomb
  • Jean-Baptiste Kowalski

* fouille et post-fouille

Vivre et mourir à Cournon-d’Auvergne

Vivre et mourir à Cournon-d’Auvergne

2000 ans d’aménagements protohistoriques sous la place Joseph Gardet

C’est dans le cadre du réaménagement de la place Joseph Gardet et de ses abords, mené par la mairie de Cournon-d’Auvergne, que plusieurs phases d’investigations archéologiques se sont déroulées entre 2023 et 2025. Une équipe d’une dizaine d’archéologues a exploré une surface de 5400 m², mettant en évidence une occupation continue du site depuis l’âge du Bronze (2300-800 avant notre ère) jusqu’au Ier siècle avant notre ère. Cette occupation est matérialisée par des vestiges d’habitats ruraux (fig. 1) et par plusieurs sépultures.

Fig.1 : Silo destiné à la conservation du grain.
Fig. 2 : Trou de poteau en cours de fouille.
Fig. 3 : Plan général des vestiges (fond © Google Earth).

Une zone d’habitat bien définie

Différentes concentrations de trous de poteau, identifiables notamment grâce aux blocs de calcaire utilisés en calage (fig. 2), témoignent de l’aménagement d’une zone d’habitat au centre-ouest de l’emprise de fouille. Les bâtiments étaient constitués d’une ossature de bois garnie de torchis. L’étude de la céramique permet de dater ces structures entre l’âge du Bronze ancien (2200-1600 avant notre ère) et le début du second âge du Fer (450-300 avant notre ère). Durant cette dernière période, un enclos quadrangulaire d’au moins 900 m² est aménagé (fig. 3). Les activités agropastorales de ces populations sont révélées par plusieurs dizaines de silos (fig. 1), des fosses en forme de poires utilisées pour la conservation du grain, et par des ossements issus de cheptels ovins, bovins et porcins.

Des niveaux de circulation préservés

À l’est du chantier, des chemins (fig. 4) sont aménagés dès le Bronze final (1400-800 avant notre ère). Constitués d’un cailloutis mis à plat et damé, ils longent les versants méridionaux du massif de Bane. Cette situation en bas de pente, propice à l’accumulation de colluvions, a contraint les habitants à continuellement rehausser leur voirie, et cela jusqu’à la fin de l’âge du Fer (Ier siècle avant notre ère). C’est ainsi une superposition d’une douzaine de niveaux de circulation qui a pu être observée.

Fig. 4: Niveaux de circulation en cours de fouille.
Fig. 5 : Sépulture en cours de fouille.
Fig. 6 : Sépulture double datée du Bronze ancien.

Un ensemble funéraire homogène

Les archéologues ont mis au jour une quinzaine de sépultures, pour la plupart datées du Bronze ancien. Les squelettes sont installés en position foetale, tournés vers le sud (fig. 5 et 6). Certaines tombes présentent des aménagements de surface prenant la forme de monticule ou de couronne de blocs calcaires (fig. 7). Deux tombes plus récentes ont également été découvertes. Aménagée au cours du second âge du Fer, l’une d’elle s’installe au sein d’un enclos sur poteau tandis que l’autre semble associée à un fossé bordier.

Fig. 7 : Blocs calcaires en couronne autour d’une inhumation.
Fig. 8 : Visite guidée par un archéologue lors de journées portes ouvertes.

Après la fouille

La requalification de la place Joseph Gardet s’est déroulée de concert et en parallèle de nos interventions, et s’est poursuivie après le départ des archéologues pour aboutir à la nouvelle place de la République. Côté archéologie, nos experts ont étudié l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux comment l’implantation humaine s’est pérennisée dans cette partie du bassin clermontois. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Opération d’archéologie préventive conduite entre octobre 2023 et mars 2025 sur la commune de Cournon-d’Auvergne, en préalable au réaménagement de la place Joseph Gardet.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : Commune de Cournon-d’Auvergne

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable : Kevin Dixon

Équipe de terrain

  •  Kevin Dixon (RO)*
  • Jérôme Besson (RA)
  • Laurent Vallée (RA)*
  • Gaëlle Morillon*
  • Thierry Repellin*
  • Elsa Dias*
  • Stéphane Marchand*
  • Killian Blanc
  • Laura Darmon*
  • Lucile Pomes*
  • Miguel Rodriguez
  • Lucile Catté*
  • Aurélie Courtot
  • Audrey Baradat-Joly*
  • Kathleen Dupinay*

* fouille et post-fouille

Équipe de Post-Fouille

  •  Katinka Zipper
  • Gauthier Tavernier
  • Amaury Collet
  • Amandine Réaud
  • François Corbeau
  • Clément Chavot
  • Audrey Baradat-Joly
  • David Gandia
  • Géraldine Camagne
  • Pierre Cargouet
  • Laurie Flottes
  • Guillaume Lépine
  • Geoffrey Leblé
  • Sébastien Laratte

Des occupations du néolithique à l’antiquité à Lonay (Vaud)

Des occupations du néolithique à l’antiquité à Lonay 

Dans la zone industrielle de Lonay (Vaud), un projet de construction d’un ensemble d’activité avec parking souterrain du nom d’Ideal Park a été précédé d’une intervention d’archéologie préventive qui a conduit à la découverte d’un site multi-phasé.Sur un total de plus de 1500 m2, des vestiges du Néolithique moyen I jusqu’à la période antique ont pu être mis au jour. 

Des vestiges depuis le néolithique …

Les vestiges les plus anciens correspondent à une phase de défrichement durant le Néolithique moyen I avec des traces disséminées évoquant une installation humaine au Néolithique moyen II. Cette dernière, mal définie spatialement, semble malgré tout présente sur la grande majorité de l’aire investiguée. L’âge du Bronze représente toutefois la plus grande partie des indices archéologiques découverts sur ce site. Un corpus de céramique protohistorique riche de plus de 750 tessons a pu être étudié. La mise en commun de ce mobilier avec les vestiges de deux habitats brûlés a permis de caractériser une installation de l’âge du Bronze moyen/récent puis, directement adjacent, un aménagement au Bronze final. Le premier est matérialisé par un plancher carbonisé sur place lié à une petite quantité de mobilier tandis que le second est visible sous la forme d’une couche de démolition dense et riche en céramique. Les vestiges de l’âge du Fer, représentant la phase la moins fournie du site, ne permettent pas de qualifier l’extension ou le type d’aménagement lié mais témoignent d’une pérennisation de l’occupation du site malgré une forte dynamique fluviatile. Cette dernière, probablement intrinsèquement liée à l’attrait des communautés humaines pour cet espace, est aussi la raison du mauvais état de conservation des structures et du mobilier.

Solin de l'Age du Bronze.
Fosse de l'Age du Bronze en coupe.
Structure d'habitat brûlé, Age du Bronze.

… jusqu’à l’antiquité

L’Antiquité, dernière période chronologique attestée, est notamment représentée par un réseau de fossés interconnectés pouvant évoquer une organisation parcellaire. La plupart de ces vestiges sont toutefois connexes avec les fouilles subséquentes menées sur la parcelle voisine de Lonay, Dessous le Motty et leur mise en commun permet une compréhension plus extensive des dynamiques d’occupation. Une continuité de l’occupation du site de Lonay, Ideal Park depuis le Néolithique moyen jusqu’à l’Antiquité est d’ores et déjà attestée par les trouvailles de cette campagne.

Vue zénithale d'un foyer d'époque romaine
Fosse d'époque romaine en coupe.
Coupe de référence

Opération d’archéologie préventive conduite en 2022 sur la commune de Lonay en amont de la  construction d’un ensemble d’activité avec parking souterrain.

Prescription et contrôle scientifique :
Archéologie cantonale du canton de Vaud

Maîtrise d’ouvrage : Particulier

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable : Guillaume NICOLET

Équipe de fouille

  • Guillaume Nicolet (RO),
  • Ryan Hughes,
  • Aurélie Dorthe,
  • Alain Steudler,
  • Bénédicte Oulevey,
  • Céline Mahé,
  • João Abreu,
  • Sandro Bolliger,
  • Yann Buzzi

Du terrain au laboratoire, une équipe d’archéologues au cœur de l’opération de Sainte-Hermine (Vendée)

Du terrain au laboratoire, une équipe d’archéologues au cœur de l’opération de Sainte-Hermine (Vendée)

Suivez en vidéo le travail de archéologues sur le site protohistorique et antique de Sainte-Hermine (Vendée). Au cours de l’année 2024, une équipe d’Archeodunum a mené une fouille archéologique sur 4,5 hectares au sud de la commune, en amont de l’extension du parc d’activités Vendéopôle Atlantique. Plus de 1200 vestiges ont été mis au jour, révélant des monuments circulaires datés entre la fin de l’âge du Bronze final et le premier âge du Fer, puis un vaste domaine rural de la fin de la période gauloise auquel succède rapidement un nouvel habitat au début de l’Antiquité.

Du terrain au laboratoire, une équipe d’archéologues au cœur de l’opération de Sainte-Hermine (Vendée) ’

Une opération archéologique dirigée en 2024 par Jimmy Ménager (Responsable d’opération – âge du Fer) à Sainte-Hermine « Les Rondais » (Vendée)

Remerciements : Les archéologues présents sur la fouille Suzon Boireau, Shannah Barbeau, Laetitia Cure, Florian Diochet, Rudy Jemin, Emilie Masson, Valentin Walter, Aurélien Beauvisage, Elodie Jadelot, Kevin Schaeffer, Julien Alleau, Jimmy Ménager Les archéologues spécialistes du mobilier archéologique Elodie Jadelot, Priscille Dhesse, Lola Trin-Lacombe, Chloé Poirier-Coutansais, Valentin Lehugeur, Clément Chavot, Aurélie Ducreux, Alexandre Polinski, Kevin Schaeffer, Mariane Alascia-Morado, Moussab Albesso, Gwendal Gueguen, Geoffrey Lebley et Rudy Jemin, François Meylan, Chloé Poirier-Coutansais , Jimmy Ménager.

Images : Niels Adde, PPID et l’équipe de fouille
Montage / Animations : Niels Adde
Musique Alex, INPLUSMUSIC, MadEars, NeoTunes, NewArtistMedia, Serjilio
© Archeodunum SAS, juillet 2025

Retrouvez la notice complète du site

C’est un jardin (de Cybèle) extraordinaire

C’est un jardin (de Cybèle) extraordinaire

Découvertes archéologiques au cœur de Vienne

Entre septembre 2023 et mars 2025, une opération d’archéologie préventive au long cours s’est déroulée dans un cadre exceptionnel : le jardin de Cybèle, à Vienne, inscrit au titre des Monuments historiques. Sous la supervision de la DRAC, une équipe Archeodunum a alterné des phases de fouilles approfondies et le suivi des travaux d’aménagement. Le site a livré une moisson de vestiges inédits – preuve que ce lieu exploré depuis longtemps recèle encore bien des richesses patrimoniales (fig. 1).

Fig.1 : Dégagement d’un bloc portant une inscription.
Fig. 2 : Plan des vestiges.
Fig. 3 : Amphores du ier s. av. J.-C.

Un quartier antique au tissu urbain dense

L’opération s’est inscrite dans un secteur majeur de la Vienne romaine, à deux pas du forum et de la basilique civile dont les arcades monumentales sont encore visibles (fig. 2, n° 1). Au centre de l’actuel jardin se trouve un édifice interprété comme la curie, lieu de réunion du conseil municipal dans l’Antiquité (n° 2). Au sud, des terrasses successives accueillent aussi bien des
édifices publics (n° 3) que des maisons privées, notamment la domus dite « aux oscilla » (n° 4).

Des artisans allobroges aux prémices de la ville romaine

Sous moins de 50 cm de recouvrement, les archéologues ont mis au jour des traces d’un quartier artisanal actif aux IIe et Ier siècles av. J.-C. — époque où la cité allobroge se romanise. On y observe des sols brûlés, des murs en pierre sèche, des fosses remplies de ratés de cuisson de céramiques et d’amphores à vin italiennes (fig. 3). Certaines portent la marque de fabricants
originaires de Cosa, colonie romaine d’Italie réputée pour sa production d’amphores (fig. 4).

Fig. 4 : Marque de fabricant sur une amphore, indiquant une provenance d’Etrurie.
Fig. 5 : Le vestibule d’accès à la domus aux oscilla, en cours d’exploration.
Fig. 6 : Une nouvelle mosaïque a été découverte au sud de la domus aux oscilla.

Une transformation urbaine progressive

À l’époque augustéenne, le quartier se restructure et les anciens aménagements gaulois cèdent la place à une architecture plus monumentale. De nouvelles constructions sont érigées, puis remplacées à l’époque claudienne (vers 50 ap. J.-C.) par l’imposante curie. Au sud, les fouilles ont mis au jour plusieurs états d’un bâtiment qui subit deux incendies avant de laisser place à la domus aux oscilla, reconstruite et embellie jusqu’au IIIe siècle (fig. 5). À côté, un fragment de mosaïque indique l’existence d’une autre maison (fig. 6 et fig. 2, n° 5).

Le portique et sa fontaine disparue

Devant la domus, un portique monumental longeait l’ancienne rue. Composé de bases calcaires supportant des colonnes, il servait d’appui à une fontaine aujourd’hui disparue (fig. 7 et fig. 2, n° 6 ). Seuls subsistent une conduite en plomb et un égout d’évacuation, ainsi que la fondation soutenant cette fontaine. Fait remarquable, ce massif était formé de blocs de remploi, certains ornés d’inscriptions gravées : des fragments de piédestaux ayant autrefois porté des statues honorifiques.

Une élite antique gravée dans la pierre

Parmi les inscriptions, plusieurs noms de notables émergent. Sextus Julius Italicus et Lucius Julius Fronto sont cités, mais ce sont Titus Decidius Domitianus et sa femme Licinia Optatina qui retiennent l’attention (fig. 8 et fig. 9). Lui fut quattuorvir1, magistrat influent ; elle, prêtresse du culte impérial, officiant au temple tout proche d’Auguste et de Livie. À noter : leurs statues ont été offertes non par les habitants de Vienne, mais par ceux du vicus Boutidurum — l’actuelle Annecy — attestant de forts liens régionaux.

Fig. 7 : Les fondations de la fontaine en grands blocs de taille.
Fig. 8 : Bloc avec une inscription mentionnant Titus Decidius Domitianus
Fig. 9 : L’inscription de Titus Decidius Domitianus.

Ce n’est qu’un début

Les recherches menées au jardin de Cybèle offrent une nouvelle lecture de ce haut lieu de l’histoire viennoise. L’analyse fine des vestiges, en cours, par plusieurs spécialistes, permettra de mieux comprendre les dynamiques urbaines, artisanales et politiques de la cité entre le IIe siècle av. J.-C. et le IIIe siècle de notre ère.

Notes.

1 – Les quattuorviri sont un groupe de quatre magistrats les plus importants de la cité.

Opération d’archéologie préventive conduite de septembre 2023 à mars 2025 sur la commune de Vienne, dans le cadre de la requalification du parc archéologique du Jardin de Cybèle.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : Ville de Vienne

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable : Elio Polo

Équipe de terrain & de Post-Fouille

  • Elio Polo (RO)
  • Kilian Blanc
  • Christina Popova
  • Jerome Grasso
  • David Baldassari
  • Camille Nouet
  • David Gandia

     

Des cercles protohistoriques à Challans (Vendée)

Des cercles protohistoriques à Challans

Exploration d’un monument de l’Âge du bronze

À Challans (Vendée), au cœur du bocage, les archéologues ont mis au jour un monument circulaire fossoyé datant de l’Âge du Bronze, accompagné de structures et d’indices d’occupation parfois plus anciens (fig. 1). Menée entre septembre et octobre 2021 avant l’extension d’une carrière par les Sablières Palvadeau, l’exploration a permis d’en savoir plus sur les pratiques funéraires, cultuelles, rituelles et sociales des communautés anciennes.

Fig.1 : Vue verticale du monument circulaire de l’âge du Bronze (© Ukko Cartographie).
Fig. 2 : Les six poteaux du bâtiment attribué au Néolithique (© Ukko Cartographie).

Une présence néolithique discrète, mais singulière

La première occupation du site, très discrète, a pu être datée du Néolithique moyen II, vers le 4e millénaire av. J.-C., grâce à des analyses au radiocarbone (14C). La fouille a mis au jour un potentiel foyer et une petite construction rectangulaire sur poteaux, d’une superficie d’environ 7 m² (fig. 2 et 3). Rare pour l’époque, cette structure à nef unique intrigue par sa taille modeste et invite à la prudence quant à sa datation précise.

Un monument circulaire de l’Âge du Bronze ancien

Le cœur des découvertes consiste en un enclos circulaire à double fossé, déjà repéré dans les années 1980 par photographie aérienne (fig. 4). Daté de l’âge du Bronze ancien, entre 2200 et 1800 av. J.-C., c’est un type de structure encore peu documenté dans le centre-ouest de la France. L’enceinte externe, d’un diamètre de 17 m, est continue. Quant à l’enclos interne, d’un
diamètre de 9,50 m, il présente un fossé en forme de fer à cheval, complété à l’est par deux fosses oblongues (fig. 1 et 3-5).

Fig. 4 : Le monument de l’âge du Bronze. Diamètre extérieur 17 m (© Ukko Cartographie).
Fig. 5 : Exploration d’un fossé.

Une fosse centrale qui laisse sceptique

Au centre des monuments de ce type, une fosse quadrangulaire est souvent creusée pour accueillir une ou plusieurs sépultures. À Challans, la morphologie de la fosse est singulière, avec une plateforme à l’est et un surcreusement circulaire à l’ouest (fig. 6). Pourrait-il s’agir du logement d’un poteau ou d’une pierre dressée ? Aucun reste osseux n’était conservé, mais cela peut s’expliquer par la nature du terrain. Les indices sont donc minces et n’apportent pas de réponse claire sur ce point, ni sur les fonctions du monument.

Fig. 6 : La fosse centrale du monument circulaire.
Fig. 7 : Un bâtiment sur quatre poteaux (© Ukko Cartographie).

Des bâtiments et structures annexes

À proximité de l’enclos, un petit bâtiment quadrangulaire sur quatre poteaux est également attribué à la période de l’âge du Bronze ancien (fig. 7). Sa forme évoque une structure de stockage, de type grenier, mais sa proximité avec l’enclos laisse planer le doute sur sa fonction réelle. D’autres bâtiments ont été découverts sur le site, mais leur datation reste incertaine. Ces structures témoignent d’une occupation humaine riche et diversifiée, bien que les indices soient
insuffisants pour établir un cadre précis.

Et après ?

Après la fouille, les travaux de la carrière ont pu se poursuivre. En parallèle, les archéologues ont achevé l’étude de leurs découvertes. Données, analyses et résultats ont été rassemblés dans un copieux rapport. Ce document est remis au Service régional de l’archéologie, puis examiné par des experts mandatés par le ministère de la Culture. Une fois validé, il est mis à disposition sur la plateforme scientifique HAL. Au total, ces investigations auront permis d’éclairer une partie des zones d’ombre sur les fonctions de l’enclos et des structures associées, tout en enrichissant notre compréhension des sociétés de l’âge du Bronze ancien.

Opération d’archéologie préventive conduite en automne 2021 sur la commune de Challans au lieu-dit Les Chênes, en préalable à l’extension d’une carrière.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie des Pays de la Loire

Maîtrise d’ouvrage : Sablières Palvadeau

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable : Valentin Lehugeur

Équipe de terrain

  • Valentin LEHUGEUR (RO)*
  • Laetitia CURE*
  • Fabien MONTASSIER*
  • Shannah BARBEAU
  • Geoffroy LEBLE*
    * fouille et post-fouille
Vue générale de la fouille (© Ukko Cartographie)

Équipe de post-fouille

  • Audrey BLANCHARD
  • Paul DERMOUCHERE
  • Lucie LE DORE
  • Chloé POIRIER COUTANSAIS
  • Laurie FLOTTES
  • Sandrine SWAL
  • Marianne ALASCIA MORADO
  • Rudy JEMIN

Un vaisseau de pierre, de bois et de métal

Un vaisseau de pierre, de bois et de métal

Enquête archéologique dans le transept de Notre-Dame de Chartres

En 2021, la DRAC Centre-Val de Loire, via la Conservation régionale des monuments historiques, a lancé un vaste chantier de restauration du transept de la cathédrale Notre-Dame de Chartres, sous la maîtrise d’œuvre de l’ACMH1 Marie-Suzanne de Ponthaud. Durant 20 semaines réparties tout au long des travaux, les archéologues d’Archeodunum ont mené des investigations pour décrypter les secrets du chantier de construction du transept, et remonter ainsi le temps jusqu’au début du XIIIe siècle (fig. 1)

Fig.1 : À 30 m de haut, étude du bras nord du transept avant sa restauration.
Fig. 2 : Plan de la cathédrale de Chartres avec le transept en orange, d’après B. Kurmann-Schwarz et P. Kurmann, Chartres. La cathédrale, 2001, p. 28.

Une architecture de pierre et de chaux

L’étude a porté sur les deux bras du transept, dont chacun est organisé en trois travées qui culminent à 33 mètres de hauteur sous voûte (fig. 2). Les archéologues se sont intéressées aux natures géologiques des pierres, confirmant le recours à trois types de calcaire qui avaient déjà été identifiés dans la nef de la cathédrale : pierre de Berchères, calcaire lutécien et calcaire crayeux. Ces matériaux, choisis pour leur disponibilité et leurs qualités constructives, sont  assemblés à l’aide de mortier de chaux.

Deux recettes principales de mortier ont été identifiées : l’une à base de sable orange, donnant une teinte beige-orangé, l’autre plus blanche avec un granulat sablo-gravillonneux. L’identification de ces variations apporte un éclairage nouveau sur l’organisation du chantier médiéval. De même, à travers l’analyse des assises et des découpes des pierres, les archéologues ont mis en lumière les techniques adoptées par les bâtisseurs pour s’adapter aux contraintes liées aux échafaudages et à l’approvisionnement du chantier (fig. 3).

Fig. 3 : Intérieur du transept sud, relevé archéologique d’une partie du mur sud.
Fig. 4 : Tirants en bois dans la voûte près de la croisée du transept (sud).

Le bois, élément de stabilité et pourvoyeur de datations

Les archéologues ont examiné de puissants tirants en chêne pris dans les voûtes des travées situées contre la croisée (fig. 4). Ces imposantes pièces de bois servent à assurer la stabilité des voûtes. L’étude archéologique a montré qu’elles ont été prévues et installées dès la  construction. C’est une information inédite, puisqu’on pensait jusque-là que ces tirants étaient venus consolider l’ouvrage dans un second temps. L’analyse dendrochronologique a daté  l’abattage de ces bois entre 1210 et 1237, confirmant leur appartenance au chantier d’origine. Cela éclaire le rôle fondamental du bois dans l’édification de la cathédrale.

Le métal, un renfort invisible mais essentiel

L’étude des maçonneries a révélé l’usage discret, mais omniprésent, du métal. Des tiges et agrafes en fer, scellées au plomb, assurent la cohésion des colonnes, des garde-corps et des remplages. En plus de ces éléments constructifs, de nombreuses réparations employant du métal ont été réalisées pendant le chantier, indiquant que des pierres ayant été cassées sont tout de même utilisées dans les murs (fig. 5). Cette particularité témoigne de la rapidité du chantier de construction du transept. Par ailleurs, le métal était aussi fiché dans les murs pour accrocher le mobilier liturgique ou, tout en haut des murs, pour fixer des protections temporaires devant les vitraux (fig. 6a et 6b).

Fig. 5 : Réparation d’un chapiteau à l’aide d’une pièce métallique.
Fig. 6A : Rose entourée de petits crochets métalliques.
Fig. 6B : Rose entourée de petits crochets métalliques, détail d’un crochet.

Des décors peints, touche finale du chantier

Les analyses des enduits révèlent l’ampleur du chantier de mise en décor qui a marqué l’achèvement du transept de la cathédrale, rapidement après le début de sa construction au XIIIe siècle. Chaque bras du transept était recouvert d’un enduit beige agrémenté d’un décor de faux-appareil peint en blanc (fig. 7). Moins d’un siècle plus tard, un nouveau motif de faux-appareil, cette fois sur fond rose-orangé, a recouvert le premier, tandis que les clefs de voûte recevaient un décor héraldique (fig. 8 et 9). Ce dernier n’a jamais été masqué, malgré les badigeons appliqués aux XVIIIe et XIXe siècles.

Fig. 7 : Décor de faux-appareil tracé en blanc sur le mortier beige.
Fig. 8 : Décor polychrome héraldique de fleur de lys dorée sur une clef de voûte
Fig. 9 : Étude d’une clef de voûte ornée de motifs héraldiques. La voûte et son décor de faux-appareil sont restaurés.

Un pan de l’histoire dévoilé

Grâce à ces investigations, le chantier de construction et de mise en décor du transept de Notre-Dame de Chartres se révèle avec une précision inédite. Ces découvertes permettent non seulement de mieux comprendre les techniques médiévales, mais aussi d’accompagner la restauration actuelle en mettant en valeur les savoir-faire des bâtisseurs d’autrefois.

Opération d’archéologie préventive conduite de 2022 à 2025, en parallèle à la restauration des parements intérieurs du transept de la cathédrale Notre-Dame de Chartres.

Prescription et contrôle scientifique : Conservation régionale des monuments historiques ; Service régional de l’archéologie

Maîtrise d’ouvrage : DRAC Centre-Val de Loire

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable : Camille COLLOMB

Équipe de terrain

  • Camille Collomb (RO)*
  • Alice Borel
  • Emilien Bouticourt
  • Jean-Baptiste Kowalski
  • Margaux Lainé
  • Mylèna Wasylyszyn
    * Terrain et Post-Fouille

Intervenants extérieurs

  • Christophe Perrault (C.E.D.R.E.)
  • Olivier Veissière (Patrimoine Numérique).

 

Flashes d’Anse, des bâtiments romains et un grand cimetière médiéval

Flashes d’Anse

Des bâtiments romains et un grand cimetière médiéval

De juin à octobre 2024, une équipe d’archéologues d’Archeodunum a exploré une parcelle de 2000 m² à Anse (Rhône), avant la construction d’un ensemble résidentiel par la société Katrimmo. Ce secteur, situé dans le quartier Saint-Romain, se trouve à proximité d’une importante aire funéraire, utilisée entre la fin de l’Antiquité et le début du Moyen Âge, et dans les parages d’une église disparue, mentionnée dès le Xe siècle. La fouille a permis de mettre en lumière de très riches occupations romaines et médiévales, dont un cimetière de la fin du 1er millénaire (fig. 1).

Fig.1 : Au cœur du cimetière médiéval.
Fig. 2 : Plan général des vestiges.

Du temps D’Asa Paulini

Les vestiges romains sont à rattacher à la petite ville d’Asa Paulini, mentionnée sur un document de voyage du IIIe siècle. Ils couvrent une période allant du IIe au IIIe siècle de notre ère (fig. 2). On distingue une cave en blocs de calcaire, comblée dans un second temps et recouverte par un foyer maçonné en tuiles plates, ce qui atteste d’un réaménagement (fig. 3). Plus loin, un autre bâtiment abrite des traces de travail des métaux, sous la forme de petits foyers et de déchets de plomb et de bronze. Un troisième édifice, au nord-est du site, est associé à une puissante canalisation en béton de tuileau, un matériau réputé pour son étanchéité (fig. 4). L’ensemble est traversé du nord au sud par une voie de belle facture qui, dans son état tardif, menait directement à l’entrée nord-ouest du castrum du IIIe siècle (aujourd’hui la rue Pont-Chollet).

Fig. 3 : La cave romaine et sa belle élévation.
Fig. 4 : Canalisation romaine en béton de tuileau.

À La recherche de la basilique perdue

L’église Saint-Romain, connue depuis le Xe siècle et mentionnée comme basilique dès le Ve siècle, reste introuvable et attise depuis longtemps la curiosité des chercheurs. La fouille a révélé deux ensembles de bâtiments dont la fonction demeure incertaine (voir fig. 2). Pourraient-ils être liés à l’église disparue, à son hôpital ou à une chapelle attenante, ainsi que le suggèrent les tombes à proximité ?

Anse macabre : un cimetière du moyen Âge

Au cœur du site, les archéologues ont en effet eu la surprise de découvrir un espace funéraire daté entre le viiie et le xie siècle (fig. 5 à 7). Près de 170 sépultures ont été mises au jour, la plupart des défunts sont orientés tête à l’ouest, en position dorsale. Ce cimetière colonise l’ancienne voie romaine ainsi que les bâtiments adjacents. Plus largement, il s’inscrit dans le quartier Saint-Romain, dont la limite pourrait bien être marquée par un fossé identifié à l’est de la fouille.

Fig. 5 : Deux tombes du cimetière médiéval.
Fig. 6 : Détail d’un squelette.
Fig. 7 : Tombes installées dans la voie romaine.-

Des productions médiévales : tuiles et mortier

Par la suite, le site témoigne d’une intense activité de construction. Un four de tuilier (fin Xe siècle), en grande partie conservé, a été fouillé (fig. 8). Il se compose d’une chambre de chauffe, encadrée de murs et structurée par huit murets. Il servait à cuire des tuiles canal à crochet. À proximité, un four à chaux (fin XIe siècle) témoigne de la production de mortier, probablement destiné aux bâtiments médiévaux de la ville.

Fig. 8 : Le four de tuilier et sa fosse de travail entièrement dégagés.
Fig. 9 : Fouille minutieuse d’une sépulture.

Les prochaines étapes

Le terrain a été restitué à l’aménageur, mais l’étude scientifique ne fait que commencer. Les spécialistes analyseront les données et les vestiges mis au jour pour préciser leur chronologie et leur fonction. À terme, un rapport détaillé viendra assurément renouveler et enrichir notre compréhension de l’évolution d’Anse, de l’époque romaine au Moyen Âge, et, peut-être, lever le voile sur les mystères de l’église Saint-Romain.

Opération d’archéologie préventive conduite à l’été 2024 sur la commune d’Anse au lieu-dit « 266, route de Villefranche », en préalable à la construction d’un collectif de logements.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Maîtrise d’ouvrage : Katrimmo

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable : Marie-José ANCEL

Équipe de terrain

  • Marie-José ANCEL (RO) *
  • Laura DARMON *
  • Audrey BARADAT *
  • David GANDIA
  • Vincent RAULT
  • Kilian BLANC
  • David BALDASSARI
  • Laurent VALLEE
  • Lara PEREZ-BLANC
  • Solenne MISERY
  • Quentin ROCHET *
  • Thibaut AVINENC
  • Morgane BERRONE
  • Jérôme GRASSO
  • Thomas EYDALEINE
  • Maud LABALME *
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de post-fouille

 

  • Amaury GILLES
  • Clément CHAVOT
  • Moussab ALBESSO
  • Émilie MERVEILLEUX
  • Aurélie DUCREUX
  • Julien COLLOMBET
  • Camille COLLOMB
  • Sébastien LARATTE
  • Christina POPOVA

une Zac avant l’heure ? Plus de 3000 ans d’histoire à Beaurepaire

Une Zac avant l’heure ?

Plus de 3000 ans d’histoire à Beaurepaire

Avant l’implantation d’une nouvelle zone d’activités par Isère Aménagement, une équipe d’archéologues a fouillé pas moins de 9 hectares sur la commune de Beaurepaire (Isère). Pendant plus d’un an, c’est un site aux occupations multiples, allant de la Protohistoire au Moyen Âge, qui a été exploré. L’analyse du terrain a révélé une densité exceptionnelle  de vestiges, suggérant en particulier une intense activité artisanale et économique autour de l’an mil.

Fig.1 : L’un des fours du Moyen Âge. Le four proprement dit est au fond, avec la zone de travail (au centre) et quelques marches d’accès, ainsi que des fosses annexes.
Fig. 2 : Plan général des vestiges (extrait)

Un site marqué par des périodes d’activité discontinues

L’occupation du site débute à l’âge du Bronze final, vers 1300-1200 av. J.-C., avec l’installation de nombreux silos destinés au stockage des récoltes. Plus tard, à la transition avec l’âge du Fer,  vers 800 av. J.-C., des structures de cuisson collective sont aménagées à proximité. Il faut ensuite attendre une longue période, jusqu’au IXe siècle ap. J.-C., pour voir émerger un imposant site de production qui perdurera jusqu’au Xe-XIe siècle.

Une profusion de vestiges

Les archéologues ont mis au jour plus de 1900 structures archéologiques (fig. 2), témoignant de la diversité des activités pratiquées sur place :
• 600 silos, couvrant la Protohistoire et le Moyen Âge (fig. 3 et 4) ;
• 750 trous de poteau, révélant des bâtiments en bois et terre datés des deux périodes ;
• 9 structures de cuisson collective protohistoriques, dont 7 forment un alignement (fig. 5) ;
• Pour le Moyen Âge, 5 fours, certains dotés de plusieurs chambres de chauffe (fig. 1) ;
• 3 puisards et 1 puits ;
• Plus de 50 structures artisanales, dont la fonction précise reste à déterminer ;
• 23 sépultures (fig. 6 et 7)

Fig. 3 : Les silos prennent diverses formes, par exemple coniques...
... ou globulaires.

Des vestiges remarquablement préservés

Au-delà de leur nombre et de leur diversité, l’état de conservation de ces structures fait de Beaurepaire un site exceptionnel. Certains silos, de très fort calibre, avaient encore une profondeur de 1,80 m (fig. 3 et 4), tandis que les chambres de certains fours atteignaient 2,20 m de diamètre (fig. 1). Une telle préservation est rare sur des sols sédimentaires et permet d’envisager des analyses poussées sur les modes de production et de stockage.

Moyen Âge : Une zone d’activité avant l’heure

L’organisation des vestiges suggère que le site médiéval fonctionnait comme une zone d’activités artisanales et économiques, avec ses fours, ses ateliers et ses nombreuses installations de stockage. L’absence de véritables habitations laisse penser que l’habitat principal se trouvait à proximité. Clin d’œil de l’histoire, il est plaisant d’imaginer que la future ZAC de Champlard soit un lointain écho de cette atmosphère laborieuse vieille d’un millénaire.

Fig.4 : Dans un second temps, les silos servent parfois de dépotoir, comme pour cette poterie médiévale.
Fig. 5 : Four à pierres chauffées (vers 800 av. J.-C.).
Fig. 6 : Une sépulture médiévale.
Fig. 7 : Une sépulture médiévale.

Et maintenant ?

Avec la fin de la fouille, l’aménageur a repris possession du terrain pour son projet, tandis que les archéologues poursuivent leurs analyses en laboratoire. Pendant environ deux ans, les données récoltées sur le terrain seront examinées afin de mieux comprendre les activités qui ont rythmé le site à travers les siècles. L’ensemble des résultats sera synthétisé dans un rapport final, offrant un éclairage inédit sur l’histoire économique et sociale des populations qui ont  précédé les Beaurepairois d’aujourd’hui.

Opération d’archéologie préventive conduite entre octobre 2023 et janvier 2025 sur la commune de Beaurepaire (38), au lieu-dit « Champlard », en préalable à la création d’une ZAC.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Maîtrise d’ouvrage : Isère Aménagement

Opérateur archéologique : Archeodunum

Responsable : Agata Poirot

Phase 1 (terrain / post-fouille)

  • Agata Poirot (RO)
  • Cindy Causse
  • Gauthier Tavernier
  • Charlotte Sanchez
  • Stefania Fabris
  • Mathilde Martin
  • Roxane Desmaillet
  • David Gandia
  • Jean-Baptiste Mercier
  • Pieter Helwig
  • Lisa Guichard-Cobal
  • Camille Nouet
  • Clément Chavot
  • Zoé Bonnin
  • Thibaut Avinenc
  • Colin Cousin
  • Estelle Leclerc
  • Solène Alloin
  • Kathleen Dupinay

Phase 2 (terrain / post-fouille)

 

  • Agata Poirot (RO)
  • Cindy Causse
  • Gauthier Tavernier
  • Charlotte Sanchez
  • Mathilde Martin
  • Roxane Desmaillet
  • David Gandia
  • Jean-Baptiste Mercier
  • Pieter Helwig
  • Lisa Guichard-Cobal
  • Thibaut Avinenc
  • Colin Cousin
  • Solène Alloin
  • Cécile Menager
  • Jordan Vallet
  • Servane Bonvalet